Construire un portefeuille pour un marché baissier est un casse-tête à la portée de peu de gérants
Comme en été 2008, les mauvaises nouvelles s’enchaînent. Les hedge funds dans leur ensemble pâtissent de la tourmente boursière et montrent une performance négative depuis le début de l’année
A l’instar de l’été 2008, les événements se précipitent et le flux de mauvaises nouvelles s’intensifie. Le secteur financier est à nouveau sous pression. La ressemblance avec la crise de 2008 est flagrante. Toutefois, ce n’est point une répétition de 2008 que nous traversons mais plutôt son prolongement, voire son épilogue.
Les problèmes ont été déplacés, amplifiés aussi, mais subsistent bel et bien. La dette est passée du secteur privé au secteur public, et les papiers à problèmes comme en 2008 sont toujours au bilan des banques. Partout, en Occident, l’heure du bilan a sonné. La résolution lointaine de la crise de la dette n’est plus une option pour les gouvernements occidentaux, c’est une urgence.
Les hedge funds, comme en 2008, présentent les mêmes risques et opportunités pour les investisseurs. Certains d’entre eux, non seulement survivront mais tireront sans doute parti comme par le passé des tumultes à venir.
A ce jour, les hedge funds dans leur ensemble pâtissent de cette tourmente, comme l’indique l’indice «HFRX Global Hedge Fund Index» en baisse de 2,9% à mi-août et de 5,05% sur l’année. La forte pondération de la stratégie «equity long short» explique cette performance décevante, celle-ci étant en baisse de 4,85% pour ce mois et de 13,51% pour l’année. Les gérants macros, quant à eux, sont déjà positifs ce mois-ci avec une performance de + 0,40%, alors qu’elle s’établit à – 0,5% sur l’année. Leur positionnement plutôt baissier depuis le début de l’année ne leur a pas permis de générer plus de profits, mais le mois d’août confirme le bien-fondé de leur vision.
Le long deleveraging et la lente baisse qui attend les marchés des actions n’ont pas fini de faire souffrir les partisans de la gestion passive d’un portefeuille de hedge funds.
Il était possible cette année de préserver le capital voire même d’être positif en utilisant une stratégie d’allocation dynamique basée sur une analyse top down. Les quatre premiers mois de l’année étaient favorables aux stratégies acheteuses d’actifs risqués. Alors que les quatre derniers mois ont été plus favorables aux gérants macros. Cependant, identifier avec la résurgence de la crise de la dette européenne de mai le changement de paradigme pour les marchés actions restait difficile.
La semaine du 1er août, le S & P500 a plongé de 10,45%, la semaine suivante, le S & P500 marché est allé jusqu’à perdre plus de 9% pour finir en hausse de 0,77%. Ces mouvements rappellent ceux observés les semaines du 29 septembre et 6 octobre 2008. Nous venons de passer avec une extrême violence sous la moyenne mobile des prix de clôtures des 200 derniers jours sur le S & P500. De plus, l’indice S & P500 était déjà passé à plusieurs reprises sous sa moyenne mobile à 200 jours en 2011. Ceci est très préoccupant, car d’un point de vue technique, cela signifie que la probabilité que les marchés soient entrés dans une période de baisse durable est conséquente.
A cheval sur 2008 et 2009, le S & P500 a perdu plus de 55%. Comme le disait un gérant macro en début d’année, un marché qui subit ce type de perte voit deux choses: d’une part, ce marché vient retester ses plus bas niveaux dans les années qui suivent et, d’autre part, la structure de ce marché se trouve durablement modifiée. Certains acteurs de marchés disparaissent d’autres apparaissent, leurs comportements sont différents. La plongée observée ce mois-ci a choqué nombre d’entre eux par sa violence et sa soudaineté. Les prochaines baisses seront certainement tout aussi dévastatrices. Le Nikkei, après avoir frôlé les 40 000 points en 1989, s’est effondré plusieurs fois aux alentours des 15 000 points dans les années 92, 95 et 98. La probabilité de revivre cela sur le S & P500 est élevée.
Se positionner pour un marché baissier est difficile. On n’en tire profit que si l’on est déjà positionné pour bénéficier de la baisse avant que celle-ci n’arrive. Les plus grands gérants de hedge funds le confirment. La volatilité est intenable pour le commun des mortels. Très peu de gérants sont capables de tirer profit de ces mouvements lors de ces journées, mis à part quelques fonds systématiques à court terme.
Construire un portefeuille pour un bear market est un casse-tête qui n’est à la portée que d’une poignée d’individus dans le monde. La majorité des gérants qui survivent dans ces périodes sont les short sellers, les gérants macros, les CTAS et particulièrement les CTA à long terme, ou encore les gérants acheteurs de volatilité. En conséquence, tous les hedge funds ou investissements qui ont une exposition à la hausse des actifs risqués, au secteur financier, à une gestion de type indicielle au sens large ou aux investissements illiquides sont en danger.
Point de résolution miracle, l’incurie des banquiers a fait place à l’incompétence des politiques. Le problème a été déplacé aux plus hautes sphères du pouvoir qui se trouvent dans l’incapacité d’apporter une solution raisonnable et durable. Les conflits d’intérêt et la raison d’Etat ont eu raison jusqu’à maintenant de toute attitude responsable de la part des politiciens. Aujourd’hui, ceux-ci sont acculés. Il est fort probable que tout ceci se termine par un régime d’austérité sans précédent en Occident dont l’électeur de la classe moyenne sera la victime toute désignée.
Par Olivier Baumgartner-Bezelgues, Consultant indépendant, CAIA, CIIA, olivier.baumgartner@sunrise.ch
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