L’ Edito du Mercredi 30 Avril 2014: La doctrine Yellen ou, comment tondre les moutons Par Bruno Bertez
Dans la panoplie utilisée par les Banquiers illusionnistes, il y a une arme qui n’a été théorisée que depuis peu : « La guidance ». Elle existe depuis longtemps, mais, avant c’était intuitif, on faisait de la « guidance », un peu comme le héros de Molière faisait de la prose, sans le savoir. Yellen, dans une intervention brillante et applaudie par le chœur des kleptos de Wall Street , a bien voulu s’étendre sur cette « guidance ».
Pour lire ce qui suit et bien l’assimiler, gardez présent que les pseudo-solutions à la GFC se résument à ceci : faire passer l’argent de votre poche à la poche des banques par le biais des marchés. Les marchés sont un lieu, un mécanisme de votre spoliation. Dernier avertissement : pour juger de la fonction d’un marché, il faut le considérer sur l’ensemble du cycle. Un cycle, c’est quelques années de hausse, suivies de quelques mois de baisse, souvent brutale. Comprimée. C’est quand on a fait un tour complet que l’on peut apprécier la fonction de transfert du marché
Nous n’avons absolument aucun scrupule à radoter et à répéter sans cesse la même chose. A partir du moment où les conditions ne changent pas, à partir du moment où les causes restent les mêmes, alors nous sommes validés à en tirer les mêmes analyses et les mêmes conclusions.
Ainsi, les banquiers centraux, et singulièrement la Fed, viennent de confirmer leurs politiques, rien n’autorise à en tirer des conclusions différentes de celles que nous avançons régulièrement. Les marchés ne font pas « bulle » parce que ce ne sont plus des marchés, ce sont des instruments de politique économique et monétaire. Et en tant qu’instruments centraux, en tant que pierre angulaire, le système a besoin d’eux, il a besoin qu’ils restent sur des niveaux élevés, très élevés. Et il en sera ainsi tant que les banquiers centraux pourront compter sur la confiance des marchés, ou plutôt tant qu’ils pourront compter sur la complicité de la communauté spéculative mondiale.
Les propos, encore répétés cette semaine, de Draghi, nous confortent totalement. Draghi a dit qu’il était prêt à aller plus loin dans l’assouplissement monétaire, Draghi a ajouté qu’il était prêt à élargir le champ des achats de titres à long terme. Fermez le ban, tout est dit et redit, malheur à ceux qui manifesteraient leur mauvais esprit en attaquant les marchés financiers. Achetez le « risk », voilà le message.
Yellen est intervenue devant l’Economic Club of New York. L’assistance était toute acquise, avec bien sûr toutes les claques et têtes à claques de Wall Street, les perma-bulls du type Abby Cohen pour servir de faire valoir.
Voici ce que dit Yellen: « L’idée que la politique monétaire est plus efficace quand le public la comprend et l’anticipe est fondamentale dans la pratique moderne des Banques centrales »… « de façon spécifique, il est important pour la Banque Centrale de faire comprendre comment elle va ajuster sa politique, en réponse aux développements économiques, ceci réduit ou tempère les conséquences éventuellement dommageables ».
Crument, nous traduisons « Nous nous faisons comprendre de la grande communauté financière afin qu’elle ne perde pas d’argent et qu’elle ait le temps de vendre ».
Comme nous sommes au cœur du scandale, nous vous demandons de bien lire, jusqu’à ce que vous compreniez. Nous avons fait un effort de clarification dans la traduction, dans ce but, vous faire comprendre.
Retenez d’abord qu’un marché financier est un lieu où l’on échange, non pas des choses réelles, mais des anticipations. Celui qui gagne, c’est celui qui sait d’avance, celui qui est initié. Et c’est pour cela qu’il existe des législations qui sont censées empêcher que les dés soient pipés, c’est à dire que ce soient des gens « au courant » qui gagnent au détriment des autres. Les autres étant vous, le public, bien entendu.
Si on anticipe, ou si on sait que les taux d’intérêt vont monter, alors on sait que, symétriquement, les cours vont chuter, on vend des bonds, des obligations et fonds d’Etat, et on ramasse un pactole, ceci est un exemple pour vous aider à comprendre. Si vous n’avez pas vu le film La Banquière avec Romy Schneider, allez le voir ou louez-le, vous comprendrez enfin ce qu’est la réalité du marché boursier. C’est un cloaque, une mare, dans lequel un puissant jette une pierre, et il achète sur le jet de la pierre, puis lorsque les cercles concentriques sont larges et nombreux, il revend aux derniers arrivants; c’est le système dit de la mère Hanau. Les premiers qui opèrent, grâce aux informations privilégiées, s’enrichissent sur le dos des derniers arrivés, le public.
La mère Hanau vendait de l’information par cercles concentriques, de moins en moins cher à de plus en plus de gens. Et si on était au début, pas trop loin du jet de la pierre, on faisait fortune. Si on était loin, on était ruiné. Comprenez que jeter de la pierre, c’est balancer une information. Vous y êtes presque, vous avez compris où nous voulons en venir.
Que dit Yellen? Elle dit qu’elle balance des informations, elle fait comprendre comment elle va ajuster sa politique… A qui? Aux banquiers et à la communauté spéculative bien sûr, puisque ce sont ces gens suréquipés en personnel, en ordinateurs, en modèles, qui sont seuls capables de comprendre. Ce sont ces gens qui déjeunent, et plus si affinité, avec le personnel, les cadres des Banques Centrales, qui sont invités à leurs réunions, et même, qui peuvent poser des questions.
Et que dit Yellen? Elle dit que c’est « plus efficace quand le public la comprend » ! Avez-vous déjà rencontré quelqu’un du public qui comprend les politiques monétaires actuelles ? Avez-vous déjà essayé de comprendre ce charabia complexe, déroutant ? Avez-vous les théories, les dernières à la mode, qui permettent d’interpréter ce qui est dit de façon amphigourique? Est-ce que vous avez compris, quand Bernanke a dit qu’il allait détruire la rémunération des placements sûrs, est-ce que vous avez compris que vous pouviez faire fortune en achetant ce que l’on appelle le « risk »? Avez-vous les ordinateurs, les modèles, à faire tourner pour établir les corrélations entre les différentes classes d’actifs ? Avez-vous accès au leverage pour jouer ces anticipations? Avez-vous la possibilité d’intervenir sur les marchés des dérivés pour couvrir vos positions? Bien sûr que non! Et nous sommes même sûrs que vous comprenez à peine ce que nous voulons dire, vous le public, vous n’y comprenez rien, voilà la vérité. La soi-disant transparence est nébuleuse, c’est un galimatias, volontaire. Toute l’information est donnée par les Bernanke et Yellen et Draghi, mais dans une langue, dans une forme et sous un code que vous ne maitrisez pas. La finance, c’est Babel, même pour les gouvernements, et c’est pour cela qu’ils se font rouler dans la farine.
En bref, l’information est disponible, y compris pour vous, le public, mais elle est hermétique. C’est à dire qu’il y a des initiés, ceux qui comprennent et ont les outils et les relations, et puis il y a les moutons, vous, le public. Et ils disent, le jeu est honnête, la preuve, vous pouvez accéder à nos informations, à nos « guidance ».
Ah, les braves gens ! Souvenez-vous de cette citation de Greenspan que nous utilisons souvent, elle caractérisait le « Fed Speak »: « Si vous nous avez compris, c’est que nous nous sommes mal exprimé ». C’est le même Greenspan qui déplorait cyniquement en 2009 que les banques avaient fait l’erreur de garder le risk pour elles, elles ne « l’avaient pas disséminé », sous-entendu elles ne l’avaient pas assez refilé aux fonds de pensions gogos et au public.
Yellen a tellement perdu le contact avec la vie, avec les gens, qu’elle ne se pose aucune question, elle a trouvé la solution. Son système, celui des guelfes noirs, c’est celui dit des « stabilisateurs automatiques ». Qu’est-ce qu’elle veut dire par là ? Elle veut dire qu’en créant une classe d’initiés, il y a des gens qui anticipent les mouvements, à la hausse comme à la baisse. Les premiers initiés, comme dans le système de la mère Hanau, ont opéré avant les autres, ils ont enclenché un mouvement, celui-ci se développe progressivement, puis au fur et à mesure que les moins initiés et le public arrive, ils servent, ils font la contrepartie et empochent leur bénéfice. Il y a moins de chocs, de ruptures. Les mouvements sont ainsi moins brutaux, on les voit venir. Au fil du temps que met l’information à se répandre, les nouveaux arrivants servent de relais, les marchés restent, comme on dit, ordonnés au profit… de la communauté spéculative, au détriment… du public et de ses institutions de prévoyance.
La fonction de la pseudo-transparence des Banques Centrales est de donner les moyens au système financier et bancaire de tondre le public. Pourquoi ? Parce qu’il faut que ces gens, les initiés systémiques, gagnent de l’argent, fassent des profits, engrangent des fonds propres pour pouvoir supporter les risques non prévus, les vrais risques. Ceux qui ne sont pas modélisables, les cygnes noirs.
Pas étonnant que les inégalités s’accroissent au fur et à mesure et inéluctablement avec l’hyper-développement de la financiarisation. Pas étonnant que les cadres de la Fed, surtout ceux de la Fed de New York, le desk, sont embauchés à prix d’or par les hedge funds. Ils achètent des initiés, des interprètes, des réseaux de relations, des modèles de marché. Encore récemment, Bryan Sack, ancien dirigeant responsable du desk de la New York Fed, est parti s’associer dans un hedge fund.
Est-ce que vous vous étonnez encore si JP Morgan et Goldman Sachs n’enregistrent pour ainsi dire aucun jour de perte dans leurs activités de spéculation pour compte propre? La muraille de Chine fonctionne bien, ils ne sont jamais perdants pour leurs comptes « nostro », mais pour le client public, c’est autre chose!
La doctrine Yellen, celle qu’elle vient mercredi dernier de théoriser devant son parterre de dévoreurs de bonus, a été applaudie ! Cela vous étonne ? Mais chut, le printing, la guidance, c’est pour lutter contre le chômage, bien sûr.
BRUNO BERTEZ Le Mercredi 30 Avril 2014
illustrations et mise en page by THE WOLF
EDITO PRECEDENT: L’Edito du Dimanche 20 Avril 2014: De Madoff à la réunion du FMI par Bruno Bertez
EN BANDE SON:
SUR LE FRONT: REVUE DE PRESSE ( Source et Remerciements à Maître Confucius)
COLLAPSE UPDATE:
FRANCE:. Vers 12 régions au final…difficultés financières des PME…bug informatique RSI, bug informatique à la Défense…coopératives agricoles ont des retards de paiement. Mini plan pauvreté (revaloriser le RSA de 10% sur 5 ans)
http://www.ouest-france.fr/agroalimentaire-breton-150-eleveurs-de-volaille-impayes-2322304
Hausse d’impôts à venir avec la proposition PS de supprimer l’imposition commune des couples mariés/pacsés à cause des effets sexistes du quotient conjugal (= imposition séparée)
Classe moyenne paiera l’addition
Alstom démantelé
Accélération des délocalisations des grandes banques françaises + essor du statut de société européenne
Entretien avec les euro députés sur les négociations du traité transatlantique
http://www.youtube.com/watch?v=jPCE-kz90pA
http://www.michelcollon.info/La-grande-braderie-transatlantique.html
Ukraine:…des sanctions contre la Russie détruiraient l’économie Chypriote
RUSSIE:…lance son système de paiement
http://www.le-veilleur.com/articles.php?idcat=2&idrub=35&id=1709
GRECE:…20 000 manifestations en 4 ans…trucage de chiffres…personnes âgées malades retenues en prison pour non-paiement d’impôts
http://www.lecontrarien.com/edito-28-04-2014-edito
ESPAGNE:…Anglais retournent chez eux à cause de la crise de l’euro, crise immobilière, perte de pouvoir d’achat
http://fr.myeurop.info/2014/04/23/anglais-fin-du-reve-mediterraneen-13688
SLOVENIE:…vers une crise politique
http://www.romandie.com/news/Slovenie-le-Premier-ministre-perd-la-presidence-de-son-parti/471776.rom