Dianne Feinstein: “Les actions de la CIA, une tache sur les valeurs et l’histoire de l’Amérique”
Dianne Feinstein, la présidente de la Commission du renseignement du Sénat, a résisté à d’énormes pressions visant à l’empêcher de publier son rapport sur les tortures pratiquées par la CIA
- Lire le rapport du Sénat américain sur les programmes de torture de la CIA:http://edition.cnn.com/interactive/2014/12/politics/torture-report/
L’accablant exposé que Dianne Feinstein a présenté mardi devant le Congrès sur la torture pratiquée par la Central Intelligence Agency (CIA) dans la lutte contre le terrorisme en fait partie. Le visage grave, vêtue d’un ensemble bleu-violet, la sénatrice démocrate de Californie n’avait pas de trémolo dans la voix pour dénoncer devant tout le pays la brutalité des techniques d’interrogatoire musclé utilisées par la CIA à partir de 2002. Elle a courageusement martelé que les Etats-Unis ne pouvaient pas bafouer leurs propres principes fondateurs pour faire parler des terroristes présumés d’Al-Qaida. Elle a battu en brèche la rhétorique de l’agence selon laquelle la torture aurait permis de débusquer Oussama ben Laden.
A 81 ans, celle qui préside la Commission du renseignement du Sénat jusqu’à début janvier a agi en femme politique libre. Sans agenda électoral, cette Californienne issue d’une famille d’origine russo-polonaise et diplômée d’histoire de Stanford a pourtant dû résister à des pressions considérables qui visaient à la dissuader de publier un document de quelque 500 pages qui résume un rapport sénatorial de 6000 pages sur les dérapages de la CIA.
Dans un dossier aussi explosif que la torture pratiquée durant la présidence de George W. Bush, elle a engagé un bras de fer avec la CIA, qui réfute les conclusions du rapport. Préférant bien souvent la discrétion à la diplomatie publique, elle s’est même fait violence en déclarant publiquement que la CIA avait espionné les ordinateurs des collaborateurs de la commission sénatoriale. C’était sa manière de refuser toute intimidation. A la suite de ce scandale, le directeur de l’agence, John Brennan, a dû se confondre en excuses. Ces derniers jours, ce sont les lieutenants de l’ex-président George W. Bush qui sont montés au créneau: l’ex-vice-président Dick Cheney ainsi que les anciens patrons de la CIA George Tenet et Michael Hayden ont cherché à discréditer le rapport et à en empêcher la publication. Un site internet, ciasavedlives.com, a été créé pour contester la lecture que Dianne Feinstein fait des activités antiterroristes de la CIA. Plus embarrassant encore, le secrétaire d’Etat, le démocrate John Kerry, a pressé la sénatrice de ne pas publier le document sensible maintenant au risque de mettre en danger les intérêts américains à l’étranger.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/3b222cde-80ae-11e4-9a92-1e037d8e04b7
Fortes répercussions sur le tribunal de Guantanamo
La publication du rapport pourrait forcer le juge à lever le voile du secret qui plombe le pré-procès des accusés du 11-Septembre
La publication du rapport condensé de la Commission du renseignement du Sénat sur les techniques d’interrogatoire musclé de la CIA provoque de sérieux remous auprès des avocats qui défendent les détenus de Guantanamo accusés d’avoir fomenté les attentats du 11 septembre 2001. Ils requièrent l’accès immédiat au rapport entier de 6000 pages, car celui-ci contient nombre de détails au sujet des clients qu’ils doivent défendre devant un tribunal militaire de Guantanamo, où ils encourent la peine de mort.
Le rapport sénatorial pourrait avoir de profondes répercussions sur la commission militaire jugeant les cinq terroristes présumés du 11-Septembre. Rendu public, il met en lumière la brutalité des pratiques de la torture dont ont été victimes les cinq détenus qui croupissent toujours dans l’ultra-secret camp 7 de Guantanamo. La défense pourrait désormais s’appuyer sur le fait que ces actes de torture sapent la validité des preuves dont dispose le tribunal militaire, car elles auraient été obtenues selon des techniques illégales.
Parodie de justice
Avocat d’Ammar Baluchi, James Connell exige désormais l’accès au rapport complet qui contient apparemment des détails précis des tortures endurées par son client et confirmées dans le résumé du rapport publié mardi. En avril 2014, James Connell a déjà déposé une motion dans ce sens. L’avocat s’est d’ailleurs toujours étonné que la réalisatrice hollywoodienne du film Zero Dark Thirty, Kathryn Bigelow, ait obtenu des informations sur son client auprès de quelques agents de la CIA que lui-même n’a pas. Contacté par Le Temps, il le souligne: «Dans le rapport, la CIA suggère fortement qu’elle a fourni des informations à la réalisatrice du film. Or le film laisse entendre qu’Ammar Baluchi (mon client) a fourni des informations ayant permis de trouver le coursier de Ben Laden.» Un fait que conteste précisément Dianne Feinstein.
Avant la publication, les avocats de la défense à Guantanamo n’ont pas reçu le moindre document du rapport de 6000 pages malgré des demandes répétées. Pour eux, l’actuelle commission militaire présidée par le juge James Pohl devient une parodie de justice. L’avocat Walter Ruiz, qui défend le Saoudien Moustapha al-Houssaoui, parle d’horreur indicible, d’actes choquants qui bafouent les valeurs de l’Amérique. «Maintenant, déclare-t-il, le gouvernement cherche à tuer un homme qu’il a brutalisé. Notre nation a une obligation morale et légale de réhabiliter dans la mesure du possible les victimes de la torture. Les exécuter ne constitue pas exactement une réhabilitation.» Les avocats des cinq terroristes présumés exigent également l’accès aux responsables de la CIA chargés des interrogatoires et la divulgation des sites à l’étranger où leurs clients ont été torturés.
L’acte du Congrès pourrait bien faire s’écrouler la chape du secret qui plombe le pré-procès de Guantanamo où tout est classifié jusqu’à l’absurde. Il pourrait même menacer le procès lui-même.
Le rapport du Sénat américain sur les atrocités commises par la CIA
Il révèle notamment les pratiques de torture sur des terroristes présumés auxquelles les services secrets américains se sont livrés depuis l’attentat du 11 septembre 2001, et montre que ces méthodes étaient « bien pires » que la CIA ne voulait bien l’admettre. Elles incluaient notamment la noyade simulée (« waterboarding »), des menaces d’agression sexuelle et de privation de sommeil. En 2002, un détenu qui avait été forcé de se dénuder est mort d’hypothermie.Pire, ces interrogatoires « musclés » « n’ont pas été efficaces », ils n’ont pas permis de mettre à jour des menaces imminentes et dans plusieurs cas, ils ont même abouti à l’obtention de faux renseignements.
La CIA a reconnu avoir commis des erreurs, mais maintient que ses méthodes ont permis d’éviter d’autres attentats, d’arrêter des terroristes et de sauver des vies.
Ce rapport a suscité l’indignation dans le monde entier, mais certains médias dénoncent ce qu’ils qualifient d’hypocrisie, affirmant que ces pratiques étaient largement connues.
Le journal espagnol El Pais affirme que les Etats-Unis ne pourront pas continuer «de se présenter comme le champion de la liberté si l’une des leurs organisations les plus cruciales sur le plan mondial se livre méthodiquement à des infamies ».
L’enquête a également dévoilé que des pays européens, dont la Pologne, la Lituanie et la Roumanie, avaient permis à la CIA d’installer des prisons sur leur territoire. Pour The Guardian, cette enquête invite l’Europe à procéder à son auto-critique :
«L’ampleur exacte de la participation européenne demeure encore inconnue à ce jour, en raison des années de secret que se sont imposés les Etats-Unis et ses partenaires. Washington n’a jamais confirmé la localisation des prisons secrètes de la CIA, ni nommé les gouvernements qui avaient coopéré, et le document récemment publié n’en dit pas plus (…) Mais les Etats européens qui ont participé aux opérations de la CIA sont complices de violations des droits de l’homme, de la Convention de Genève et de la Convention de l’ONU contre la torture. Aucun pays, à part peut-être la Suède, n’a jamais admis sa culpabilité. (…) Maintenant que les Etats-Unis ont entamé cet effort de recherche de la vérité, c’est peut-être le bon moment pour que l’Europe en fasse de même ».
Carte: Le réseau global de la torture de la CIA
Source: http://interactive.guim.co.uk/embed/2014/12/2014-12-cia-global-network/cia-global-network.svg
« Un Etat constitutionnel qui donne à ses services secrets une base légale pour procéder à l’arrestation, la détention illimitée, et la torture de suspects n’est plus en mesure de contrôler la machine terroriste qu’il a lui-même mise en marche », écrit De Standaard. « Le fait que la torture n’a mené à rien apporte un soulagement. Et c’est peut-être le meilleur moyen d’empêcher un gouvernement de recommencer à pousser aussi loin la recherche d’une réponse “forte” ».
Enfin, dans une tribune du Washington Post, David Ignatius affirme que ces révélations devraient permettre aux Etats-Unis de mettre fin aux pratiques de torture :
« C’est un document politique, et non une histoire dépassionnée, mais cela fait partie de sa valeur : il n’y a tout simplement aucun moyen pour une démocratie de surmonter un traumatisme comme la question des interrogatoires sans en rendre compte publiquement avec honnêteté. C’est un processus de guérison étrange, que de retirer la croûte, d’exposer nos blessures ; cela correspond peut-être à l’auto-flagellation des premiers saints.
La meilleure illustration que la confrontation avec ses maux du passé mène à une sorte de rédemption nationale est fournie par l’Allemagne. (…) Les Allemands se sont toujours confrontés à leur histoire indéfendable, admettant leur culpabilité encore et encore, gravant l’humiliation de leur défaite de 1945 sur les murs de leur parlement. Ecrivant récemment dans le New Yorker, George Packer a comparé ce processus de guérison à celui de la psychanalyse. (…)
On ne peut pas savoir si les informations gagnées au terme d’interrogatoires musclés ont contribué à fournir des indices essentiels qui ont permis de localiser Ben Laden. C’est pourquoi bannir la torture est un choix moral : en le faisant, nous perdrons peut-être des informations utiles. C’est le risque que nous prenons en choisissant de faire ce qui convient ».
http://www.express.be/joker/fr/platdujour/le-rapport-sur-les-atrocites-commises-par-la-cia-montre-la-force-des-etats-unis/209858.htm
Justice réclamée contre la CIA et ses maîtres accusés de torture
PAR ETIENNE DUBUIS/Le Temps 12/12/14
Des organisations de défense des droits de l’homme demandent que les personnes ayant ordonné aux Etats-Unis la pratique de la torture soient traduites en justice Le rapport de la Commission du renseignement du Sénat a choqué. Des voix éminentes s’élèvent pour demander des comptes
Après la dénonciation du crime, la poursuite des criminels. La Commission du Sénat américain sur le renseignement a causé un séisme mardi en publiant un résumé de son rapport sur les méthodes d’interrogatoire de l’Agence centrale de renseignement (CIA) dans la «guerre contre le terrorisme». A l’intérieur comme à l’extérieur des Etats-Unis, des voix éminentes se sont élevées pour demander que soient tirées les conséquences judiciaires des horreurs révélées.
Parmi de nombreux intervenants, Kenneth Roth, directeur général de l’organisation américaine Human Rights Watch, Anthony Romero, directeur général de l’Union américaine de défense des libertés (UCLA), et Ben Emmerson, rapporteur spécial des Nations unies sur le contre-terrorisme et les droits de l’homme à Genève, ont fait part de leur indignation et demandé que les personnes responsables, des tortionnaires de base à leurs supérieurs, soient traduites en justice.
Cette requête n’est pas une vague invitation. Elle rappelle l’obligation dans laquelle se trouvent les Etats-Unis de respecter la Convention des Nations unies contre la torture qu’ils ont ratifiée il y a une vingtaine d’années, un texte qui les oblige à considérer ce genre de mauvais traitements comme une infraction et donc à poursuivre ses auteurs.
L’obligation est d’autant plus stricte qu’elle ne souffre pas d’exception. «La torture est interdite en toutes circonstances, souligne Philippe Currat, avocat à Genève et secrétaire général du Barreau pénal international. Aucune considération politique ou sécuritaire n’y change quoi que ce soit.» Les suspects peuvent en outre être poursuivis d’office. La plainte d’une victime n’est pas nécessaire pour mettre la machine en marche.
La justice américaine a déjà été sollicitée sur le sujet, mais en vain. L’un de ses responsables a ainsi rappelé cette semaine que deux enquêtes pour mauvais traitements de prisonniers avaient avorté ces dernières années par manque de preuves. Le rapport du Sénat est susceptible de modifier aujourd’hui la donne. «Il s’agit là d’un document officiel, établi grâce à des documents de première main, explique Philippe Currat. Il possède de ce fait une autorité particulière.»
Il revient normalement aux Etats-Unis de lancer des poursuites contre les coupables, du haut en bas de la chaîne de commandement. Mais le dossier est politiquement si brûlant qu’il risque fort d’être enterré ou de n’aboutir qu’à la condamnation de quelques subalternes. Les partisans des poursuites judiciaires placent dès lors une bonne partie de leurs espoirs dans les mécanismes de compétence universelle qu’est susceptible d’activer le crime de torture. Soit dans une intervention de la Cour pénale internationale ou dans celle d’Etats tiers.
Des précédents existent. Ces mécanismes ont permis d’engager des poursuites contre d’importants dirigeants politiques, tels l’ancien président du Tchad Hissène Habré, arrêté et inculpé de crime contre l’humanité au Sénégal, et l’ex-ministre de la Défense algérien Khaled Nezzar, poursuivi en Suisse pour crimes de guerre. Dans ce deuxième cas, le Tribunal fédéral a pris une décision importante en estimant que les fonctions officielles occupées par le suspect au moment des faits ne lui garantissaient pas une immunité à vie.
L’ancien président américain George W. Bush a été lui-même inquiété par le passé. Il a renoncé in extremis à venir à Genève, en février 2011, après avoir appris que deux victimes de torture – déjà… – avaient déposé plainte contre lui en Suisse.
Certaines figures célèbres de l’ancienne administration américaine courent-elles aujourd’hui le risque d’être arrêtées lors d’un déplacement à l’étranger? «La possibilité n’est pas grande mais elle existe, répond Philippe Currat. Nos sociétés se montrent de plus en plus attachées à la responsabilité pénale des dirigeants. Et leur désir de justice prévaut de manière croissante sur les considérations politiques.»
George W. Bush n’aurait pas tout su au sujet de la torture
Un passage du rapport du Sénat américain enrage l’ancien vice-président Dick Cheney
L’ex-président George W. Bush avait-il pleine connaissance de tous les types de torture utilisés par son Agence centrale de renseignement (CIA)? Ou a-t-il ignoré durant des années les pires d’entre elles? La polémique a éclaté immédiatement après la publication du rapport de la commission du Sénat.
Il ne fait nul doute que George W. Bush en savait beaucoup. Il a annoncé haut et fort qu’il ne lésinerait pas sur les moyens dans les heures qui ont suivi les attentats du 11-Septembre. Puis il a pris des décisions précises à la portée évidente, telle celle d’«oublier» les Conventions de Genève, qui interdisent la torture. Le rapport du Sénat n’en fait pas mystère, mais il assure parallèlement que le président n’a été informé qu’en avril 2006, au bout de quatre ans, de l’emploi de certaines «techniques d’interrogatoire renforcées».
Le vice-président de l’époque, Dick Cheney, a traité cette affirmation de mensonge. George Bush «savait tout ce qu’il devait et voulait savoir», a-t-il martelé. Avant de promettre qu’il n’avait jamais essayé de cacher quoi que ce soit à ce sujet à son supérieur.
L’enjeu est important, à l’heure où le risque de poursuites judiciaires s’est (légèrement) élevé. Il en va de la responsabilité des différents membres de la chaîne de commandement américaine. «La participation des donneurs d’ordre est plus difficile à établir que celle des simples exécutants», confie Philip Grant, directeur de l’association de lutte contre l’impunité Trial. Dans cette perspective, le rapport du Sénat est susceptible de jouer un rôle d’autant plus crucial qu’il éclaire les responsabilités les plus cachées.
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Un grand bravo a Madame Feinstein pour son courage,
certes elle a 81 ans et finit son mandat dans 15 jours, mais malgré tout elle a dit la vérité, elle a déchiré un coin du voile de probité dans lequel se drapent les dirigeants US.
Ce voile ne cache rien aux yeux des lecteurs de ce blog, lesquels savent la putréfaction morbide, les miasmes nauséabonds, et la deliquescence des chairs qui dégoulinent de ce suaire sur lequel fut imprimé LIBERTE, il y a bien longtemps…
Pour faire un pronostic judiciaire, (ce qui fut mon activité durant moult années), je dirais que ceci va tomber dans l’oubli, la veulerie des Procureurs va leur faire commettre par étourderie (évidemment) une ou deux fautes de Procédure irréparables, les banksters vont les récompenser de quelques aumones, et tout sera dit….
“Selon que vous soyez puissants ou misérables, la justice des hommes vous fera blanc ou noir.”
comme d’habitude !!!!
Hong Kong et l’Iran ( entre autre ) facilitent l’usage de la torture par la CIA .
Je croyais que c’étaient des ennemis ; m’aurait on menti ?
Les tortures se pratiquent généralement en temps de guerre. Cela nous mettrent la puce a l’oreille et nous apporter une confirmation de la vrai situation politique US. Se n’est choquant que si nous nous considérons en état de paix…
A reblogué ceci sur The international informant.