Art de la guerre monétaire et économique

Vers des Taux à 10 ans à zéro partout dans le monde? Par Charles Gave

Vers des Taux à 10 ans à zéro partout dans le monde? Par Charles Gave 

Deux facteurs expliquent cette remarquable performance.

Le premier, c’est bien entendu les tendances déflationnistes qui existent dans les économies mondiales, fort visibles aujourd’hui dans le prix du pétrole. Le grand gagnant quand la déflation s’installe, c’est bien sûr le détenteur d’une obligation longue garantie par un Etat qui ne fera pas faillite… Je crois en avoir parlé suffisamment dans ces chroniques et depuis des mois pour ne pas à avoir à revenir dessus.

Le deuxième à tout à voir avec la politique que semble vouloir suivre Draghi à la BCE.Que le lecteur se mette dans la peau d’un « trader » sur les marchés obligataires. Que lui dit monsieur Draghi ? Une chose toute simple : qu’à partir du début de l’année prochaine,  la BCE va acheter pour 1 000 milliards (?) d’obligations émises par les Etats Européens et que ces achats seront faits en proportion du PIB de chaque pays. Je peux me tromper, mais je ne pense pas que les déficits budgétaires cumulés, de tous les pays de l’Euro zone, atteignent ce chiffre pharamineux. La BCE va donc devoir acheter non seulement les déficits existants, mais aussi sans doute, de la dette «ancienne» pour atteindre ses objectifs.

Qui plus est, le plus grand bénéficiaire de ces largesses va être l’Allemagne, puisque le PIB Allemand est de loin le plus gros en Europe. Or le budget Allemand est en équilibre, et il n’y aura donc pas de nouvelles émissions Outre Rhin. Toute la demande de la BCE pour les obligations Allemandes va devoir être servie par du papier ancien. Les taux longs Allemands vont donc devoir aller à zéro, où ils retrouveront les taux Suisses (à 0.35 % ou Japonais (à 0.45%) pour les obligations d’Etat à 10 ans.

Que va faire mon trader?

∑         D’abord, il va se précipiter pour acheter des Bunds (les obligations Allemandes) pour essayer de les revendre quelque temps après et il l’espère beaucoup plus cher à la BCE.

∑         Ensuite , il va se dire qu’avec la BCE achetant quasiment tous les déficits Français, Italien, Espagnol, Portugais …le risque de difficultés de financement pour tous ces pays à quasiment disparu  et que  la probabilité que nous ayons une répétition de la crise de 2012 sur la dette des pays périphériques dans la zone Euro  est très faible. Il va donc se dire que le taux d’intérêt sur les 10 ans Français, Italien en, Espagnol vont sans doute aussi …aller à zéro et qu’il lui faut emprunter de l’argent toutes affaires cessantes à  sa banque pour les acheter. Apres tout, si la BCE acquière sans aucune discrimination toutes les obligations d’Etat Européennes, il n’y a aucune raison logique pour que des pays bien gérés empruntent moins cher que des pays mal gérés. Ce qui compte est d’être un pays de la zone Euro, pas d’être bien ou mal géré.

∑         Enfin, il va regarder les taux aux USA, qui sur les 10 ans sont encore à  2. 2 % et comprendre qu’il n’y a pas vraiment de raison pour que la France emprunte à moins de 1 % tandis que les Etats-Unis empruntent à  2 .2%.  Donc il va vendre les OAT à découvert et acheter des « Treasuries » avec le produit de la vente des OAT et empocher la différence de rendement. Devant l’afflux de ces capitaux en provenance d’Europe, notre trader va sans doute garder sa position « short » en euro et sa position « long » en dollars en espérant une hausse du dollar. Voila qui devrait faire baisser le taux de change de l’Euro tout en faisant baisser les taux d’intérêts aux USA, ce qui permettrait à  mon trader de gagner sur tous les tableaux. Quand les deux 10 ans seront à zéro, il couvrira sa position short sur les OAT , en perte légère, il revendra ses Treasuries, en gain confortable, revendra ses dollars (plus haut) pour racheter des euro (plus bas, du moins il l’espère)  et en attendant il n’a pas besoin de mettre le moindre capital en risque, la position short OAT finançant la position longue Treasuries. L’idée lui viendra surement de prendre le levier le plus important possible pour vraiment s’enrichir. Youpee. Kerviel est de retour.  Voila qui est quand même plus rigolo et plus facile que de bâtir une usine et d’embaucher des employés.

Ces manœuvres de la BCE appellent de ma part un certain nombre de remarques.

∑         Elles sont formellement interdites par les Traités Européens puisqu’à l’évidence il s’agit d’une mutualisation de la dette Européenne. Nous avons donc affaire une fois encore à une sorte de coup d’Etat ou les Eurocrates prennent des décisions que rien ne les autorise à prendre, si ce n’est l’échec des politiques qu’ils ont suivies jusqu’ici.  Que monsieur Draghi fasse des choses que la morale réprouve, voila qui n’est pas nouveau. Que les autorités ou la cour suprême Allemande l’acceptent voila qui serait plus étrange. Le danger pour mon trader est donc que d’un seul coup les marchés ne se rendent compte que rien de ce que j’ai décrit plus haut ne se passera parce que la Bundesbank ou la Cour Suprême Allemande le refuse catégoriquement… Voila qui serait sanglant.

∑         Elles vont mettre en difficultés sérieuses toute une partie de l’appareil financier Européen. Que le lecteur songe aux caisses de retraite qui comptait sur des rendements de 4 % sur les obligations d’Etat pour servir des retraites à leurs souscripteurs.  A zéro, les retraites vont en prendre un bon coup. Ou qu’il songe aux compagnies d’assurance qui garantissait les risques en achetant des obligations d’Etat qu’elles mettaient en réserve, pour couvrir leurs risques, et dont les intérêts servaient à payer leurs frais de fonctionnement. Les frais de fonctionnement vont rester les même, leur rentabilité financière disparaitre…  Leur rentabilité  totale va  donc s’écrouler, la différence viendra de leurs fonds propres qui vont fondre comme neige au soleil. Mauvaise nouvelle pour leurs actionnaires et pour les consommateurs. S’assurer va devenir de plus en plus cher. Pensons enfin aux banques à qui plus personne n’emprunte. Du coup, elles utilisent leurs dépôts, qu’elles ne rémunèrent plus, pour acheter des obligations longues de l’Etat local, les 2 % ou 3 % qu’elles touchaient leur servant à payer leurs frais de fonctionnement. Si maintenant elles touchent zéro, comment vont-elles payer leurs employés ?

∑         Elles sont en train de faire naitre un risque gigantesque d’aléa moral (moral hazard en Anglais).  La pression que les marchés financiers exerçaient sur des pays comme la France ou l’Italie pour les forcer à se reformer disparait complètement. Si les taux à 10 ans sont à zéro et si la BCE achète toute la dette Française, on voit mal pourquoi monsieur Hollande devrait interrompre la passionnante expérience socialiste à laquelle le pays se livre. Comme l’a dit Monsieur Hollande lors de sa dernière interview, l’argent existe, il suffit de l’emprunter…et s’il ne coute rien, la demande devient infinie…

∑         Cette politique va amener à un effondrement de la croissance. Le taux d’intérêt, en bonne théorie économique c’est ce qui permet d’arbitrer entre la consommation présente et la consommation future. La différence entre les deux s’appelle l’épargne, et sur le long terme, l’épargne est égale à l’investissement. Si l’on cesse de rémunérer l’épargne, elle va disparaitre et donc l’investissement va s’écrouler aussi (ce qui a bien commencé) et avec lui la croissance économique. Bien entendu, le chômage va continuer à exploser à la hausse, avec les déficits budgétaires. Ce qui crée la croissance, c’est une épargne abondante et donc bien rémunérée,  autorisée à s’investir selon le principe de la destruction créatrice dans le secteur privé. En fait, nous sommes rentrés dans le schéma Soviétique. La destruction est rendue impossible, l’épargne n’est plus rémunérée et est remplacée par de la monnaie émise sans contrainte par la banque centrale pour financer les dépenses de l’Etat. On sait comment cela a fini.

∑         Enfin, ces pratiques sont en train de faire naitre toute une série de « faux prix » en particulier dans les secteurs financiers. Un jour ou l’autre il faudra revenir aux vrais prix et là, beaucoup, beaucoup d’argent sera perdu.

Conclusion

Nous sommes gouvernés par des « desperados » qui sont prêts à tout pour masquer l’échec des politiques qu’ils suivent depuis des années, ce qui est un classique de la Science Politique. Je pense à l’Union Soviétique envahissant l’Afghanistan pour masquer ses échecs intérieurs.

Je maintiens donc ce que j’ai dit depuis des mois. Je n’ai strictement aucune idée sur le « timing »  du retour à des prix de marché. Tout cela a duré déjà beaucoup plus longtemps que ce à quoi je m’attendais.

Le lecteur doit avoir ses actifs en Asie, dans des sociétés de bonne qualité et qui n’ont rien à voir avec toutes ces imbécilités, en obligations longues US qui ne sont pas (encore) trop chères et éviter toutes les financières, en particulier en Europe ainsi que tous les marchés obligataires des pays Européens. Il faut donc passer tout son temps sur la structure du portefeuille qui résistera le mieux à la crise et cesser de se croire capable de vendre la veille du jour où tout le monde va se rendre compte que le Roi est nu. Ce portefeuille doit être concentré sur des positions en Asie, Chine comprise, des obligations longues US, des obligations courtes en Yuan et des actions offrant de vrais produits ou services et ayant une comptabilité transparente.                                                               

Et attendre.

 Le 1/12/2014

    • Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001  » Des Lions menés par des ânes « (Editions Robert Laffont) ou il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage « L’Etat est mort, vive l’état » Editions François Bourin 2009 prévoyait la chute de la Gréce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal research (www.gavekal.com) et Gavekal securities et membre du conseil d’administration de SCOR.

SOURCE ET REMERCIEMENTS : INSTITUT DES LIBERTES

  http://institutdeslibertes.org/vers-des-taux-a-10-ans-a-zero-partout-dans-le-monde/

Les OAT 10 ans de la France sous les 1% !

Je rappelle qu’un krach obligataire, c’est lorsque le prix des obligations s’effondre. Et que lorsque le prix des obligations s’effondre, le taux auquel elles s’échangent bondit… En l’absence de croissance, les taux deviendraient prohibitifs pour les Etats. Ce serait le défaut de paiement. La zone euro a pu le supporter (de justesse) dans le cas de la Grèce mais elle implosera dès lors qu’il s’agira de l’Italie, de l’Espagne ou de la France… a fortiori de plusieurs pays à la fois. La bulle obligataire éclatera-t-elle en 2015, causant de lourdes pertes aux banques (centrale et commerciales) et aux marchés financiers ? Pour écarter ce risque, il faudrait que la banque centrale puisse augmenter indéfiniment la taille de son bilan en rachetant toutes sortes d’actifs. Ce qui finit par détruire toute confiance dans la monnaie… OD

HISTORIQUE TAUX DE REFERENCE OAT 10 ans FRANCE et EUROPE

« 0.99%!
Le chiffre est historique !
C’est le taux de rendement des OAT France 10 ans. Autrement dit, ce que vous rapporte annuellement une Obligation d’Etat Française à laquelle vous souscrivez pour une durée de 10 ans.
Jamais dans l’histoire les taux obligataires n’avaient été si bas ! Les records sont battus de mois en mois et même de jour en jour, mais là on descend carrément sous les 1% ! Autrement dit, une Obligation d’Etat rapporte moins qu’un livret A !
Le taux des OAT 10 ans était remonté à 2,5% fin 2013 et a été divisé par 2.5 depuis.
La baisse de ces taux, que l’on qualifie de détente des taux obligataires, s’observe aussi ailleurs en Europe. Ainsi en Allemagne, le rendement du fameux Bund approche les 0.7% tandis que l’Espagne, qui empruntait à près de 8% au sommet de la crise de 2011, voit désormais ses taux obligataires tomber sous les 2%.
Si les taux obligataires baissent, c’est mécaniquement que les obligations en question sont largement achetées, et même surachetées. En général, ce phénomène se produit dans une situation de confiance dans l’économie d’un pays. Mais aujourd’hui, point de confiance pour une zone euro qui s’empêtre dans une croissance zéro. Les mécanismes habituels sont brouillés. Bafoués même. C’est à ne plus s’y retrouver. En fait, les investisseurs se mettent à acheter des obligations d’Etat car ils anticipent une action prochaine de la BCE qui, à l’instar de la FED, se mettrait à acheter des actifs sur les marchés financiers. Ils n’achètent pas les obligations pour leur rendement (qui voudrait placer à 1% ? pas moi…) mais parce qu’ils anticipent des achats massifs de la BCE qui ferait monter le cours obligataire. Ainsi, les obligations deviennent-elles des produits spéculatifs, ce qui n’est pas du tout leur vocation ! Tout cela risque de mal finir. Mal finir parce que lorsque la BCE agira vraiment, alors tous ceux qui ont acheté vendront, et l’on assistera à un krach obligataire. Oui, c’est le krach obligataire qui se profile pour 2015. Il semble difficilement évitable. A moins que la BCE n’agisse de façon à ce qu’il se transforme en atterrissage en douceur… Mario Draghi devra être le super Mario virtuose…

Un krach obligataire serait bon et mauvais pour la bourse.
Bon parce que les liquidités qui seraient dégagées de la sphère obligataire iraient vers les actions.
Mauvais parce que les banques seraient totalement à la ramasse, devant passer provisions sur provisions pour dépréciations d’actifs dans leurs comptes. Or on sait que dans le monde actuel, une crise bancaire se propage très vite dans la sphère réelle. Par ailleurs, un tel krach entrainerait une perte de confiance vis-à-vis des actifs financiers.

Aujourd’hui, rien n’annonce cette catastrophe. Il y a simplement des signes qui sont là et montrent une situation totalement anormale ! »

Jean-David Haddad, FranceBourse.com, le 1er décembre 2014

http://olivierdemeulenaere.wordpress.com/2014/12/01/les-oat-10-ans-de-la-france-sous-les-1/

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