Art de la guerre monétaire et économique

Les emprunts d’Etat de plus en plus étranges (Andreas Höfert)/ Les rendements des obligations tombent au même niveau que pendant la peste noire/ BNS : Le chaos des taux d’intérêt négatifs

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 Les emprunts d’Etat de plus en plus étranges

Andreas Höfert (Chef économiste, UBS Wealth Management)/AGEFI SUISSE  21.04.2015

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Le marché obligataire semble faire l’objet d’une bulle. Difficile  à prédire car ce serait la première fois.

Autant il est difficile de repérer une bulle spéculative avant qu’elle n’éclate, autant il devient facile, avec le recul, de qualifier comme telle la frénésie qui précède son éclatement.

Voilà pourquoi de nombreuses banques centrales suivent la doctrine Greenspan, selon laquelle il n’est pas du rôle de la politique monétaire de dégonfler les bulles d’actifs en cours de formation. Les banques centrales sont uniquement là pour atténuer les dégâts et faire le ménage après l’éclatement.

Cela est malheureusement aujourd’hui d’autant plus vrai que, malgré les constantes dénégations des banquiers centraux (lire, par exemple, le blog de Ben Bernanke), je considère que les politiques monétaires actuelles ultra-laxistes sont, au moins en partie, responsables des cours extrêmement élevés et des faibles taux d’intérêt concomitants qui prévalent désormais sur les marchés des emprunts d’Etat.

Selon Citi Research, les achats d’actifs par les banques centrales pourraient être équivalents au volume total des émissions nettes d’actions et obligations (estimé à 1500 milliards d’USD) en 2015, une situation déjà observée en 2013. J.P. Morgan Asset Management a calculé que, vers la fin février 2015, 67% des 22 000 milliards d’USD d’emprunts d’Etat du monde développé offraient une rémunération inférieure aux taux d’inflation enregistrés dans les pays respectifs, autrement dit des taux d’intérêt réels négatifs.

En outre, 7%, ou 1540 milliards d’USD de l’encours des emprunts d’Etat du monde développé offraient des rendements nominaux négatifs. En d’autres termes, les investisseurs qui achètent ces obligations paient en réalité les Etats pour qu’ils gardent leur argent et ne reçoivent aucun revenu d’intérêt pendant une période spécifique. La  Suisse a émis un emprunt d’Etat à dix ans assorti d’un taux d’intérêt négatif, une première à l’échelle mondiale. Depuis l’abolition du taux de change plancher entre l’euro et le franc suisse le 15 janvier dernier, la courbe des rendements suisses évolue en terrain négatif jusqu’à l’échéance 16 ans.

L’Allemagne n’en est pas loin: elle a émis il y a un mois un emprunt d’Etat à cinq ans assorti d’un coupon négatif et ses rendements souverains à dix ans stationnent juste au-dessus de 0,1% et 70% des emprunts d’Etat allemands offrent des rendements nominaux négatifs.

Même les pays «problématiques», comme l’Espagne ou l’Italie, affichent des taux d’intérêt historiquement faibles. Et quand je dis «historiquement», je ne parle pas des cinquante dernières années. En Italie, les taux d’intérêt de la République de Gênes s’élevaient à 1,23% en 1664 et en 1665, un plus bas historique pour l’Italie.

Ce plancher a été percé le 10 mars dernier. Entre-temps, le rendement des emprunts d’Etat italiens à 10 ans a rebondi à 1,30%, un niveau qui reste très bas. Rappelons-nous qu’il s’agit là d’un pays qui affiche un ratio dette publique/PIB de 132%.

Les bulles spéculatives se nourrissent habituellement d’un optimisme ou d’un pessimisme extrême. Les bulles alimentées par l’optimisme sont celles qui reposent sur un discours valorisant l’inconnu. Les marchés émergents ou les nouvelles technologies y sont souvent sujets.

Les investisseurs cèdent souvent aux sirènes de l’Eldorado à l’autre bout du monde (depuis la bulle des Mers du Sud au 18e siècle jusqu’à la crise asiatique) ou à des Graal technologiques (depuis les canaux et les trains du 19e siècle jusqu’à la bulle Internet).

En revanche, les bulles alimentées par le pessimisme reposent sur un discours axé sur la rareté. Les matières premières et l’immobilier y sont particulièrement sujets. Les investisseurs ont souvent cru qu’une matière première donnée s’épuiserait ou qu’un marché immobilier concret ne pouvait que monter car tout le monde voulait vivre à cet endroit.

Aucun de ces discours n’explique la situation actuelle sur le marché des emprunts d’Etat. Ceux-ci ne sont ni exotiques ni une nouveauté, et donc sujets à une évaluation erronée liée au manque de connaissance. Ils ne sont pas rares non plus (même si certains gouvernements voudraient le faire croire).

Robert Shiller, lauréat du Prix Nobel d’économie, est l’un des rares économistes à avoir vraiment prédit aussi bien l’éclatement de la bulle Internet en l’an 2000 que la crise financière de 2007/2008. Récemment, il a écrit un éditorial intitulé «How scary is the bond market» (A quel point le marché obligataire est effrayant, à lire sur http://www.project-syndicate.org).

Sa conclusion, toute en sobriété, «pas trop» (effrayant), est cependant quelque peu contrebalancée par le paragraphe suivant: «Il est vrai que les rendements obligataires à long terme extraordinairement faibles nous privent du recul offert par l’Histoire. Mais il en irait de même en cas de krach soudain du marché obligataire qui entraînerait dans sa chute les actions et l’immobilier. Lorsqu’un événement ne s’est jamais produit, il est impossible de le prédire avec le moindre semblant de confiance.» Ma traduction de son propos: «Je suis incapable de prévoir le krach obligataire, mais vous aurez été prévenus!»

http://www.agefi.com/quotidien-agefi/forum-blogs/detail/edition/2015-04-21/article/le-marche-obligataire-semble-faire-lobjet-dune-bulle-difficile–a-predire-car-ce-serait-la-premiere-fois-396646.html?issueUID=832&pageUID=24848&cHash=0fb150da11d6144f010f2999e4bed450

Eternel Mexique: un exemple à suivre

PAR ANDREAS HÖFERT   Chef économiste, UBS Wealth Management/ Le Temps avril 2015

On connaissait la célèbre «armée mexicaine» (cinquante généraux pour un soldat) et la non moins fameuse sieste mexicaine (censée durer des heures). Comme nouvel exemple de l’extrême, il va falloir rajouter à ces clichés l’obligation mexicaine, celle qui dure une éternité, ou presque

On connaissait la célèbre «armée mexicaine» (cinquante généraux pour un soldat) et la non moins fameuse sieste mexicaine (censée durer des heures). Comme nouvel exemple de l’extrême, il va falloir rajouter à ces clichés l’obligation mexicaine, celle qui dure une éternité, ou presque.

En effet, le gouvernement mexicain a émis, il y a deux semaines, sa troisième obligation avec une durée de cent ans. La première était libellée en dollars. La deuxième en livres sterling. Cette nouvelle obligation l’est en euros. Rien que cela déjà interpelle.

Vingt ans après que le Mexique eut été sauvé, durant la crise Tequila, grâce à un prêt de 50 milliards de dollars octroyé par les Etats-Unis, voilà qu’à présent il arrive à emprunter en devises fortes avec des échéances extrêmes et à des taux très attractifs. Ainsi, l’obligation en euros s’est vendue avec un rendement de seulement 4%.

Quel est le risque pour le Mexique? En empruntant dans une devise différente de la sienne pour profiter de taux plus bas que les siens, le Mexique se voit confronté à une probabilité non négligeable: son peso pourrait se déprécier par rapport à la monnaie dans laquelle il emprunte. Ce qui rend le service de la dette exprimé en monnaie locale plus cher que ce qui était anticipé. C’est la dévaluation abrupte du peso en 1994 qui, à l’époque, avait précipité le Mexique dans la crise.

Cependant, le Mexique d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a vingt ans. Fermement embarqué dans des réformes structurelles, assis sur des réserves immenses de pétrole et de gaz de schiste, il pourrait bien, ces prochaines années, combler son retard par rapport aux pays plus développés.

L’histoire nous apprend que les pays émergents en rattrapage voient leurs monnaies s’apprécier par rapport aux nations industrialisées. Imaginons la perte de valeur exprimée en Deutsche Mark qu’un emprunt allemand de 1950 émis en dollars aurait aujourd’hui. Ou celle exprimée en dollars d’un emprunt américain émis en livres sterling en 1900.

A mon avis, ce n’est donc pas l’emprunteur qui prend ici le plus grand risque, mais bien le prêteur. Il y a cent ans, la Première Guerre mondiale battait son plein, suivie d’autres événements extrêmes tels que la Grande Dépression, la Deuxième Guerre mondiale ou l’inflation des années 1970.

Que se passera-t-il d’ici à cent ans? Sans compter que l’euro se débat depuis maintenant près de cinq ans dans des problèmes existentiels. Qui ose sérieusement parier que la monnaie unique sera encore là en 2115?

Comme le Mexique n’a eu aucune difficulté à placer son emprunt, il faut conclure qu’il y a actuellement une demande pour ce genre de papier. C’est pourquoi on peut recommander aux Etats de suivre l’exemple du Mexique. S’il y a des créditeurs suffisamment inconscients pour prêter à de telles échéances, les gouvernements devraient en profiter pour verrouiller à jamais des taux d’intérêt bas pour l’éternité.

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/61dc73bc-e6ba-11e4-94b8-e7cac4d21567/Eternel_Mexique_un_exemple_%C3%A0_suivre

Les rendements des obligations tombent au même niveau que pendant la peste noire

Phoenix Capital Gains, Pains and Capital/ 24hgold Publié le 22 avril 2015

Les banques centrales du monde, animées par leur folie keynésienne, sont responsables de la plus mauvaise allocation de capital de l’Histoire. 

C’est un fait qui n’est nulle part plus évident que sur le marché actuel des obligations. 

Ce qui suit vous semble-t-il normal ? 

  • 1)   A l’échelle globale, 45% des obligations gouvernementales ont un taux de rendement de moins d’un pourcent. 
  • 2)   Les obligations espagnoles et italiennes ont atteint des niveaux qui n’avaient pas été vus depuis la grande épidémie de peste noire. 
  • 3)   Les obligations allemandes offrent, jusqu’à huit ans, des rendements négatifs. 
  • 4)   Les bons du Trésor américain offrent des rendements qui n’avaient plus été vus depuis la dernière guerre mondiale.

 Le monde fait aujourd’hui face à beaucoup de problèmes. Il n’est donc pas étonnant que les rendements des obligations soient à la baisse. Mais ces problèmes ont-ils quelque chose à voir avec une épidémie qui a décimé un quart de la population européenne ou encore avec le plus gros conflit militaire de l’Histoire ? 

Le marché des obligations représente aujourd’hui plus de 100 trillions de dollars. Les plus grosses banques ont utilisé une petite portion de ces obligations (environ 10%) en tant que collatéral pour générer plus de 551 trillions de dollars de produits dérivés. 

La bulle est si importante que le Département du Trésor a envoyé des kits de survie aux plus grosses banques du pays, dans l’anticipation d’une crise. 

La Banque fédérale de New York augmente l’ampleur des opérations de sa succursale de Chicago en vue de se préparer à un désastre naturel ou un autre évènement susceptible de mettre fin à ses opérations de marché à l’approche d’une hausse des taux d’intérêt. 

Et puis il y a aussi les grosses banques… qui ont fait pression sur le Congrès pour qu’il fasse porter le poids leurs pertes futures en termes de portefeuilles de produits dérivés par les contribuables. 

La simple vérité, c’est que les banques centrales ont parié le système financier sur leurs théories académiques… et le système n’a pas répondu comme elles l’espéraient. La reprise économique actuelle est la plus faible enregistrée en plus de 80 ans – selon des données qui surestiment la croissance. 

Les recherches menées par la Fed montrent que ses programmes de QE n’ont fait baisser le taux de chômage que de 0,13%… malgré des dépenses allant jusqu’à 390.000 dollars par nouvel emploi créé depuis le début de la crise jusqu’à la fin proclamée de la récession. 

La BCE ne s’en sort pas mieux. Elle ne fait pas activement payer les déposants pour mettre de l’argent en dépôt. Un certain nombre de nations de l’Union européenne présentent des chiffres similaires à ceux de pays du Tiers-Monde. 

Et n’oublions pas la Banque du Japon… qui a récemment atteint un record à la hausse du nombre de Japonais recevant des aides sociales… et a vu l’indice de misère atteindre un record sur 33 ans (cette période inclue l’effondrement de la plus grosse bulle sur les actifs de l’histoire du Japon. Les gens sont plus misérables encore aujourd’hui). 

Le taux de pauvreté au Japon (ndlr: personnes qui gagnent moins de 1,2 million de yens par an, soit environ 9600 francs suisses) a augmenté régulièrement depuis des années. Il a atteint 16,1% en 2012, soit la plus récente donnée sur ce sujet. Le Japon occupait ainsi le 29e rang sur les 34 plus grandes nations et les Abenomics n’ont pas contribué à réduire les inégalités de revenus, bien au contraire. Ils se sont avant tout concentrés sur l’accroissement de la richesse des gens aisés et se sont montrés peu enclins à améliorer les conditions des personnes en situation de précarité. Les emplois temporaires et l’écart des salaires entre Tokyo et les régions ont augmenté. La situation n’est pas aussi grave qu’aux Etats-Unis, mais il faut se rappeler que le Japon ne connaissait pas de réel problème d’inégalité des revenus avant les années 80.

– Depuis quand l’inégalité des revenus s’est-elle creusée?

– Le taux de pauvreté dans la population a augmenté plus ou moins régulièrement depuis la moitié des années 80 au Japon, mais il est devenu beaucoup plus sérieux et visible après 2000. Durant la décennie perdue des années 90, tout le monde a souffert. Dès 2002, lorsque l’économie japonaise a cessé de décliner, les problèmes d’inégalité des revenus ont commencé à croître. Avec la globalisation, la concurrence s’est accrue. Les entreprises ont ciblé certains profils plus que d’autres. Les politiques salariales sont devenues très discriminatoires et les écarts de salaires ont augmenté parallèlement à la hausse des emplois temporaires.

Une autre crise approche. Et à en juger par les décisions prises par la Fed et les autres en vue de s’y préparer, elle sera pire encore que l’effondrement de 2008. 

Les investisseurs les plus avisés se préparent dès aujourd’hui.

http://www.24hgold.com/francais/actualite-or-argent-les-rendements-des-obligations-tombent-au-meme-niveau-que-pendant-la-peste-noire.aspx?contributor=Phoenix+Capital.&article=6742341450H11690&redirect=False

Taux d’intérêt négatifs sur les prêts immobiliers au Portugal, en Italie et en Espagne

Mish Global Economic Analysis/24hgold 29/4/15

La vaste majorité des prêts immobiliers au Portugal, et une grande partie des prêts immobiliers en Italie et en Espagne, sont liés à Euribor, le taux que les banques européennes doivent payer pour pouvoir s’emprunter les unes aux autres.

Si Euribor baisse suffisamment, les banques doivent rémunérer leurs emprunteurs. C’est ce qui se passe déjà en Espagne.

Voici un extrait de l’article du Wall Street Journal intitulé Tumbling Interest Rates in Europe Leaves Some Banks Owing Money on Loans to Borrowers : 

En Europe, la baisse des taux d’intérêt a placé certaines banques dans une position autrefois inconcevable : devoir de l’argent à leurs emprunteurs.

Au moins une banque espagnole, Bankinter SA, le septième plus gros créancier du pays en termes de valeur marchande, a récemment dû payer des intérêts à ses clients ayant contracté des prêts immobiliers auprès d’elle en déduisant cette somme du principal qu’ils lui doivent.

Les intérêts ont subi une chute brutale, parfois même jusqu’à devenir négatifs, depuis l’introduction l’année dernière par la Banque centrale européenne de mesures supposées relancer l’économie en zone euro, dont la réduction de ses propres taux de dépôt. En mars, la BCE a également lancé un programme de rachat d’obligations, ce qui a entraîné une chute des rendements de la dette de la zone euro dans l’espoir de stimuler les activités de prêt.

Dans certains pays comme l’Espagne, le Portugal et l’Italie, le taux d’intérêt de base utilisé pour de nombreux prêts, notamment les prêts immobiliers, et l’euro interbank offered rate, ou Euribor. Il est basé sur le taux que les banques européennes doivent payer pour s’emprunter les unes aux autres.

La banque centrale du Portugal a récemment réfuté l’idée que les banques aient à payer des intérêts sur les prêts existants si Euribor tombait en-dessous de zéro. La banque centrale a en revanche précisé que les créanciers seront libres de prendre des « mesures de précaution » dans le cadre de leurs futurs contrats. Plus de 90% des 2,3 millions de prêts immobiliers actifs au Portugal ont des taux variables liés à Euribor.

En Espagne, un porte-parole de la banque centrale a dit étudier la question. En Italie, des banquiers ont déclaré attendre les instructions de leur association bancaire locale, parce que leurs contrats de prêt ne mentionnent pas l’éventualité de taux négatifs.

En Espagne, Bankinter a été forcée de déduire des intérêts du principal dû par certains clients, parce qu’un taux d’intérêt lié à la devise suisse est passé en-dessous de zéro.

Le directeur d’une autre banque espagnole a annoncé avoir mis en place ces quelques derniers mois un taux d’intérêt plancher pour des milliers de prêts commerciaux de court terme liés aux variations d’Euribor sur le court terme. Le taux Euribor sur deux mois est à -0,004%. Pour ce qui concerne les nouveaux prêts, la banque augmente les frais imposés à ses clients au-delà du taux Euribor. 

Des centaines de milliers de prêts additionnels seraient affectés si le taux Euribor sur le court terme passait dans le rouge. Le taux sur six mois est actuellement de 0,078%.

Au Portugal, les taux d’intérêt sur une majorité des prêts sont liés à la moyenne mensuelle des taux Euribor sur trois et six mois. Les deux ont baissé à un rythme régulier et sont aujourd’hui juste au-dessus de zéro.

Des remboursements inconcevables 

BNS : Le chaos des taux d’intérêt négatifs

Par Mathilde Farine/ Le TEMPS 23/4/15

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La situation ne risque pas de se stabiliser rapidement. De nombreux analystes n’écartent plus l’hypothèse d’une plongée encore plus profonde des taux négatifs de la BNS
Il y a encore peu, les taux d’intérêt négatifs étaient une vue de l’esprit. Une sorte de menace brandie par les apprentis sorciers des banques centrales pour lutter contre le risque de déflation, l’appréciation excessive de certaines monnaies, etc. Tout en sachant pertinemment que l’utilisation d’un tel outil mènerait dans un nouveau monde financier dont certains contours restaient mystérieux et impossibles à anticiper.

Depuis près d’une année, les taux négatifs sont une réalité pour l’Europe. Face à une économie obstinément morose, la Banque centrale européenne (BCE) a fait passer son taux de dépôt à – 0,10% en juin dernier, afin d’inciter les banques qui y déposaient des fonds à les prêter à des acteurs privés. La Banque nationale suisse (BNS) a été plus radicale. D’abord en décembre, puis en janvier, l’institution a réduit son taux de référence à – 0,75%. A quelques rares exceptions près, ces expériences constituent des premières dans l’histoire des banques centrales.

Dans le cas de la BNS, le but est différent mais tout aussi simple: en ponctionnant les dépôts en francs, l’institution espère fait passer l’envie des investisseurs de placer leurs actifs dans la monnaie helvétique. Ainsi, elle cherche à empêcher son appréciation. A ce stade, il est difficile de parler de succès incontesté de la mesure. Après s’être stabilisé entre 1,05 et 1,10 franc pour un euro, le franc a repris ces derniers jours son ascension, passant en dessous de 1,03. Impossible de vraiment savoir si la BNS achète de l’euro pour empêcher une appréciation encore plus forte. Les indicateurs à disposition ne donnent pas l’impression d’une activité intense sur ce front-là.

Le choix d’imposer des taux négatifs commence à susciter la controverse. Non pas sur la décision elle-même – de l’avis général, il n’y avait guère d’autres possibilités –, mais sur son application. Dans ces colonnes, Yves Mirabaud, nouveau président de l’Association des banques privées suisses, expliquait qu’on applique «des taux négatifs aux seuls avoirs qui excèdent 20 fois les réserves minimales» (LT du 15 avril 2015). Or, c’est surtout le cas des banques spécialisées dans la gestion de fortune. Pour le banquier, «la logique voudrait que toutes les banques soient obligées de taxer leurs clients non domiciliés en Suisse. Que ceux-ci paient une prime s’ils entendent toujours pouvoir bénéficier du franc comme valeur refuge». Les résidents suisses, eux, seraient épargnés.

Loin d’aller dans son sens, la BNS a révisé ce mercredi la liste des bénéficiaires d’une exonération des taux négatifs. Résultat, les chanceux sont de moins en moins nombreux. Même «considérablement» moins nombreux, selon le communiqué de l’institution. Ainsi, cette forme de taxe sera prélevée sur les comptes de virement des entreprises proches de la Confédération (Publica, caisse de pension de la Confédération) à partir de 10 millions de francs. En outre, la BNS a décidé de clôturer les comptes des cantons de Genève et de Zurich, ainsi que de la Ville de Zurich, dont elle considère qu’ils «n’ont plus guère été utilisés depuis quelque temps et leurs titulaires ne font plus partie du champ d’activité de la Banque nationale». Enfin, l’institution ne s’épargne pas elle-même: elle prélèvera aussi un intérêt négatif sur le compte de sa propre caisse de pension. Exception: les comptes de virement de l’administration fédérale centrale et des fonds de compensation de l’AVS, de l’AI et des APG continueront de bénéficier de la dérogation.

A court terme, l’action a eu son petit effet sur la monnaie. Le franc s’est ainsi déprécié suite à l’annonce. A moyen terme, il est fort possible que les inquiétudes qui pèsent autour de la zone euro et le risque d’une sortie de la Grèce aient raison de cet assouplissement. Si Athènes et ses créanciers échouent dans leurs négociations, les investisseurs se réfugieront à nouveau dans le franc.

Pour la Suisse, l’entrée en vigueur des taux négatifs a une série de conséquences. Les caisses de pension, désormais ponctionnées – certaines l’étaient déjà sur des avoirs déposés dans des banques, suivant la politique de ces dernières – vont être incitées à prendre davantage de risques. Ce d’autant que les obligations souveraines dans lesquelles elles investissent largement offrent des rendements négatifs. Peut-être moins négatifs que les taux infligés par la BNS, mais négatifs quand même. La dette à 10 ans de la Confédération suisse a vu son taux d’intérêt passer dans le rouge au mois d’avril, il est aujourd’hui à – 0,189%. Les investisseurs doivent ainsi se tourner vers les actions, dont la hausse substantielle depuis le début de l’année fait craindre une bulle.

La situation ne va cependant pas se stabiliser rapidement. De nombreux analystes n’écartent plus l’hypothèse d’une plongée encore plus profonde des taux négatifs. La BNS pourrait le décider lors de sa prochaine réunion le 18 juin. Voire même avant.

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/7808ea18-e91b-11e4-a4c3-0255b4a09538/Le_chaos_des_taux_dint%C3%A9r%C3%AAt_n%C3%A9gatifs

Peter Bernholz propose un taux de 1,14 franc avec l’euro et 1,0 avec le dollar

PAR EMMANUEL GARESSUS/ Le Temps 4/5/15

Peter Bernholz propose un taux fixe avec l’euro et le dollar L’ex-professeur d’économie Peter Bernholz, l’un des plus grands experts monétaires en Suisse, qualifie la situation de «dramatique». Il propose l’introduction du taux fixe avec un panier de deux monnaies, l’euro à 1,14 franc et le dollar à 1,0 franc, puis investir non en titres d’Etat mais en actions et immobiliers étrangers

«La situation de l’économie suisse est dramatique et le site de production menacé par la suppression du cours plancher. Le danger est encore accru, surtout pour les PME, par l’initiation insensée sur l’impôt de succession», explique Peter Bernholz, ex-professeur d’économie à l’Université de Bâle et l’un des plus grands experts monétaires du pays. Dans une tribune parue dans la Basler Zeitung de lundi, l’économiste estime que le dilemme de la Suisse réside moins dans la BNS elle-même que «dans l’exercice raté de politique de taux zéro et d’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale et, récemment, de la BCE».

La question pour la Suisse est aujourd’hui de «savoir si les réserves de devises doivent dépasser 100% du PIB ou s’il faut risquer la délocalisation de l’industrie et une chute du tourisme, avec les effets sociaux correspondants», écrit le professeur.

De l’avis de Peter Bernholz, il ne «s’agit pas d’une hausse temporaire du franc par rapport à l’euro. L’histoire montre qu’un écart de 30% par rapport à la parité du pouvoir d’achat peut aller jusqu’à 30% et l’écart peut persister plusieurs années». L’expérience des années 1970 avec le mark allemand le confirme.

L’alternative à la politique actuelle de la BNS existe, selon l’économiste. Peter Bernholz propose l’introduction d’un taux fixe avec l’euro et le dollar, le premier à 1,14 franc et le second à 1,0 franc. La BNS fixerait donc un prix par rapport à un panier de deux monnaies. Il en résulterait un cours moyen de 1,07 franc que «la BNS défendrait à tout prix et pourrait défendre à tout prix».

Le risque d’une hausse des réserves de devises n’est pas dérisoire si l’on se rappelle l’expérience des derniers mois. Peter Bernholz propose donc à la BNS de ne pas accumuler des obligations mais «des valeurs réelles étrangères (actions, immobilier) et de l’or». Cette stratégie conduit à «ne pas craindre de perte de valeur à long terme».

L’ex-professeur ajoute que la Chine, la Norvège et les Etats du Moyen-Orient pratiquent déjà une telle politique d’accumulation de valeurs réelles.

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/f79b7e6a-f232-11e4-bb1f-074820583190/Peter_Bernholz_propose_un_taux_de_114_franc_avec_leuro_et_10_avec_le_dollar

«Les taux négatifs sont l’expression d’une politique monétaire insensée»

PAR PROPOS RECUEILLIS PAR Y. H./ Le Temps 4/5/15

Kurt Schiltknecht, ancien chef économiste de la BNS, est très critique envers la mesure prise pour stopper l’appréciation du franc. Il pense que la banque centrale va profiter de la première occasion pour abandonner les taux négatifs

Le Temps: La semaine dernière, la Banque nationale suisse (BNS) a affirmé que les taux négatifs n’allaient pas devenir la norme. Si cette situation devait durer, quelles en seraient les conséquences?

Kurt Schiltknecht: Les taux négatifs sont une mauvaise chose. C’est une mesure qui contrevient aux principes de l’économie de marché. Les taux négatifs représentent une forme d’impôt prélevé sur les dépôts. On peut espérer que la BNS renonce aux taux négatifs dès que possible.

– Le faible niveau des taux est toutefois une tendance générale qui ne se limite pas à la Suisse. La Pologne vient par exemple de placer sur le marché plus d’un demi-milliard d’obligations en francs avec un coupon de 0% mardi. La tendance à la baisse des rendements obligataires ne constitue-t-elle pas le véritable problème, plutôt que les taux négatifs?

– Cette tendance ne concerne bien sûr pas que la Suisse. Elle est l’expression d’une politique monétaire insensée pratiquée sur le plan mondial. Le fait que des investisseurs acceptent d’acheter des titres avec un rendement négatif est aussi la conséquence de la réglementation. Celle-ci contraint certaines institutions à détenir telle ou telle catégorie de titres constituant une certaine partie de leur bilan. Et si un investisseur veut simplement garder du cash, il doit encore payer des taux négatifs de surcroît. Bref, il s’agit d’une situation artificielle. En effet, si un investisseur a des attentes positives concernant l’évolution de l’économie mondiale, il ne devrait pas accepter des taux négatifs. Vous ne confiez pas de l’argent à des tiers pour en recevoir moins ensuite!

– Avec les taux négatifs, le loyer de l’argent perd sa fonction de signal pour les investisseurs, s’inquiètent certains économistes. Est-ce un risque important?

– Oui, bien sûr. Les taux zéro ou négatifs mettent hors-jeu l’ensemble de l’économie de marché. C’est un grand danger pour l’équilibre du système. Cela conduit à des erreurs d’allocations d’actifs dans beaucoup de domaines. Si l’on observe les rendements des obligations d’Etat, la politique de rachat d’actifs poursuivie par la BCE et la Réserve fédérale américaine a, non seulement, conduit à rendre l’emprunt bon marché mais, en plus, ces titres bénéficient d’une forme garantie des banques centrales. Cela crée de nouvelles distorsions sur le marché.

– Avec quelles conséquences?

– Face aux rendements nuls ou négatifs des obligations, les investisseurs se précipitent sur les actions offrant des dividendes élevés, ce qui créée de nouvelles bulles financières qui sont, elles, susceptibles de déstabiliser à leur tour les marchés et l’économie. Dans ce cas, les banques centrales devront à nouveau intervenir. La politique monétaire extrêmement expansive menée par la Fed et la BCE provoquera à nouveau de l’instabilité. En outre, les taux très bas des emprunts n’incitent pas à réduire l’endettement des Etats. Ce problème va ressurgir lorsque les taux remonteront.

– Si la BNS abandonne les taux négatifs, procédera-t-elle d’un seul coup ou par étapes?

– Je m’attends plutôt à un retrait graduel. Toutefois, tout dépend de l’évolution de la situation. Sur le marché des devises, les choses peuvent évoluer très vite.

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/bde84eb4-f1ba-11e4-8a43-4ad205b10b56/Les_taux_n%C3%A9gatifs_sont_lexpression_dune_politique_mon%C3%A9taire_insens%C3%A9e

4 réponses »

  1. 1- La Grèce est en faillite.

    2- Les banques privées grecques sont en faillite.

    3- La banque centrale de Grèce est en faillite.

    4- Mais à part ça, ça va.

    Mercredi 6 mai 2015 :

    Grèce : la BCE relève d’encore 2 milliards d’euros le plafond de l’ELA.

    La Banque centrale européenne (BCE) a encore relevé mercredi, de 2 milliards d’euros, le plafond de son financement d’urgence (ELA) des banques grecques, portant désormais celui-ci à 78,9 milliards d’euros, a-t-on appris de source bancaire grecque.

    Selon les chiffres de la Banque de Grèce, ménages et entreprises ont retiré un total de 26,807 milliards d’euros en quatre mois des banques grecques. Fin mars, les dépôts privés s’y montaient à 138,55 milliards d’euros, au plus bas depuis février 2005.

    Et selon les premiers chiffres connus pour avril, la tendance au retrait des capitaux a repris de plus belle.

    http://www.romandie.com/news/Grece-la-BCE-releve-dencore-2-milliards-deuros-le-plafond-de-lELA/591050.rom

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