Agefi Suisse

Scepticisme en préparation sur les banques centrales nouvelle source de risque systèmique

Scepticisme en préparation sur les banques centrales nouvelle source de risque systèmique

Les bilans distendus et les risques hors-norme devraient en faire la prochaine grande source d’inquiétude systémique.

 

La Banque nationale suisse avait repris 38,7 milliards de francs d’actifs toxiques d’UBS sous forme de crédits et autres biens immobiliers illiquides depuis la crise des crédits hypothécaires aux Etats-Unis. Elle a déjà réussi à diminuer de moitié le crédit et le risque total depuis la reprise des actifs fin septembre 2008.

Le StabFund lui réussit plutôt bien puisqu’elle en a dégagé un bénéfice de 2,6 milliard sur l’exercice 2010. Son titre est en hausse de 15.12% sur les six derniers mois. Toutefois la taille du bilan a augmenté considérablement depuis 2008. Alors que les variations moyennes d’une année à l’autre oscillaient autour de 5%, il a cru de 70% entre 2007 et 2008 et ne donne aucun signe de réduction depuis lors.

La question se pose de savoir si les banques centrales ne sont pas en passe de devenir la source de risque systémique la plus importante du système financier international. En d’autres termes, avec des bilans dilatés et des risques exceptionnels, les banques centrales ne seraient-elles pas devenues un nouveau talon d’Achille prêt à prendre le relais de la Grèce?

PLUS DE RISQUE EN SUIVANT :

Garantes de la stabilité des prix, elles sont le principal fournisseur de  liquidité et les prêteurs de dernier recours. Lorsque le risque devient systémique, la liquidité qui est une créance sur la banque centrale devient le seul actif recherché. En période de crise aigue, leur rôle a des implications de fond sur la taille de leur bilan et sur leur profil de risque. Elles sont contraintes à prendre des risques qu’aucun n’acteur privé n’est en mesure d’assumer. En d’autres termes, les banques centrales sont les seules institutions qui, en prenant en charge temporairement des risques exceptionnels, permettent de contrôler le risque systémique. 

Théoriquement, cette prise de risque et le gonflement des bilans correspondant est de courte durée et, lorsque la crise se résorbe, elles devraient être en mesure de se libérer et de retrouver leur taille de croisière.

Ce n’est certainement pas ce que nous constatons à l’heure actuelle. Les bilans de la BCE, de la FED, de la Banque d’Angleterre, de la Banque du Japon ou de la BNS se sont considérablement alourdis et ne dégonflent pas.

La question est de savoir si les banques centrales sont équipées pour gérer les tailles de bilan que nous observons et les risques qu’elles ont pris en charge qui croissent plutôt que décroissent.

Les travaux de Lorenzo Bini Smaghi, exmembre du comité exécutif de la BCE, apportent quelques éclaircissements.

La gestion du risque des banques centrales diffère de celui des banques privées. Leur statut de garants de la stabilité des prix les contraint à maintenir un niveau de crédibilité très supérieur en s’assurant qu’elles sont suffisamment capitalisées et que leur profitabilité à long terme est garantie.

Une particularité fondamentale de leur bilan est la présence sur le passif de d’instruments sans maturation et sans rémunération: les billets de banque. Etant donné qu’elles ont le privilège et le monopole de leur émission, elles ne souffrent pas des mêmes défis à la liquidité que les autres établissements financiers.

Malgré la présence de capital propre explicite et de comptes de réévaluation, l’évaluation de ces coussins de protection n’obéit pas aux mêmes règles que celles des banques privées en matière de prise de risques et de levier.

En ce qui concerne les actifs, les banques centrales ont un profil de risque complètement différent de celui des autres banques. En période de croisière, elles présentent une exposition très supérieure au risque de devises. La taille des réserves de change, leur distribution entres les différentes devises et la manière dont la banque centrale assure sa couverture sont les préoccupations principales de la cellule de risque de la banque. Dans le cas de la BCE, par exemple, les réserves en devise sont des poches d’intervention et donc le risque de change correspondant n’est pas couvert. La raison en est simple, une banque centrale doit pouvoir intervenir ses les marchés en vendant des devises si leur appréciation déstabilise les prix directement ou indirectement. Leur exposition aux fluctuations de l’or est également très supérieure à celles des banques privées.

Par ailleurs, et toujours en temps normal, leur portefeuille d’investissement est géré avec une prudence exemplaire. Comme par ailleurs, elles tendent à investir et non à négocier, elles sont moins sensibles aux variations de taux et de liquidité. Puisqu’elles conservent les actifs jusqu’à maturité, leur risque principal est le risque de crédit et elles s’en protègent en s’assurant de la qualité de la contrepartie. La BCE, pour la citer encore, n’accepte aucun actif dont la notation est inférieure à BBB-. Pour ce qui est des Asset Back Securities (ABS), la notation minimum est AAA à l’émission. En outre, la BCE est très attentive à l’évaluation des collatéraux.

Il est normal que les banques centrales prennent des risques hors normes dans les périodes de stress. Cela fait partie de leur rôle. Mais que se passe-t-il lorsque la crise se prolonge ou est suivie d’une nouvelle crise. La crise bancaire de 2008, aujourd’hui prolongée par la crise des dettes grecque et irlandaise, a amené la BCE à racheter quantité d’obligations dans le cadre du Covered Bond Purchase Programme (CBPP) et du Securities Market Programme (SMP) pour en faire baisser le prix. De même la FED dans le cadre du QE. Le bilan de la BNS s’est re-gonflé de 30% entre 2009 et 2010.

Pour une raison ou pour une autre, les bilans des banques centrales ne réussissent plus à reprendre une taille et un profil de risque en rapport avec ceux qu’elles avaient avant la crise. Il est donc légitime de se demander si elles ne présentent pas dorénavant un véritable risque systémique. Après tout, étant les prêteurs de dernier ressort, il ne resterait plus qu’à plonger dans la poche des contribuables si elles n’arrivaient plus à se financer. (NJN)

Nicolette de Joncaire/Agefi juin11

 

Laisser un commentaire