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Inflation: il sera temps d’aviser

Inflation: il sera temps d’aviser  par François Schaller

Venant après les Etats-Unis, le nouvel ordonnancement des objectifs de la Banque d’Angleterre plaçant l’évolution des taux de chômage en tête des critères pris en compte pour la politique monétaire ouvre certainement une ère nouvelle. Elle n’est guère rassurante sur au moins un point: l’emploi figurant au sommet des préoccupations politiques dans le monde développé, la pression ne va cesser de s’alourdir pour que les banques centrales y répondent. Celles qui ne s’y sont pas encore mises devront se déterminer publiquement par rapport à cette tendance. Y compris la Banque nationale suisse si le taux de chômage s’orientait durablement à la hausse. La Banque du Japon a reçu un mandat conjoncturel impératif de la part de son gouvernement, et la BCE donne déjà des indications relevant du forward guidance (même si aucune limite inférieure de non-emploi n’a encore été fixée pour une éventuelle hausse des taux directeurs). 

PLUS/MOINS DINFLATION EN SUIVANT:

Sur le fond, il est possible de se dire que la volonté d’inonder le marché des capitaux pour maintenir l’emploi par effet de richesse n’est rien d’autre qu’une préoccupation très classique de stabilité des prix: l’ensemble des Etats développés redoutent en premier lieu une déflation à la japonaise. Soutenir la consommation et les investissements avec des orientations prospectives n’est rien d’autre qu’une tentative d’éviter un alignement progressif des prix et des salaires sur les niveaux des économies en rattrapage.  Le vertige provoqué par la création monétaire, qui semble ne plus connaître de limites, renvoie évidemment à un risque d’inflation aussi évident qu’ambivalent. N’y a-t-il pas de barrage plus solide contre la déflation qu’une bonne inflation? Depuis des décennies, le seuil de tolérance au renchérissement dans l’orthodoxie des banques centrales est de 2%. Les problèmes insurmontables d’endettement public ont fini par en faire un véritable objectif (l’érosion monétaire étant censée rendre le désendettement moins douloureux). La Fed ne va-t-elle pas jusqu’à déplorer le manque d’inflation? Les sceptiques redoutant la bombe hyper-inflationniste à retardement n’ont probablement pas tort. De toute évidence, le consensus politique estime aujourd’hui qu’il sera toujours temps d’aviser.

par François Schaller/ Agefi Suise 9/8/2013 

http://agefi.com/une/detail/artikel/inflation-il-sera-temps-daviser.html

EN COMPLEMENT: Quelle stratégie face à l’inflation?

L’inflation et la croissance économique sont les deux facteurs macro-économiques qui influencent la performance des grandes classes d’actifs.

L’inflation est un paramètre essentiel pour la stratégie d’investissement. L’inflation et la croissance économique sont les deux facteurs macro-économiques qui influencent la performance des grandes classes d’actifs et leur positionnement relatif dans un portefeuille. Une croissance économique sans pression inflationniste est la configuration idéale. Quand l’inflation se manifeste suite à un excès de demande par rapport au potentiel de croissance, les incertitudes augmentent, le mix macro et la qualité des résultats des sociétés se dégradent. Rappelons que l’inflation n’est pas uniquement une hausse de l’indice des prix. C’est surtout un phénomène auto-entretenu de hausse des prix, des salaires et des coûts de production, spirale qui s’accompagne d’une hausse de la masse monétaire et qui conduit à une baisse de la valeur de la monnaie.

Pour la classe d’actifs obligataire, l’inflation est le risque principal: les obligations performent quand l’inflation baisse, souffrent quand elle augmente et excellent en phase de déflation. Les obligations sont un actif nominal à revenu fixe, d’où leur forte vulnérabilité à l’inflation. Selon l’équation de Fisher, la variation du taux d’intérêt nominal résulte d’une variation soit du taux d’intérêt réel anticipé, soit du taux d’inflation anticipée. L’inflation appauvrit les créanciers et enrichit les débiteurs: avec une inflation de 6%, une obligation aura perdu près de 60% de sa valeur réelle au bout de 15 ans. La hausse des anticipations d’inflation augmente la prime de risque d’inflation contenue dans les obligations, ce qui fait baisser le cours des titres. Cette prime de risque d’inflation a deux éléments: d’une part l’incertitude face à l’inflation (niveau, vitesse) et d’autre part la covariance (par exemple comment évolue l’inflation avec l’activité ou quelle est la corrélation entre les obligations et les actions).

Dans les années 2000, la prime de risque d’inflation était très basse grâce au fort ancrage des anticipations anti-inflationnistes (legs des années 1990). La corrélation actions/obligations était négative (quand les cours des actions baissaient, les obligations s’appréciaient).

La classe d’actifs actions est soumise à une double influence. La valorisation est directement corrélée avec l’inflation (la hausse de l’inflation entraîne une compression des multiples de valorisation), c’est l’effet à court terme. La hausse des taux inhérente à la remontée de l’inflation augmente le coût du capital (hausse du facteur d’actualisation des cash flows). En revanche, l’impact de l’inflation est positif sur la croissance des résultats. Cet effet est nominal et a un impact à moyen terme.

Les matières premières sont positivement corrélées avec l’inflation. Il s’agit d’un actif réel et les chocs d’inflation ont souvent comme origine un choc d’offre ou de demande dans les matières premières (chocs pétroliers).

Aujourd’hui, le positionnement stratégique est favorable à la classe d’actifs actions (pays développés) au vu de la position dans le cycle: reprise (effets des politiques de reflation) sans pressions inflationnistes. Il est intéressant de noter le décalage avec les pays émergents qui affichent une combinaison défavorable: ralentissement et hausse des pressions inflationnistes. Historiquement, on peut valider la logique de rotation des classes d’actifs en identifiant différents régimes d’inflation, en fonction du niveau et de la tendance. En régime d’inflation faible qui s’accélère, les actions progressent en moyenne de 20% par an. La configuration opposée est également très favorable: inflation forte en baisse (processus de désinflation). En cas d’inflation élevée et en hausse, on observe une performance soutenue des matières premières et les liquidités rapportent plus que les obligations.

L’inflation risque d’être le principal legs de la gestion de la crise financière. En toute logique, le coût final de la crise sera transféré aux créanciers. Cela signifie qu’une politique d’investissement doit d’ores et déjà se préparer au retour de l’inflation. Flexibilité et diversification devraient permettre de franchir cet écueil.

 Emmanuel Ferry Banque Pâris Bertrand Sturdza SA/ Agefi Suisse Vendredi, 09.08.2013

http://agefi.com/marches-produits/detail/artikel/linflation-et-la-croissance-economique-sont-les-deux-facteurs-macro-economiques-qui-influencent-la-performance-des-grandes-classes-dactifs.html?catUID=19&issueUID=388&pageUID=11596&cHash=4848bf628f753ad74c3ee904a0cc63b6


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3 réponses »

  1. Le but premier (mais pas avoué bien sur) étant de « contenir le populaire », il est évident
    que le chômage est la bombe à retardement … pas très très long au demeurant,
    dont l’explosion serait catastrophique pour les manipulateurs « ça vends »
    qui sont au pouvoir un peu partout et même ailleurs qui plus est ! (lol)

    Mark Carney, le « nouveau » directeur de la Banque d’Angleterre, vient « d’annoncer »
    le début OFFICIEL de la lutte à la chose.

    C’est un communicateur hors pair, dont chacune des intervention est ciselée
    avec une précision d’orfèvre. On aime ou on n’aime pas ? Mais on salue l’artiste.
    Ce n’est pas pour rien que les anglais sont aller le piquer aux canadiens.

    Au Canada, il a fait un travail EXCEPTIONNEL et il n’est pas le moindre des acteurs
    qui a permis à ce pays de passer au travers de la crise avec pas mal moins de dégâts
    que (presque) partout ailleurs.

    Reste que c’est un Bilderman et un ancien de … Gordon Sachs.

    Bien, que ceux qui n’ont jamais péché lui lancent le premier lingot tiens !

    Et puis, tant qu’à se faire enfirouapper, au moins que ce soit fait avec élégance
    et avec un peu de tenue siou plait !

    ARGHHHHHHHHHHHHH !!!

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  2. Je parlerais plus de stagflation que d’inflation, car les revenus, salariaux surtout, ne suivront pas….. et ça change tout!!!!!

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  3. D’accord avec Zenith, il n’y a plus inflation avec « échelle mobile des salaires » supprimée par le grand socialiste Mitterand… Et meme si l’echelle mobile existait encore (je suis pour), il faudrait encore avoir un indicateur plus fiable que l’actuel panier de la ménagère INSEE… dont le but et de la minimiser au max pour ne pas revaloriser les pensions de retraites et certaine classe de fonctionnaires qui ont encore une indexation sur l’inflation.

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