Citadelle assiégée: Pour se défendre, la Suisse devra renforcer sa cohésion nationale
Faut-il vraiment s’indigner de toutes les attaques – économiques, fiscales – dont la Suisse fait l’objet? Non. Il nous faut admettre que le monde est plus que jamais brutal et qu’il nous faut trouver une stratégie, une vision claire de ce que nous voulons, écrit Jean-Luc Strohm

L’actualité se répète. Depuis des semaines, des mois. Les circonstances se succèdent et se ressemblent. On dit de notre pays qu’il est un Etat scélérat; on brandit le sombre spectre de listes noires. Sans gêne, on force le passage dans la reconduction de traités, on s’offusque du refus du législatif suisse de se ranger à des exigences nébuleuses. La succession de ces coups fait naître le sentiment que la Suisse est injustement traitée par des partenaires qui, pourtant, parlent sans ciller de «nos amis suisses». Faut-il vraiment s’indigner? Non.
Nous devons au contraire l’admettre: le monde d’aujourd’hui est plus que jamais brutal. La loi du plus fort demeure une logique d’action. Mes intérêts priment, point barre. Il faut donc s’adapter pour ne pas crever. Car, vrai ou faux, bon ou mauvais, cet environnement est là… jusqu’à nouvel avis. Ce constat, nos édiles répugnent à l’envisager, et choisissent plutôt une approche au coup par coup. On vit de faux-fuyants dans l’espoir de gagner du temps. Mais le prétexte du pragmatisme est trompeur et pourrait se révéler suicidaire.
Ce qui manque à notre Etat, c’est une vision claire de ce qu’il veut. Nous manquons cruellement d’une stratégie, reposant sur un faisceau de quelques valeurs choisies et inamovibles. C’est vrai: pour ce faire, on ne s’exonérera pas d’un vrai débat de fond; et c’est la perspective d’un tel échange qui effraie à la fois le Conseil fédéral et les partis politiques. Faute d’affronter cette vraie gageure, nous perdons chaque semaine des parcelles de notre âme.
La mécanique helvétique, avec ses nombreuses couches indépendantes et néanmoins solidaires, est un handicap lorsqu’il s’agit de faire des choix, d’affronter des renonciations. Il faudra néanmoins avaler l’obstacle du débat associé à la définition d’une stratégie de la nation. Il faudra au passage réinventer en la modérant la nécessité de compromis, axiome fondateur du «système suisse». Ces efforts de cohésion politique seront aussi considérables que salutaires. Car ne nous y trompons pas: Helvetia est assiégée. Non seulement par ses «amis», mais encore par nombre de prédateurs qui, faute de pouvoir (savoir?) maîtriser leur situation extrême, tentent de faire main basse sur tout ce qui brille. Assiégée enfin par les urgences de son destin au sein de l’Europe politique.
Il faut admettre cet état conflictuel pour être à même d’élaborer un modèle cohérent de pensée, de vision de notre place dans le monde, qui repose sur un système de valeurs. Donc pour être à même d’inventer les comportements à adopter face aux obstacles. Qu’ils portent le nom de Fatca* – une mesure unilatérale des Etats-Unis qui vise à contraindre les institutions financières étrangères (FFI) à devenir des instruments de l’IRS (agence nord-américaine chargée de la collecte de l’impôt) –, de Lex USA, d’échange automatique de données, de traitement des successions (autant d’obstacles créés pa les Etats-Unis, l’Union européenne ou la France à de seules fins de politique intérieure).
Car, décidément, se borner à réagir n’est ni stratégique ni approprié. La réaction n’aboutit qu’à des prises de position le plus souvent pitoyables et désordonnées. Il importe que l’exécutif fédéral exerce enfin un vrai leadership plutôt que d’être le creuset du plus petit multiple commun. Ainsi seulement serons-nous à même de substituer une attitude de bâtisseur plutôt que de se borner à sans cesse battre sa coulpe. C’est vrai, il faudra rechercher l’adhésion des citoyennes et des citoyens, dans une démarche éclairée et résolue.
Peut-on imaginer que la résilience, vieille de plus de sept siècles, du peuple des bergers tombe sous les assauts des baillis de l’ère d’Internet?
Par Jean-Luc Strohm/ Le Temps 28/8/2013
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