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L’Edito du 17 Novembre 2011 : L’histoire de l’EURO accélère , après la dévaluation des bonds,celle des monnaies ? par Bruno Bertez

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 L’Edito du  17 Novembre 2011 : L’histoire de l’EURO accélère , après la dévaluation des bonds,celle des monnaies ? par Bruno Bertez

Il est toujours hasardeux et donc fortement déconseillé de diagnostiquer « un tournant ». Pourtant, c’est ce que nous allons tenter de faire. Notre idée est qu’entre le milieu de la semaine dernière et le milieu de cette semaine un nouveau processus s’est engagé.

 

   Vous avez remarqué comme nous que l’on ne parle plus du fameux EFSF leveragé. Plus même de ses différentes options, comme l’option assurance, l’option SIV, ou l’option FMI. En fait, le travail était bâclé et on s’est aperçu que l’on avait vendu un peu tôt la peau de l’ours. Les créditeurs mondiaux comme la Chine n’ont manifesté aucun intérêt, même pas un intérêt poli.
 
source Financial Times
 
PLUS DE BERTEZ EN SUIVANT :

Certes, on fait semblant de croire au miracle des gouvernements techniciens, les Papademos et Monti, qui seraient capables de délivrer ce que les politiques ont été incapables de faire, mais le cœur n’y est pas, et on parle déjà d’autre chose, comme si les techniciens n’étaient finalement capables que de faire gagner un peu de temps en maintenant un pseudo suspense.

source Wall Street Journal

Les marché, eux-mêmes cessent de s’illusionner, ils prennent note de la dégradation de fait de la France, le run obligataire s’étend à la Belgique, l’Autriche et même aux Pays-Bas.

source Wall Street Journal

source Wall Street Journal

EN LIEN : Infographie. L’écart entre Paris et Berlin se creuse

On a un triple effet de contagion qui est à l’œuvre: de périphérie à périphérie, de Périphérie à core, de souverains à Banques. Le dernier cas de contagion étant illustré par la situation de la banque italienne Unicredit en grande difficulté de refinancement.

source Wall Street Journal

Nous employons le terme de contagion pour simplifier, mais vous savez que nous ne croyons pas à la contagion, nous affirmons que ce sont les situations objectives qui provoquent les difficultés et non pas les perceptions, fussent-elles celles des marchés. De même, nous parlons de contagion aux banques pour faire vite car, en réalité, la crise est d’abord et avant tout bancaire.

source Wall Street Journal

Les forces qui sont à l’œuvre ont été déchainées par les chefs d’Etat eux-mêmes; nous les rappelons:

La participation privée aux pertes a brisé un tabou, celui de la sécurité des dettes souveraines,

La recapitalisation des banques obligatoire les poussent à réduire leurs bilans, à vendre ce qui est risqué et consomme beaucoup de capital, les changements règlementaires vont dans le même sens pro cyclique,

Parler de sortie de la Grèce lors de l’épisode du referendum a été une bourde qui a réintroduit le risque de change et précipité la fuite des dépôts, encore un invariant auquel il ne fallait pas toucher,

Parler d’Europe à deux vitesses avec un core rétréci et une périphérie larguée est une autre bourde encore plus considérable car on accélère la prise en compte du risque de change, de prélèvement sur les comptes bancaires, et donc la fuite des capitaux,

S’attaquer aux agences de notation, c’est détruire la seule source extérieure de crédibilité, alors que toutes les sources intérieures au système ont été gaspillées par les gouvernements et les eurocrates. Les agences tentent, en louvoyant, de maintenir tant bien que mal une crédibilité et un référentiel dans le Système. La fiction selon laquelle les agences savent est essentielle à ce stade. Les agences sont la dernière barrière contre les réactions de foule,

Mercredi, Juncker a attaqué l’Allemagne et stigmatisé son propre excès de dette, on voit l’idée, il s’agit de faire baisser les Bunds et réduire les spreads et les faire rentrer dans le rang, c’est une idiotie de plus. Cela équivaut à se tirer une balle dans le pied, car qui soutient le tout, pas seulement financièrement mais psychologiquement, c’est l’Allemagne, c’est l’illusion, car c’en est une, qu’elle est solide,

L’Allemagne aussi a une dette, plus importante que l’Espagne (Juncker)

Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a indiqué mercredi que l’Allemagne, avant de donner des leçons à ses partenaires, devrait se souvenir qu’elle a aussi une dette, plus élevée que celle de l’Espagne.

« En Allemagne, on fait souvent comme si le pays n’avait aucun problème, comme si l’Allemagne était exempte de dettes tandis que tous les autres auraient des dettes excessives », a déclaré M. Juncker au journal allemand Bonner General-Anzeiger à paraître jeudi mais diffusé par avance. Or pour M. Juncker, « le niveau de la dette allemande est inquiétant ».

« L’Allemagne a une dette plus élevée que l’Espagne. Seulement personne ne veut le savoir ici », a-t-il ajouté, qualifiant de « gênant » le débat allemand sur l’avenir de l’euro.

« C’est plus confortable de dire que les gens du sud sont paresseux et les Allemands besogneux. Mais il n’en est pas ainsi », a-t-il encore poursuivi.

Interrogé sur l’influence de l’Allemagne sur les décisions prises dans la zone euro et l’agacement que cela pouvait susciter parmi ses voisins, M. Juncker a souligné qu’elle était la première économie de la région et qu’elle avait à ce titre une fonction de « locomotive » que « personne ne pourrait remplacer, si elle devait tomber en panne ».

« C’est vrai, l’influence allemande dans la zone euro est grande. Mais certains en Allemagne trouvent qu’elle est trop grande » aussi, a-t-il encore dit.

Toujours mercredi, Baroin, dans les Echos, a appelé à un engagement, à une intervention de la BCE en prêteur de dernier ressort, tout ce qu’il a réussi à faire, comme Juncker, c’est faire baisser l’euro; jusque-là les fuites de capitaux étaient restées intra européennes, ce qui était moindre mal, mais si les capitaux cherchent refuges hors d’Europe, gare! Cela risque de paralyser la BCE!

Les taux montent sur la dette italienne, qui va avoir besoin d’une aide du Fonds européen de stabilité ou de la BCE…

Nous sommes favorables à l’intervention de toutes les institutions européennes y compris la BCE pour apporter les meilleures réponses à la crise. La Banque centrale, dont je rappelle l’indépendance, a pris des engagements pour expliquer qu’elle répondrait présente en cas de difficulté. L’Allemagne, pour des raisons historiques, a fermé la porte à une implication directe de la BCE. 

« Y compris la BCE »… Vous voulez dire que Berlin refuse qu’elle soit le prêteur en dernier ressort des pays de la zone euro, comme le font pourtant les autres banques centrales ?

Il est vrai que la Réserve fédérale américaine intervient et que cela ne remet pas en cause son indépendance, la Banque du Japon et la Banque d’Angleterre le font aussi. Mais l’Allemagne a une histoire, une mémoire sur l’inflation, le surendettement… Avant l’accord du 27 octobre, nous avons défendu la demande d’un statut bancaire pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Doté d’une licence bancaire, ce fonds pourrait s’appuyer sur la BCE. Mais celle-ci s’y est opposée et l’Allemagne a souhaité d’autres options. C’est pourquoi nous travaillons aussi sur d’autres modalités que sont l’effet de levier et les garanties sur les obligations d’Etat. 

Hier encore, le gouverneur de la Bundesbank a redit fortement que ce n’est pas à la BCE de faire le travail des Etats. Alors que l’on entend peu celui de la Banque de France…

Nous respectons l’histoire allemande et les Etats doivent naturellement faire leur travail mais nous continuons de considérer que la BCE est une réponse et probablement même un élément important de la réponse à cette crise. Dans le communiqué de l’accord du 27 octobre, la BCE a pris l’engagement de jouer complètement son rôle pour garantir la stabilité de la zone euro. Nous lui faisons confiance.

C’est toujours la même histoire: comment tout faire pour aggraver les choses et les rendre ingérables?

Encore un effort, bientôt la BCE sera obligée de se mettre en première ligne, mais ce ne sera plus à titre de solution, mais à titre de frein, de rempart, pour gagner du temps.

source Der Spiegel

A Qui appartient la BCE ?

 

Arguments des défenseurs d’une BCE limitée à son rôle actuel de lutte contre l’inflation et ceux des tenants d’une BCE plus interventionniste qui rachèterait massivement la dette des Etats en difficulté.

Les voici résumés en un tableau:

Orthodoxes

Non-conformistes

La BCE estime que l’issue de la crise de la dette dépend des Etats. Ce n’est pas son job qui est de lutter contre l’inflation. Ils ne comprennent pas pourquoi la BCE ne rachète pas massivement du papier souverain. Elle dispose d’une force de frappe illimitée. Il suffirait de menacer d’y recourir pour calmer la situation.
   
Le traité européen interdit à la BCE de prêter de l’argent aux Etats. Les statuts de la BCE l’empêchent également de racheter de la dette. Ils assurent que le rachat de dettes sur le marché secondaire n’est pas prohibé contrairement à une intervention sur le marché primaire.
   
Racheter des obligations va à l’encontre de sa mission de lutte contre l’inflation. Car ce faisant, la BCE crée de la monnaie. Et plus de monnaie signifie plus d’inflation. La situation économique actuelle est telle que la monnaie créée par la BCE pour acheter massivement de la dette ne provoquera pas une flambée de l’inflation.
   
L’aléa moral. Si la BCE réussit à stabiliser les taux des Etats en difficulté, ceux-ci auront tendance à réduire leurs efforts d’assainissement budgétaire. Ils admettent l’existence d‘un aléa moral en cas de rachat massif par la BCE. Ils proposent la création d’une sorte de FMI européen qui fixerait des règles en échange de l’aide.
   
La BCE prendrait trop de risques. En cas de problème, les contribuables européens risquent d’en faire les frais. Oui il y a des risques. Mais le bilan de la Fed compte 56% de dette souveraine, celui de la Banque d’Angleterre 87% et celui de la BCE seulement 23%.

 Source Cracks en Action

Et là, ce sera la catastrophe, la vraie, l’inéluctable. Jamais dans l’histoire une Banque Centrale n’est sortie indemne d’une intervention de dernier ressort dans ce type de condition. Que ce soit en Asie du Sud Est, en Russie, en Argentine.

Les faux exemples de ce qui se passe aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Japon reposent sur des approximations simplistes, les problèmes que doivent résoudre ces ensembles ne sont pas de même nature. Ces ensembles sont unifiés, convergents, la nécessité de leur monnaie commune n’est pas mise en cause, pas contestée. Dans le cas européen, c’est l’existence artificielle d’une monnaie commune qui est en cause et qui fait problème.

Les détenteurs de quasi monnaie, c’est à dire de bonds italiens, espagnols et maintenant français vendent, déprécient cette quasi monnaie parce qu’ils n’ont pas la possibilité de déprécier la monnaie. Il faut comprendre qu’il n’y a pas de vraie différence entre  la quasi monnaie, les obligations, titres de créances etc. et la monnaie, la seule différence est une différence de maturité: la quasi monnaie est à maturité courte, moyenne ou longue, la monnaie est à maturité zéro.

Source Wall Street Journal

On est en train d’appliquer aux quasi-monnaies de ces pays les dévaluations que l’on ne peut leur infliger, puisque leur monnaie a disparu. Le processus de run sur les bonds souverains et les banques de ces souverains est similaire au processus qui précède les dévaluations et contre lesquelles les gouvernements et les banques centrales ont toujours perdu.

Et c’est parce que ce combat est perdu d’avance qu’il faut préserver des invariants, des références, la BCE, le futur Deutsche Mark plus ou moins élargi, mais réévalué de 25 à 30 %. Nous disons réévalué de 25 à 30 % à vue de nez, car a priori le besoin de dévaluation des pays relégués est à peu près symétrique de ce chiffre. Un besoin produit par les conditions de compétitivité, l’état de leurs finances publiques, leur taux de chômage et, bien sûr, l’état lamentable du consensus social.

Afin d’emporter votre conviction sur la nécessité de réalignements monétaires au sein de l’Europe, nous reprendrons l’idée que nous avons lancée il y a quelques semaines : l’ensemble constitué par le monde global et le sous-ensemble constitué par l’Europe sont semblables. Nous avions alors précisé que cette similitude était à prendre au sens mathématique, le second, l’européen, étant modèle réduit du premier, le global.

(cliquez sur le Graphique pour l’aggrandir)

source the Big Picture

Le système global repose sur un équilibre instable entre, d’un côté, un ensemble consommateurs (à crédit), fortement endettés, et de l’autre un ensemble producteur (épargnants) qui accorde les crédits, finance les consommateurs. Face à ce déséquilibre, face à cette instabilité, la demande américaine, c’est à dire la demande du consommateur est que le yuan et les émergents réévaluent leurs monnaies. Autrement dit, la demande des Etats-Unis est qu’ils puissent dévaluer le dollar.

Source The Barron’s

La situation est exactement la même en Europe, on a, d’un côté, des consommateurs très endettés, de l’autre, un gros producteur épargnant constitué par le bloc allemand. Le processus à venir crève les yeux, il faut que les souverains consommateurs surendettés puissent dévaluer, ou, présenté autrement, il faut que le bloc allemand réévalue.

Dans le raisonnement, il faut remplacer les PIIGS par les Etats-Unis et les créditeurs par les producteurs émergents, essentiellement la Chine. L’Allemagne et la Chine occupent en fait les mêmes positions systémiques.

On peut interpréter la situation présente et la voie suivie par l’Europe comme une tentative de procéder à une dévaluation interne chez les PIIGS ; on peut aussi formuler les choses autrement, comme Martin Wolf du FT, et dire qu’il faut une réévaluation interne dans le bloc allemand. Nous allons plus loin, même si l’idée est la même, et nous disons que, compte tenu de l’ampleur des problèmes, compte tenu du facteur temps, compte tenu des problèmes structurels et sociaux, ni les dévaluations internes, ni les réévaluations internes, ne peuvent fonctionner. Le mal est trop profond, les divergences trop ancrées au sein des différentes sociétés. La nécessité de réalignement monétaire externe finira par s’imposer. Et le précurseur de ce réalignement externe, nous disons que c’est, d’un côté, la dévaluation des bonds des PIIGS et, de l’autre, la réévaluation des Bunds allemands.

Source Financial Times

source Wall Street Journal

source Financial Times

Le tournant dont nous parlions au début est celui-là: la conviction que l’Europe peut s’en sortir par les mesures techniques à l’œuvre depuis 18 mois, cette conviction est en train de disparaitre. Merkel parle de changer le traité, les Français parlent de changer les statuts de la BCE, les 25 en ont assez des donneurs de leçons et d’être considérés comme des parias etc.

La situation est grave, mais les marchés, finalement, tiennent ; nous parlons des actions bien sûr. Le pétrole est au-dessus de 100 dollars, l’or est indemne, il est évident que certains parient sur la reflation. On en voit déjà les signes avant-coureurs en Chine, au Brésil…

(Exprimé en Dollar US)

Par Bruno Bertez Le 17 Novembre 2011

EDITO PRECEDENT : L’Edito du 10 Novembre 2011 : Contre la lutte contre les inégalités, contre l’austerité! par Bruno Bertez

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