L’agonie européenne a commencé par Jean-Pierre Petit /Président des Cahiers Verts de l’économie /jeudi 7 juillet 2011
L’idée même de construction européenne née il y a soixante ans est aujourd’hui en déliquescence. Après l’étape clé de l’échec du référendum sur la constitution de 2005, la crise grecque lui porte le coup de grâce. Le vide européen est total sur le plan stratégique, économique et institutionnel. Pire, dix-huit mois de crise grecque nous lèguent un Premier ministre grec usé, une contagion augmentant le coût du sauvetage pour la collectivité, une confiance des investisseurs durablement ébranlée, des chocs périodiques sur les marchés financiers mondiaux, tout en réussissant « l’exploit » de susciter une opposition à l’aide de l’opinion publique à la fois des pays créditeurs et en Grèce.
PLUS DE PETIT EN SUIVANT :
Il y a vingt ans, on pouvait penser que le modèle d’intégration européen pouvait servir de référence aux alliances commerciales qui se nouaient en Amérique latine ou en Asie. Il n’en a rien été.
Ce déclin était patent avant la crise. La construction européenne est responsable en ce qu’elle a donné une illusion de protection aux opinions publiques. Les élites politiques ont tenu un discours anesthésiant, d’où le succès du principe de précaution ou du « bouclier » : bouclier social, sanitaire, monétaire… Les politiques allemands ont vendu l’euro comme un substitut du deutschemark sans transferts financiers vers les autres Etats, tandis qu’en Europe du Sud et en France, on prétendait que la monnaie unique les protégerait des crises financières.
Au-delà du rafistolage en cours, revenir à la seule logique du Pacte de stabilité n’est pas la solution. C’est oublier son caractère procyclique, uniforme et inapplicable (inappliqué même par l’Allemagne). Ce serait surtout se focaliser uniquement sur les finances publiques et oublier les autres déséquilibres macroéconomiques (déficits extérieurs, bulles immobilières et de dette privée…) qui sont à l’origine des difficultés de l’Irlande ou de l’Espagne. Enfin, ce serait installer l’Europe dans des politiques d’austérité simultanées et ainsi renforcer les enchaînements déflationnistes. L’Europe n’a toujours pas compris, contrairement aux Etats-Unis, qu’aucun processus de désendettement n’est efficace en spirale déflationniste : le Japon était le pays riche qui avait le plus haut niveau de dette en 1990, au moment de l’éclatement de la double bulle ; vingt ans plus tard, c’est toujours lui qui détient ce record.
Bien sûr, il reste les espoirs de fédéralisation budgétaire et politique (ministre des Finances de la zone, émissions communes…). Cette solution, « favorite » des marchés, fait fi de l’opposition radicale de l’opinion allemande et est illusoire à plus d’un égard. Peut-on imaginer une véritable solidarité européenne alors que la solidarité intra-étatique recule (Belgique, Ligue du Nord, Catalogne) et qu’il y a toujours une absence de parti fédéraliste en Europe ?
Surtout, le problème de zone euro n’est pas qu’institutionnel. La perte de compétitivité, de leadership technologique et démographique, le manque de préparation aux exigences de la mondialisation et au vieillissement ne peuvent être résolus uniquement par l’union de plusieurs pays sous-performants.
Ajoutons que cette solution fédéraliste n’interviendrait probablement que dans l’urgence, c’est-à-dire après une crise majeure et élargie sur les marchés. Et ces derniers ne pourraient que s’interroger de façon légitime sur la capacité réelle de l’Allemagne à renflouer l’Europe du Sud, la Belgique et la France.
En vérité, l’Europe présente aujourd’hui les caractéristiques d’un processus auto-entretenu de décadence : paralysie institutionnelle, fragmentation économique et sociale, absence de projet fort, frilosité des peuples, conservatisme et clientélisme des élites politiques. Le déni de réalité et la recherche de boucs émissaires, chinois, américain et communautaire (parfois les trois en même temps) progressent partout. Les éléments essentiels de son destin économique sont décidés ailleurs : le cycle, le taux de change de l’euro, les conditions financières, le prix des matières premières… Les réussites européennes sont celles de « petits » pays, de surcroît entrés tardivement dans l’Union européenne (Suède, Finlande), voire restés volontairement au dehors (Norvège, Suisse)
Il n’y a pas à se réjouir de cette situation. Les replis frileux et protectionnistes (déjà illustrés par l’attitude lamentable des gouvernements européens face aux flux migratoires issus du printemps arabe) ne feront qu’accélérer l’agonie européenne.
SOURCE ET REMERCIEMENTS : LE BLOG DE JEAN PETIT
http://www.agefi.fr/blogs/blogs_expert.aspx?id=20
EN COMPLEMENT : Crise grecque – Une faillite désormais inévitable
Quelque dix-huit mois après son début, la crise grecque connaît un nouvel épisode. L’octroi de l’aide devait cette fois impliquer, outre le FMI et l’Union européenne, les banques privées qui détiennent de la dette publique hellénique. Le président de l’Eurogroupe a toutefois précisé, sans rire, que cela se ferait sur la base du volontariat. S’il s’agit du renouvellement des obligations venant à échéance aux conditions initiales de taux, on voit mal en quoi il ne s’agirait pas d’un défaut. Mais nul doute que tout sera fait, d’un point de vue comptable, prudentiel ou réglementaire, pour “habiller” le processus de telle sorte qu’il ne s’agisse pas d’un événement de crédit susceptible d’entraîner un nouveau stress financier.
Les exigences de surplus budgétaire qui sont présentées à la Grèce sont tout simplement hors d’atteinte.
La stratégie consiste une fois de plus à gagner du temps et à sauver les apparences. Cela a du sens : on permet aux porteurs de dette grecque d’acquérir des réserves, on tente de limiter le potentiel de contagion des crises, et on laisse aux pays débiteurs la possibilité de gagner en crédibilité afin d’envisager un retour sur les marchés. Mais la question de la solvabilité de l’Etat grec n’est pas pour autant résolue. Un défaut d’Athènes semble inévitable à moyen terme. Avec une dette à plus de 160 % du PIB en 2012, des taux structurellement élevés compte tenu du rehaussement durable du risque souverain, une faible croissance potentielle et une flexibilité de l’économie limitée, les exigences de surplus budgétaire présentées à la Grèce sont tout simplement hors d’atteinte.
Pourtant, l’environnement reste porteur. La croissance mondiale est proche de 4 % depuis deux ans, il n’y a pas de krach obligataire aux Etats-Unis, et aucun des pays du coeur de l’Europe n’a encore été touché par une défiance des marchés. Mais tout cela peut être remis en cause à la faveur d’un retournement de cycle ou de problèmes extra-économiques dans certains grands pays. La crise grecque ne constitue donc qu’une étape dans la longue montée en puissance du risque pays en Europe. Ses inévitables soubresauts continueront d’empoisonner la vie économique et l’évolution des marchés pendant encore longtemps.
source l’expansion.com 1/7/2011
de toute façon c’est la fin elle est inéductable
vous pouvez écoter des émissions sur l’économie et la crise
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