1984

Douce France : Les électeurs de Fillon voteront-ils ou non Marine Le Pen au second tour?

Quel choix les électeurs de Fillon feront-ils si leur candidat n’est pas présent au second tour et si leur choix doit ou non se porter sur Marine Le Pen? Cet article offre une sorte de micro-trottoir sur le sujet, qui conclut à une forte indécision…

Petit souvenir d’Alsace

Après ma soirée en Alsace, j’ai interrogé deux personnes qui avaient assisté à ma conférence. Ces deux quidam avaient eu des fonctions de chefs d’entreprise dans la région, mais étaient désormais retraités. Tous les deux ont manifesté la même gêne vis-à-vis du candidat républicain, en assurant immédiatement que les affaires n’auraient pas d’impact sur leur vote. Unanimement, l’ambition économique et réformatrice du programme de Fillon a justifié à leurs yeux une absolution, ou en tout cas une indulgence vis-à-vis des faits évoqués dans la presse.

En grattant un peu, on pouvait quand même comprendre que l’idée de recevoir des costumes gratuits offerts par Robert Bourgi en plein Pénelopegate les a désarçonnés. Paradoxalement, on peut penser que cette affaire des costumes les a plus perturbés que les affaires de Pénélope.

Sur le fond, ces électeur « naturels » et convaincus donnaient peu de chance à leur candidat de passer le cap du premier tour. Je les ai sentis réservés sur la possibilité ou non de voter Marine Le Pen au second tour.

La vraie impopularité de Marine Le Pen dans l’électorat gaulliste traditionnel

Une discussion au fil de l’eau avec une nonagénaire bon pied bon oeil, bourgeoise parisienne lectrice du Figaro Magazine m’a révélé une dimension plutôt inattendue: l’impopularité profonde de Marine Le Pen dans l’univers gaulliste traditionnel. La présidente du Front National est jugée trop « carnassière ». Le mot dit bien toute la profondeur du ressenti gaullien face à la famille nationaliste, et toute la difficulté de la dédiabolisation du Front National.

Selon toute vraisemblance, une absence de François Fillon au second tour conduira cet électorat à l’abstention… À bon entendeur…

Les milieux économiques profondément divisés

Dans les milieux économiques, le doute est beaucoup plus profond, et d’autant plus compliqué à dissiper que l’aveu d’un vote Le Pen reste encore très souvent un tabou.

Dans cet univers, quatre groupes se distinguent.

Il y a d’abord ceux que l’affaire du Penelopegate a immédiatement écoeurés. Ceux-là ont rejoint, avec armes et bagages et depuis plusieurs semaines, Emmanuel Macron. Ce dernier les rassure en partie par sa proximité avec le grand capital, et son style « nouveau » séduit.

Parmi ceux qui sont restés fidèles à Fillon, la perspective d’un second tour Macron-Le Pen divise.

Certains se sentent plutôt proches d’Emmanuel Macron même si les flous programmatiques du candidat et les ralliements massifs du Parti Socialiste les gênent. Ils voient bien qu’il y a du hollandisme en Macron, mais l’aspect « moderne » du personnage tempère leur réticence. C’est au fond l’homme du moindre mal et, là encore, sa proximité avec les milieux d’affaires rassure.

D’autres seraient prêts à voter Marine Le Pen, même si ce choix reste encore dissimulé par souci des convenances. Cette inclination est surtout marquée dans l’aile catholique traditionnelle, de goût plutôt royaliste et méfiante vis-à-vis de la tradition gaullienne. Mais on y trouve un certain nombre de décideurs exaspérés par l’étranglement fiscal en cours et convaincus que le Front National constituera un électrochoc salutaire.

Un dernier lot dont les proportions sont encore mal connues se réfugiera probablement dans une abstention résignée, pour ainsi dire mélancolique. Mais leur rejet du Front National est aussi fort que leur rejet du macronisme.

Une masse variable de votes Le Pen selon les hypothèses du deuxième tour

Pour l’instant, le recours à l’abstention est surtout évalué selon l’hypothèse d’un deuxième tour Macron-Le Pen, largement « fabriqué » par les medias. Une approche du pays réel laisse plus dubitatif sur l’ampleur réel du vote Macron, et rien n’exclut que Fillon soit au second tour. Pour l’instant, toutefois, ses soutiens peuvent lui faire le reproche de trop répondre au dénigrement dont il est l’objet et de ne pas porter assez clairement les réformes qu’il propose.

Dans les autres hypothèses – celle où ni Macron, ni Fillon, ne passeraient le cap du premier tour, le poids de l’abstention ou du vote Le Pen seraient probablement à réévaluer. Ainsi, dans le cas de figure d’un second tour Hamon-Le Pen ou Mélenchon-Le Pen, il est probable que le poids de l’abstention grossirait du fait de l’absence de Macron, et que le report de voix en faveur de Marine Le Pen serait parallèlement plus net.

Pour le Front National, l’hypothèse d’un second tour avec Mélenchon constituerait donc une aubaine…

http://eric-verhaeghe.entreprise.news/2017/03/30/les-electeurs-de-fillon-voteront-ils-ou-non-marine-le-pen-au-second-tour/

Marine Le Pen renoncera-t-elle à sortir de l’euro pour être élue? 

Il suffisait de voir le discours de Marine Le Pen à Lille ce dimanche pour flairer le danger qu’elle représente pour les autres candidats. Avec évidence, elle « est dans » l’exercice et se positionne déjà dans la prise de pouvoir. Sa rhétorique est victorieuse et s’adresse habilement à tous les courants de l’opinion qu’elle est susceptible de mobiliser. Entre les messages envoyés aux indépendants, les ovations réservées à nos soldats et les appels à la grandeur retrouvée de la France, la présidente du Front National continue son travail de présence quasi-psychique auprès de toutes les zones refoulées d’un narcissisme français meurtri depuis plusieurs décennies par un discours européiste.

La perspective grandissante d’une victoire du Front National

Si, à Paris, la résistance à Marine Le Pen reste forte, l’adhésion n’en est que plus forte dans le reste de la France. Beaucoup de Français interprètent en effet la réaction nobiliaire que nous vivons comme une réaction parisienne à la décentralisation. Plus les Parisiens résistent au Front National, plus les provinciaux ont la conviction que Marine Le Pen claquera le beignet des aristocrates qui les oppriment.

C’est d’ailleurs ici que se trouve le tour de force de la présidente du Front National. Cette Parisienne de naissance, héritière et représentante des banlieues les plus chics est parvenue à incarner la France abandonnée. Elle peut chaleureusement dire merci à tous ceux qui la diabolisent, elle et sa famille, depuis des années. Sans ce rejet constant, son rôle de composition aurait été beaucoup plus difficile à jouer…

Il n’en reste pas moins qu’on la sent bien monter, cette vague de deuxième tour qui emportera sur son passage les ultimes réticences à une stratégie de rupture.

Qui Marine Le Pen peut-elle fédérer?

Dans la pratique, Marine Le Pen est en effet susceptible de fédérer trois types de population dont la conjonction a toutes les chances de la mettre en tête du premier tour.

Un premier groupe rassemble les frontistes convaincus, les « éternels », déjà fidèles à son père. Ceux-là sont les nationalistes ordinaires, globalement hostiles à l’immigration et partisans d’un retour à un ordre moral traditionnel. Très souvent, ils sont rejoints par les laissés-pour-compte de la révolution numérique et de la « mondialisation », ce monstre à plusieurs têtes que personne n’a véritablement vu, mais qui nourrit tous les relents nostalgiques.

Un deuxième groupe ne se reconnaît pas dans cette révolution morale, mais appelle de ses voeux à une stratégie de rupture politique profonde. Ceux-là pensent, pour des raisons circonstancielles, qu’il faut sortir de l’euro, voire de l’Europe, et qu’il faut un bon coup de dégagisme pour remettre le pays en ordre.

Un troisième groupe est plus hypothétique. Il rassemble, pour aller vite, tous ceux qui parient sur un épuisement de la Vè République, qui appellent de leurs voeux à un renouveau, mais qui sont indécis vis-à-vis des propositions économiques de Marine Le Pen. Pour cette frange de l’opinion, les recettes du Front National sont loin d’être une tasse de thé, mais l’exaspération vis-à-vis des institutions est telle que le vote Front National peut paraître le vote utile.

En revanche, pour une part importante de ces derniers, Marine Le Pen continue à proposer des solutions qui sont de véritables épouvantails.

Quelle stratégie pour Marine Le Pen au premier tour?

Pour Marine Le Pen, ce rassemblement de voix est une gageure. Il suppose de ne pas se tromper dans l’ordre des opérations.

Au premier chef, la présidente du Front National a besoin de rassembler son noyau dur. De ce point de vue, ses propositions sur l’Europe, d’ailleurs postées en numéro un dans le programme, sont essentielles et emblématiques. C’est avec elles que Marine Le Pen compte bien acquérir son ticket pour le deuxième tour. Le pari qui est fait ici est de fédérer l’euroscepticisme comme d’autres l’ont réussi en Europe, notamment UKIP en Grande-Bretagne.

Pour y parvenir, Marine Le Pen a structurellement besoin d’ossifier son discours anti-communautaire. On notera toutefois que, dans ses engagements présidentiels, elle demeure relativement évasive:

Retrouver notre liberté et la maîtrise de notre destin en restituant au peuple français sa souveraineté (monétaire, législative, territoriale, économique). Pour cela, une négociation sera engagée avec nos partenaires européens suivie d’un référendum sur notre appartenance à l’Union européenne. L’objectif est de parvenir à un projet européen respectueux de l’indépendance de la France, des souverainetés nationales et qui serve les intérêts des peuples.

On notera que la proposition est celle d’une négociation précédant un referendum qui pourrait déboucher sur un Frexit. Voilà qui donne de beaux gages à ses troupes historiques, sans insulter une inflexion future.

Quelle stratégie au second tour?

Dans l’hypothèse (probable) où Marine Le Pen obtiendrait son ticket pour le deuxième tour, commenceraient pour elle deux semaines folles où elle aurait à rassembler au-delà de son camp sans fâcher (complètement) son camp. Dans la pratique, elle devra rassembler les voix portées sur les candidats « divers droite » (Dupont-Aignan, Asselineau), soit un probable 5 ou 6%, peut-être un peu plus si un premier report s’effectue de Fillon vers Dupont-Aignan.

Si Marine Le Pen obtient 25% au premier tour, elle peut donc espérer flirter autour des 32% au second tour sans effort. Si Mélenchon n’est pas qualifié, elle pourra là encore bénéficier d’un report de quelques points venant de son camp. Bref, dans une fourchette haute (mais réaliste), Marine Le Pen pourrait alors compter sur un réservoir « naturel » d’environ 38% des voix.

Il lui resterait alors à viser une fourchette de 12 à 16 points venant des Républicains, soit une part importante de ceux-ci. L’enjeu consistera alors à opérer une inflexion du discours et des propositions en direction de l’électorat coeur de François Fillon.

Les obstacles à cette stratégie

Pour Marine Le Pen, la situation sera délicate, dans la mesure où elle devra opérer un retournement idéologique en tendant la main à un électorat massivement libéral et bien décidé à diminuer les dépenses publiques. Surtout, ce segment d’électeurs n’est pas forcément animé de sentiments très heureux vis-à-vis de l’Allemagne ou du capitalisme à l’anglo-saxonne, mais il est attaché aux réformes de structure et ne tient pas particulièrement à sortir de l’Union Européenne. Pour ceux-là, le discours anti-euro de Marine Le Pen risque d’être une pierre d’achoppement.

Dans ces conditions, la présidente du Front National n’aura guère le choix: elle devra tendre la main pour les faire venir à elle. Le bon sens consistera alors à annoncer une alliance de gouvernement avec les Républicains, à partir d’une plate-forme programmatique incluant le renoncement à la sortie de l’euro. Ce virage à 180° sera la condition de la prise de pouvoir, avec, probablement, des zakouskis monétaires destinés à rassurer ses propres troupes.

Le programme de Marine Le Pen prêt pour ce retournement

De façon astucieuse, la façon dont les engagements présidentiels de Marine Le Pen permettent de façon assez subtile d’imaginer un retournement de ce genre. Sur la question européenne, Marine Le Pen ne s’est fixé aucune obligation de réussite. Le moment venu, rien ne l’empêchera donc de proposer un maintien lâche dans l’Union et la zone euro, sous réserve que les contraintes budgétaires soient assouplies.

Mais tout cela, évidemment, n’a de sens que si et seulement si Marine Le Pen atteint le second tour et ne d’oppose pas à un candidat républicain.

http://eric-verhaeghe.entreprise.news/2017/03/26/marine-le-pen-renoncera-t-elle-a-sortir-de-leuro-pour-etre-elue/

2 réponses »

  1. Bien sûr qu’une bonne partie de l’électorat de Fillon votera Marine au second tour….et même dès le 1er tour !!

  2. Je renvoie à mes 2 articles sur le sujet ou selon ma théorie Lepen devrait atteindre le 2ème tour et gagner.
    https://leblogalupus.com/2017/01/22/le-grand-tournant-de-lhistoire-par-master-t/ : « Lepen-Macron, voilà une belle lutte qui renverra nos fidèles spectateurs de la série des primaires droite/gauche au stade d’une grotesque perte de temps. Si j’osais caricaturer cette situation pré-élective, pire cauchemar à l’alternance bicéphale des connivents habituels, on pourrait parier sur la victoire de Lepen, Macron empruntant quelques qualités héritées d’Hillary C, à savoir : libre-échangiste notoire, immigrationniste forcené, medefomaniaque… bref, le baygon incarné du peuple, par excellence, et pas seulement destiné aux parasites assistés puisque son spectre délétère va bien au-delà. »

    https://leblogalupus.com/2017/03/21/lheritage-de-david-rockefeller-loligarchie-mondiale-toute-puissante-poursuit-elle-loeuvre-du-maitre-du-chaos-pour-instaurer-un-nouvel-ordre-mondial-par-master-t/
    « J’avais expliqué, avant la fameuse affaire « pénélope-gate », que Fillon n’accèderait pas au 2ème tour… et que ce serait un final Le Pen-Macron avec comme vainqueur – non pas le bouffon de chez Rothschild –qui n’est, j’insiste, qu’un pion pour affaiblir la gauche et la droite et les mettre hors-course- mais bien une Le Pen caméléon qui achèvera finalement de trouer irrémédiablement la coque rouillée et déjà perforée du gros rafiot européen… »

    Le souverainisme est l’anti-thèse du mondialisme. Le mondialisme sécrète une combinaison de venins dont j’ai eu l’occasion, sur ce site, d’en citer de nombreux dont les plus emblématiques étaient le sans-frontiérisme, le libre-échangisme intégral et donc désintégrateur, le collectivisme par le processus planificateur des identités au profit d’un « homo-économicus » décérébré puisqu’à la fois conditionné dans l’Avoir et l’instant présent et rendu avec son soutien volontaire ou non, totalement transparent et nu pour le big-data… Mais surtout, car là est l’enjeu universel, l’Etre en mutation se voit transhumanisé dans la 1ère étape générationnelle de cette contamination prométhéenne, promis dans une génération future -celle de nos enfants ou petits enfants- à être largué par une élite cléricale aux airs de « race de seigneurs » qui saura tirer les pleins pouvoir de son hybridation avec la machine, l’intelligence artificielle et les applications du monde nanoparticulaire.

    Le Neandertal de demain c’est encore l’Humanité malgré tout présente qui sera confronté à son Cro-Magnon cybernétique… L’une effacera l’autre quand le 2nd aura prouvé son inutilité sur cette Terre devenue alors leur propriété exclusive… La dépopulation pourra alors trouver son alibi dans ce trou d’efficacité que constitue le rendement décroissant Humain dans une société toute acquise au technologisme productif marqué du sceau d’un pragmatisme froid et dont le calcul alchimique ne vise plus la « transsubstantiation » spirituelle de l’Etre par la transcendance mais par le recours fondateur de l’Hybris… La chute finale de l’Humanité transhumanisée nous est promise dans l’extinction des civilisations ce qui fait leurs diversités, leurs frontières et leurs cultures car nulle civilisation ne saurait exister seule si au contraire elle n’était plurielle, or, les mondialistes rêvent de toutes les effacer et de n’en constituer qu’une… celle du Néant.

    La bataille nationale (et bientot étendue aux autres nations?) qui s’engage actuellement dépasse largement le cadre cognitif de ce à quoi l’on s’attend traditionnellement d’une élection politique. C’est une bataille eschatologique doublée de son contexte fondamentalement Humain qui questionne la survie de l’Espèce: c’est ainsi une bataille ontologique monumentale telle une « KATASTROPHE » qui arrive dans son sens grec de «renversement, retournement, bouleversement»
    La guerre que nous livre le Système est une guerre de « renversement » elle est intestine, sournoise et silencieuse. Elle métastase l’Humanité par l’incorporation de nouveaux outils qui sont certes, à certains égards, porteurs de vrais bénéfices mais qui fournissent en contre-partie de rendre addictif tous ceux qu’elle persuade (en les séduisant, puis, en orientant notre pleine attention elle nous rend captif sans qu’aucune alarme naturelle ne s’allume dans nos esprits… l’instinct du danger, de survie, semble alors complètement annihilé).

    Nous devons faire passer le message que la résistance active passe par la connaissance et la constitution de savoirs. L’échelle de Jacob nous oblige à lever la tête, certainement pas à la baisser sur notre portable à la recherche de je ne sais quel pokémon virtuel et euphorisant.

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