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L’Edito : L’austérité ne fait du bien que quand elle fait mal Par Bruno Bertez

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L’Edito :  L’austérité ne fait du bien que quand elle fait mal Par Bruno Bertez

  

  Il faut rendre justice aux Américains et singulièrement à Bernanke. Ils savent travailler les marchés. Il est vrai que,  non seulement ils les connaissent bien, ils les pilotent efficacement, mais en plus, ils sont bien aidés par un secteur bancaire et des médias complaisants et connivents.

source Wall Street Journal

PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

Sans annoncer de Quantitative Easing N°3, Bernanke a réussi à faire monter le S&P500 de 4,7% la semaine dernière. Les banques ont assuré le leadership avec un rebond de 7,4%. Chapeau ! Même si les volumes et la profondeur du mouvement laissent à désirer, c’est une belle performance.

*

source Bespoke

Lundi 29 août, on est resté sur la lancée. Mardi, alors que les prises de bénéfices l’emportaient et que le soufflé menaçait de retomber, Evans de la Fed de Chicago, est venu ranimer le moral des troupes en suggérant qu’un QE3 n’était pas exclu en raison de la situation calamiteuse du marché du travail.

Pour l’instant, Evans n’a pas réussi à embarquer les actions, mais il a quand même réussi à provoquer une hausse de 40 points sur l’or. En quelques minutes, l’once est repassée à 1833.

 L’issue du combat bull/bear sur les actions est incertaine car il y a quand même des statistiques économiques très négatives. Ainsi, la confiance des consommateurs mesurée par le Conference Board chute à 44,5 contre plus de 59 en juillet. Et puis le Case Shiller est lui aussi encore en recul.

Autant dire que le marché est incertain.

A la faveur d’un marché techniquement mur pour un rebond, le ressort était bandé. L’annonce d’une réunion de deux jours du FOMC de septembre pour « des discussions approfondies » a contrebalancé ce qui aurait pu être une déception, à savoir l’absence d’annonce de nouvelles mesures monétaires de stimulation.

Un peu d’espoir distillé au bon moment, dans un environnement propice, a remplacé l’action et les décisions. Grâce à l’espoir si savamment distillé, les Etats-Unis ont gagné un mois de répit.  Le temps de voir si les mauvaises statistiques des dernières semaines étaient exceptionnelles ou si elles préludaient à une rechute.

Si les Européens, spécialistes du contretemps et de la cacophonie, étaient capables d’en faire autant, nous aurions oublié le problème de la dette depuis longtemps !

Plus sérieusement, disons qu’à l’occasion de Jackson Hole, le pire ne s’est pas produit. Dans un monde sombre et menaçant, c’est finalement une bonne nouvelle.

L’économie mondiale ralentit. On parle beaucoup de « double-dip » et de rechute, mais c’est encore à titre de Verneinung, c’est-à-dire que le double-dip peut encore être évité.

source Financial Times

Il reste que les indicateurs sont médiocres, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe. Le ralentissement allemand en particulier est brutal.

source New York Times

 Les organismes internationaux révisent en baisse leurs prévisions 2011 et 2012. Rien d’étonnant puisque les plans d’austérité se multipliant un peu partout alors que les plans de stimulation se terminent, les économies manquent de soutien et retrouvent l’allure maussade qu’elles auraient dû avoir en l’absence de dopage.

 Ce qui nous a frappé à Jackson Hole et nous attirons l’attention sur ce point, c’est le fait que Bernanke a passé plus de temps à discourir sur la situation fiscale et budgétaire qu’à parler de politique monétaire. Il semble que le mouvement soit général. Le balancier est reparti du côté des budgets et des gouvernements, tout se passe comme si les banquiers centraux disaient « messieurs, nous avons atteint les limites de ce que nous pouvons faire, maintenant, c’est à vous de prendre vos responsabilités ».

 Tout se passe aussi comme si on se résignait à un peu de souffrance à court terme et que l’on acceptait le ralentissement, à condition bien sûr qu’il ne dégénère pas en déflation. C’est une donnée importante à garder présent à l’esprit pour opérer sur les marchés. Aux Etats-Unis, on parle moins de QE3 et un peu plus d’un énième plan pour l’emploi. Bien entendu, s’il y en a un, on fera l’hommage habituel du vice à la vertu et l’on dira que l’on creuse les déficits pour mieux les résorber demain et si ce n’est pas demain, après-demain.

En Europe, la situation  semble marquer un répit, mais il pourrait être de courte durée.

D’abord, la situation de Merkel dans son pays semble de plus en plus contestée. La CSU, le président du Bundestag, le président de la Bundesbank, et même  le Président  allemand, d’habitude si silencieux, ont stigmatisé le comportement de Merkel. Grosso modo, on lui reproche ses errements, son absence de concertation avec le Parlement et évidemment ses entorses à la Constitution. Tout cela n’est pas de bon augure pour les grosses échéances politiques et constitutionnelles qui se profilent pour le 7 septembre.

 A noter que la déclaration commune avec Sarkozy sur  la mise en place d’une politique économique commune en Europe a suscité une telle levée de bouclier que d’ores et déjà on peut considérer que le projet est condamné, mort-né.

Ensuite, la situation des banques européennes sur le marché de gros international du refinancement  retient l’attention des journaux.

source Pragmatic Capitalist

  A priori, la presse française semble ignorer le problème. Le Financial Times joue un rôle très en pointe. Il fait observer que les établissements européens subissent un « run » silencieux sur le marché de gros, qu’ils sont « à la courette » sur les refinancements en dollars, qu’ils sont obligés d’aller ratisser ce qu’ils peuvent jusqu’en Asie. Il est vrai que le mismatch de refinancement de certains établissements que nous ne nommerons pas, et il est donc inutile de suivre notre regard, ce mismatch est important et difficile à combler.

source Financial Times

 La situation est suffisamment sérieuse pour que maladroitement, comme à l’accoutumée, les autorités européennes aient publié déclarations et communiqués pour nier le phénomène.  Certains vont même jusqu’à tenir des propos d’où il ressort manifestement qu’ils ne comprennent même pas la matière dont ils parlent. Trichet, Roehn, Parisot, l’autorité bancaire européenne ont fait assaut contre les soi-disant porteurs de mauvaises nouvelles.

Parisot dont on se demande ce qu’elle comprend au phénomène a été jusqu’à critiquer Christine Lagarde qui, dans ses nouvelles fonctions strauss-kahniennes, s’est permise de dire que les banques devaient se dépêcher d’augmenter leurs fonds propres.  Il est vrai que si elle était restée à Paris, elle aurait, comme Baroin, dit le contraire.

Enfin, du côté de la dette souveraine, il y a peu d’amélioration. La Grèce continue de sombrer avec des taux d’intérêt à 2 ans de 41,7% et un 10 ans à 17,29%.

source Bloomberg

Mais ce n’est plus très grave car le cas de la Grèce est déjà entendu. Il y aura défaut dans les trois ans. Plus intéressante est l’attention renouvelée car elle s’était déjà manifestée en mai, sur l’Italie.

 Ce souverain a besoin de 200 milliards de refinancement dans les six prochains mois. Il vient d’opérer une auction qui a été présentée comme satisfaisante mais qui, en réalité, ne l’est pas.

« Le Trésor Italien a émis le 30 août  7,74 milliards d’euros de titres dans des conditions plus favorables que lors de sa dernière opération significative du 28 juillet dernier. La BCE aurait en effet racheté des titres sur le marché pour un montant significatif afin de contenir les taux d’intérêt italiens d’après des traders cités par Reuters. Le rendement du nouveau BTP à dix ans ressort à 5,22 %, contre 5,77 % en juillet. 3,75 milliards d’euros de titres, à savoir le montant maximum prévu, ont été vendus. Le ratio de couverture s’inscrit à 1,27. 2,99 milliards d’euros de titres à trois ans et un milliard d’euros de titres à taux variable ont également été émis. Dans la matinée, la Banque d’Italie a par ailleurs revu en baisse ses prévisions de croissance, compte tenu de la mise en œuvre du plan d’austérité prévu de 45,5 milliards d’euros. La progression de l’activité serait inférieure à 1 % en 2011, et plus basse encore en 2012, a déclaré ce matin le directeur général adjoint de l’institution. Ignazio Visco. Dans ce contexte, le taux d’intérêt italien à dix ans s’est tendu de 4 points de base à 5,1%. »

Le taux à 10 ans sur cette auction est ressorti à 5,22%. On fait valoir que c’est une baisse par rapport à la levée de fonds précédente, mais en réalité, le spread sur l’Allemagne s’est élargi et surtout l’opération intervient après des achats de la BCE sur le marché secondaire et en bonne logique, on pouvait espérer que le taux resterait juste autour des 5%, voire en-dessous. L’Italie, là aussi nous insistons, est maintenant dans le collimateur des marchés.

Le problème des responsables européens est que, d’une part, ils maitrisent assez mal la matière sur laquelle ils s’expriment, mais surtout, le problème est qu’ils se trompent de cible de communication. Ils parlent et font des rodomontades comme s’ils s’exprimaient pour le grand public alors que la dette est une affaire de spécialistes et même d’hyper-spécialistes, ce qui fait que leur discours ne comporte  aucune crédibilité. Ainsi, un exemple. Tous les spécialistes de la dette souveraine savent que le problème italien n’est pas un problème d’austérité. Le problème italien, c’est une insuffisance de croissance. Sur 10 ans, la croissance italienne a été de moins de 0,25% l’an. Et on révise en baisse fortement la minuscule croissance de 2011 et on ampute encore les prévisions de 2012. Un plan d’austérité, fut-il de 45 milliards ou de 90, ne changerait strictement rien au problème italien, le ratio de dette continuerait de rester entre 115 et 120% du PIB.

Un mot sur la France pour clôturer. Le plan d’austérité détaillé ces derniers jours a suscité, comme on pouvait s’y attendre, une levée de boucliers.

 On peut s’interroger sur le bien-fondé de la stratégie qui est utilisée. Cette stratégie est une stratégie de petits pas, elle s’apparente à du gradualisme. Certes, elle rassérène temporairement les agences de notation, mais en contrepartie, elle donne l’impression de plans d’austérité à répétition qui lassent le public et les partenaires sociaux et leur donnent à chaque fois l’occasion de se remobiliser et d’exprimer leur mécontentement. Tout se passe comme si on avait une succession de mécontentements face à une succession de petits plans qui, pourtant en eux-mêmes, ne s’attaquent jamais à quoi que ce soit d’essentiel.

Or il en va de l’austérité comme de la musculation dont parlait le grand philosophe Arnold Schwarzenegger, l’austérité « cela fait du bien quand cela commence à faire mal ». Plus sérieusement, les mesures d’austérité françaises marquent une volonté pré-électorale de l’actuel Président, volonté de prendre ses distances avec les riches. L’ennui est que l’on ne peut prendre ses distances avec les riches sans toucher aux classes moyennes, confère la taxation des résidences secondaires, lesquelles sont l’un des rares avoirs des classes moyennes.

L’efficacité de cette démarche de type social-démocrate est douteuse au plan politique. Elle nous paraît socialement et politiquement critiquable. Elle nous confirme ce que nous pensons du système français géré finalement de la même manière par la droite et par la gauche : il s’agit toujours de s’assurer que les classes moyennes le restent et qu’elles ne deviennent jamais supérieures.

BRUNO BERTEZ lE 30 aOUT 2011

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L’Edito : Nous sommes passés près de la catastrophe, le monde global aussi par Bruno Bertez

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