L’assouplissement quantitatif: forme moderne de la répression financière au service de la politique hégémonique des Etats-Unis
La répression ou l’assouplissement par Roy damary
Le taux d’inflation aux Etats-Unis est-il ce qu’il est censé être ou est-il supérieur au rendement des Bons du Trésor américain?
Le terme «répression financière» signifie qu’un gouvernement emprunte à des taux d’intérêt inférieurs à ceux de l’inflation. Ce processus a pour objectif de diminuer la proportion de sa dette en regard du PIB, mais son pendant est de péjorer mécaniquement les investisseurs qui ont souscrit ces emprunts. C’est exactement ce qui s’est passé en Amérique avec les «Obligations de la Liberté» qui devaient permettre de soutenir l’effort militaire durant la Seconde Guerre Mondiale. A la réflexion, on peut se demander aujourd’hui si le terme «répression financière» ne serait pas plus approprié que celui d’assouplissement quantitatif.
Le concept, sinon le terme, remonte à Keynes qui disait: «Au fur et à mesure que l’inflation s’accentue . . . toutes les relations permanentes entre les débiteurs et les créanciers, qui constituent le fondement ultime du capitalisme, deviennent si désordonnées qu’elles en sont presque dénuées de sens ….»
Ainsi, la question-clé est la suivante: le taux d’inflation américain est-il réellement ce qu’il est sensé être ou est-il supérieur au rendement des Bons du Trésor? L’inflation officielle est très faible, mais quel est son «taux réel»? La réponse tient en une étrange concoction, un indice appelé «Dépenses de Consommation Personnelle» (PCE en anglais). Cet indice exclut les produits alimentaires et le carburant, comme s’ils ne constituaient pas une part importante des dépenses des ménages! Il existe une différence significative entre cet indice et le plus traditionnel IPC (Indice des Prix à la Consommation). Ce dernier est actuellement supérieur d’au moins 4% au PCE. Bien que l’IPC ne puisse pas se prévaloir du terme «taux réel d’inflation», tout visiteur qui séjourne actuellement aux Etats-Unis est frappé par le renchérissement des prix de la nourriture, du carburant et de restaurants. En outre, de nombreux rapports affirment que le revenu réel des ménages stagne depuis au moins dix ans.
Comme si les tours de passe-passe que s’autorise la Fed pour démontrer qu’elle s’en tient à son objectif d’inflation ne suffisaient pas à éveiller les soupçons, elle a substitué au début de l’an 2000, le PCE à l’IPC!
Même si les indices ci-dessus ne sont pas l’illustration parfaite d’une politique délibérée de répression financière, le moins que l’on puisse dire est qu’ils sèment le doute sur la solidité de la supposée reprise de l’économie américaine, tout autant que sur la rengaine d’une inflation largement maîtrisée. Si elle est effectivement contenue, alors les rendements baisseront à nouveau; sinon, toutes les perspectives de croissance sont à revoir. Ces doutes à leur tour soulèvent la question suivante: «Combien de temps la Fed et l’Administration pourront-elles continuer à duper le monde de la sorte?»
PLUS DE REPRESSION EN SUIVANT:
Mais si notre constat s’avérait correct, le lecteur serait en droit d’exiger quelques explications sur la vigueur qui caractérise les marchés boursiers actuellement. Eh bien selon nous, il s’agit là d’un report par défaut, car en présence d’un tel mur de liquidité en quête de placement et de rendements obligataires aussi bas, les actions restent une alternative intéressante. En effet, les bénéfices des sociétés ont le vent en poupe, mais ils dépendent davantage d’assainissements budgétaires (avec une incidence notoire sur l’emploi et la baisse des salaires) que de l’augmentation des ventes. Cette contraction inclut le basculement vers des contrats à temps partiel qui permettent d’éviter les coûts de l’assurance maladie – un défaut dans la cuirasse de «l’Obamacare».
Nous n’irons pas aussi loin que de Borchgrave lorsqu’il affirme que Détroit donne un bon avant-goût de ce que réserve l’avenir aux Etats-Unis, mais nous partageons avec lui la désagréable sensation de traverser une période de «calme avant la tempête».
Alors même que l’intensité de la Superpuissance faiblit, elle n’en cherche pas moins à étendre son hégémonie. La récente demande américaine d’accéder et de contrôler les opérations des banques européennes est tout simplement scandaleuse. Imaginez tout simplement quelle serait sa réaction si on lui demandait la réciprocité!
Roy damary bridport Investor Services www.bridport.ch / Agefi Suisse Mercredi, 31.07.2013
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EN COMPLEMENT: L’effet retardé d’un excès monétaire /L’inflation en cache une autre/Technique de réduction de la dette Par Levi-sergio mutemba
La minimisation par la Fed des risques inflationnistes paraît tenir à la nécessité politique d’utiliser l’inflation à des fins de remboursements.
Si, comme semble le montrer un consensus prospectif de Bloomberg publié il y a une dizaine de jours, la Fed mettait fin dès septembre à son programme QE3, cela signifierait une victoire (même relative) pour ceux qui craignent une dérive inflationniste. Depuis deux ans environ, le débat autour de l’inflation s’intensifie. Les confrontations ne se limitent plus à quelques oracles de l’asset management ou des «consultants en inflation».
Le Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC), qui clôt aujourd’hui sa réunion de deux jours, notamment via la voix de la présidente de la Fed de Kansas City, Esther George, est désormais lui aussi divisé sur la nécessité de maintenir les mesures exceptionnelles d’assouplissement monétaire. Les minutes de la réunion des 18 et 19 juin avaient révélé que la moitié environ des participants au FOMC étaient favorables à un arrêt du QE3. Comme s’il existait deux façons de regarder l’inflation. La Fed se base actuellement sur l’inflation sous-jacente excluant l’alimentation et l’énergie comme principal motif de réaction monétaire. Tandis que la plupart des autres banques s’appuient sur l’«inflation globale» de l’indice des prix à la consommation harmonisé. Inférieure à la cible de 2% de la Fed, celle-ci ne présenterait par conséquent aucun danger. Au contraire. Un niveau aussi bas justifie des mesures monétaires pro-cycliques exceptionnelles. C’est le camp opposé à celui d’Esther George. Celui de James Bullard, notamment, président de la Fed de St. Louis. Pour qui l’inflation sous-jacente actuelle poserait des risques déflationnistes potentiellement dangereux. Selon lui, comme pour Ben Bernanke, l’inflation sous-jacente permettrait de mieux prédire l’inflation future, dès lors que celle-ci n’est pas sujette aux fluctuations passagères et cycliques des prix des denrées alimentaires et énergétiques.
Or l’alimentation et l’énergie constituent pourtant des charges financières critiques pour les agents privés non financiers, en particulier les ménages et les entreprises. Force est de constater que l’inflation globale sur le long terme est très supérieure à l’inflation sous-jacente (voire graphique ci-dessous). La plateforme d’analyse statistique et économétrique de John Williams, le Shadow Government Statistics, qui recoupe toutes les statistiques publiées par la Fed et les organismes publiques américains, montre que l’inflation actuelle mesurée selon les critères en vigueur jusque dans les années 90 dépasserait 7%.
Aussi, si les effets les plus visibles de l’inflation se font attendre, c’est parce que la hausse des prix des biens et des services passe d’abord, dans les économies développées très intermédiées, par la hausse des prix des actifs financiers. Chaque gain en capital se traduisant par une hausse correspondante des moyens de paiement sans contrepartie (en termes de production réelle). D’où, face à une liquidité en augmentation nettement plus que proportionnelle à la production de la richesse, l’inévitable chute du pouvoir d’achat agents privés.
La minimisation par la Fed des risques inflationnistes paraît tenir à la nécessité politique de servir de l’inflation comme d’une technique gratuite de réduction de la dette publique. C’est-à-dire via la baisse du pouvoir d’achat des créanciers des Etats. C’est, entre autres, ce qui a récemment fait craindre à Pictet la fin de la convergence entre rythme de croissance bas, taux d’intérêt bas et prix nominaux eux aussi très bas. Au profit d’une nouvelle convergence entre remontée des taux d’intérêt et des prix.
Pour UBS, ce point d’inflexion avait déjà probablement été atteint dès l’été 2011, lorsque leurs propres experts avaient attiré l’attention sur le fait que l’inflation globale, après plusieurs décennies de déclin à long terme, avait sans doute atteint un seuil plancher. Précisant que la différence entre la fonction de réaction des responsables politiques et des consommateurs serait susceptible de se creuser. «Nous pensons que les responsables politiques qui se concentrent uniquement sur l’inflation sous-jacente subiront de plus en plus de pressions si le fossé entre l’inflation sous-jacente et l’inflation globale se creuse comme nous le pensons», écrivait alors Curt Custard, directeur du Global Investment Solutions chez UBS Global Asset Management («Mais à qui appartient donc cette inflation? juillet 2011»).
Levi-sergio mutemba/ Agefi Suisse Mercredi, 31.07.2013
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