Valeurs refuges, les deux couronnes scandinaves s’apprécient face à l’euro. Comme en Suisse, les exportateurs sont ceux qui en souffrent le plus mais les Banques Centrales de la la Suède et de la Norvège n’ont pas encore osé le pari du taux plancher.
Finances publiques solides, taux de chômage relativement faibles, importance des exportations pour le produit intérieur brut (PIB): les points communs entre les économies suédoise, norvégienne et suisse sont nombreux. Surtout, en ces temps de crise de la dette, les monnaies de ces trois pays européens n’appartenant pas à la zone euro font figure de valeur refuge aux yeux des investisseurs.
Alors que la Suisse a recouru au taux plancher pour contenir l’appréciation du franc, tant la Suède que la Norvège se limitent pour l’instant à des politiques monétaires conventionnelles. Avec un taux de croissance du PIB de 1% au deuxième trimestre, la Banque centrale norvégienne n’a pas voulu toucher à son taux directeur mercredi (1,5%). Elle l’a toutefois baissé de 0,25% à deux reprises depuis décembre 2011. La Suède, dont le taux de croissance a atteint 1,4% au deuxième trimestre, en a fait de même depuis octobre 2011. Mais cela ne suffit pas à décourager des investisseurs avides d’actifs réputés sûrs. La couronne norvégienne (NOK) a ainsi progressé de 5,8% depuis le début de l’année, atteignant même, début août, son plus haut niveau face à l’euro en neuf ans. De son côté, la couronne suédoise (SEK) a gagné 6,2% contre l’euro.
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Dans un récent rapport Chris Walker, stratégiste sur les devises chez UBS, souligne que «les exportations représentent 50% du produit intérieur brut de la Suède, 75% étant destinées au seul marché européen.» En juillet, l’excédent commercial a baissé de 16% par rapport à juin selon des chiffres publiés mardi par le Bureau suédois des statistiques. Sur un an, les exportations ont baissé de 4,7%. Chez le voisin norvégien, certaines entreprises exportatrices, telle que Renewable Energy, ont déjà commencé à réduire leurs effectifs.
Faut-il dès lors baisser les taux d’intérêt? Ou recourir à des politiques non conventionnelles? «En ces temps extraordinaires pour les Banques centrales, tout est possible», observe Peter Rosenstreich. Pourtant, et même si les banquiers centraux du nord ressentent peut-être «une certaine jalousie face au succès de la politique de la BNS», ce spécialiste des devises chez Swissquote estime que «les deux institutions s’en tiendront à des politiques monétaires classiques».
A l’inverse de la Suisse, qui avait déjà ramené son taux directeur à 0% avant d’instaurer un taux plancher, la Suède et la Norvège peuvent encore baisser le leur qui se situe à 1,5%, soit le double de celui de la Banque centrale européenne.
Mercredi, le vice-gouverneur de la Banque centrale norvégienne, Jan Qvigstad, a ainsi laissé entendre que l’institution monétaire n’accepterait pas une force persistante de sa monnaie et mis en garde les spéculateurs contre toute velléité visant à tester sa détermination. «Si notre couronne reste forte durablement alors ce sera un argument pour baisser les taux», a-t-il ajouté. Le même jour, l’Institut national suédois de recherche a déclaré s’attendre à une baisse du taux d’intérêt à 1% d’ici à la fin de l’année.
Toutefois, pour Chris Walker, «l’exemple norvégien montre bien que de telles mesures ne suffiront pas à inverser la tendance». De plus, en baissant les taux d’intérêt, les deux pays nordiques s’exposent à un autre problème bien connu de la Suisse: le risque d’une bulle immobilière. Suite à la dernière baisse du taux d’intérêt d’un quart de point en mars dernier, les prix de l’immobilier ont bondi de 6,7% au deuxième trimestre par rapport à l’année précédente.
Par Sébastien Dubas/Le Temps Sept 2012