Guerre des Monnaies : Le recul de l’euro peut aussi être une bonne nouvelle
Les entreprises exportatrices facturant en dollar pourraient voir leur compétitivité augmenter face aux américains.
On peut estimer qu’une appréciation de 10% de l’euro/dollar ampute les prévisions de bénéfices de 3% sur le marché européen. A noter aussi que l’impact est moins important en période de rebond des bénéfices et en période de croissance à 2 chiffres. Selon nous toujours, l’appréciation de la monnaie européenne de 10% face au billet vert réduit d’environ 0,5 à 1 point le taux de croissance de la zone euro. Nous étions donc arrivés à un point (1,41 le 27 octobre 2011) où la vigueur de l’euro risquait réellement de porter atteinte à la croissance et au niveau de chômage de la zone.
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Au-delà du fait que cela soit un sujet de préoccupation majeur (certain spéculateurs parient en effet sur l’éclatement de la zone euro), la baisse de l’euro pourrait être une bonne nouvelle. En effet, les sociétés exportatrices européennes qui facturent en dollar pourraient voir leur compétitivité renforcée face à leurs concurrents américains.
Parmi les valeurs les plus favorisées par la baisse de l’euro se trouvent les groupes pétroliers et parapétroliers qui réalisent la quasi totalité de leur chiffre d’affaires en dollars. Les sociétés intervenant dans le secteur aéronautique sont également favorisées, car elles produisent essentiellement en euros et facturent l’intégralité de leur chiffre d’affaires en dollar. Si l’effet devise est assez limité au niveau du marché, il a des effets plus importants au niveau des secteurs.
Les gagnants: les exportateurs. Les secteurs avec des transactions en dollars, incluant les constructeurs automobiles allemand (BMW, Daimler, Porsche, VW), l’aérospatial (EADS), le secteur du Luxe (LVMH) et les semi-conducteurs (STMicroelectronics, Infinéon).
D’une manière plus générale toutes les sociétés fortement exportatrices sont favorisées par une baisse de la monnaie commune car la part du chiffre d’affaires réalisée en dollar va mécaniquement s’apprécier dans les comptes de fin d’année publiés en euros.
Les perdants: il y a peu de perdants d’un euro faible, mais la liste inclut des sociétés qui produisent en Asie (Adidas, Puma), des distributeurs globaux (H&M, Delhaize Group) ou d’autre société comme EDF, NextRadio, Carnival, Fresenius Medical Care, Ahold ou Shire PLC.
Le gouverneur de la Réserve fédérale Ben Bernanke et le secrétaire d’Etat au Trésor Tim Geithner l’on assez répété officiellement: un dollar fort est dans l’intérêt des Etats-Unis. Cependant, et nous le comprenons aisément au niveau de l’exportation, les Américains s’accommodaient très bien de la faiblesse du billet vert. Une inversion de tendance pourrait donc handicaper les grandes sociétés américaines comme Caterpillar, Ford ou Boeing. Il faut donc s’attendre, tôt ou tard à une réaction de la part des Etats-Unis.
La Chine s’inquiète de plus en plus de la vulnérabilité accrue de la monnaie unique et de la zone euro, ce qui pourrait accélérer l’arrivée du yuan sur le devant de la scène. La crise de 2007-2008, née aux Etats-Unis, avait entraîné la contestation du rôle et de la place du billet vert dans le système des changes par la Chine, ce qui pourrait être maintenant au tour de l’euro d’inquiéter Pékin. La Chine détient en effet un important stock d’actifs en euros et veut donc en préserver la valeur.La vulnérabilité du dollar et les risques d’éclatement de la zone euro pourraient accélérer l’influence de la monnaie chinoise sur les changes. Se posera alors la question d’un marché offshore du yuan…
L’évolution du dollar a un effet direct sur le prix du baril et de l’or, les cours étant libellés en dollar. Il s’agit donc, au-delà des autres fondamentaux inhérents à ces matières premières, de surveiller l’évolution du billet vert. Finalement, il faut noter ici que si les Etats-Unis devaient faire le forcing pour affaiblir le dollar, il faut toutefois relativiser l’impact d’un euro fort sur la compétitivité. En effet, si l’euro a pris du terrain face au billet vert depuis quelques années, le taux de change effectif nominal est pour sa part resté relativement stable.
Les monnaies des pays émergents se sont revalorisées par rapport à l’euro ces dernières années, ce qui permet de penser que l’effet change sur la compétitivité globale des membres de la zone euro sera très faible, et que l’appréciation de l’euro ne constituerait donc pas pour l’instant un véritable danger.
Il convient, en définitive, de ne pas penser que c’est parce que la zone est au bord de l’implosion que la devise européenne va s’effondrer, mais bien de se rendre compte qu’il y a de multiples implications extérieures qu’il s’agit de ne pas minimiser. La guerre des monnaies n’est qu’à son préambule.
John-F. Plassard Louis Capital Markets Genève dec11
Pourquoi un marché off-shore pour le yuan ? Merci
Parce qu’une devise internationale se doit d’ètre pleinement convertible et non arrimée au dollar us comme actuellement avec des marges de fluctuation étroite…..
Merci The Wolf. A vrai dire, si je comprends tout à fait votre réponse en tant que telle, cela ne m’éclaire pas vraiment sur pourquoi la nécessité d’un yuan dans un marché off-shore. Pour moi un marché off-shore, c’est un marché situé dans un État à la fiscalité “exotique”, peu regardant sur l’origine des fonds d’ailleurs éventuellement. Il doit me manquer une étape… pour transformer ma logique “marchandises/services non financiers” en logique “finances”…
Si votre question est formulée dans ce sens alors en fait vous avez tout compris car en finance tout aussi important que la lumière sont les zones d’ombre ce qui signifie que le shadow banking dont les paradis fiscaux sont un des rouages est tout aussi important que le système “zombie” bancaire traditionnelle…La chine est dailleurs en train de faire ses galops d’essai en la matière au travers de Hong kong
Ah OK, merci. Donc c’est la place grandissante du yuan sur le marché des changes qui demandera de la “flexibilité” pour lui permettre cette montée en puissance. Huile dans les rouages un peu plus visible. Décidément les Chinois manqueront encore moins d’air… Et les Triades ? Elles n’avaient pas déjà leur cuisine off-shore ? Hong-Kong était leur “refuge” ?
Merci pour tout !