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La Généalogie contre la moraline Par Michel Onfray

Michel Onfray Le 29 AOUT 2019

Yann Moix a été un enfant battu: c’est son père qui le dit… Peut-on au moins construire un raisonnement sur cette seule information validée par tous: le père, le frère et l’auteur? Car, des questions du genre: Orléans est-il un roman ou un récit? Est-ce l’invention du fils selon le père sinon la mémoire sublimée d’un écrivain selon le lecteur ou le critique littéraire? A-t-on affaire à une victime autoproclamée ou à un bourreau caché et sournois? L’homme à abattre est-il à l’origine d’une bande dessinée antisémite et négationniste, ou était-il alors seulement désireux de plaire aux tenants de l’humour d’Hara-Kiri pour obtenir une reconnaissance parisienne? Toutes ces questions ne sont jamais que des variations sur un seul et même thème: Yann Moix a été un enfant battu.

Je m’explique.

Dans l’absolu, l’enfant fait partie des causes perdues, il y a pour cela une bonne et simple raison: il ne vote pas. C’est donc un citoyen en dehors de la cité, qui n’a théoriquement pas droit de cité, c’est justement le mot, que par ses parents qui, dans la configuration des mauvais traitements, sont partie prenante de son exclusion et de la cité et de l’humanité.

Or: un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents. Précisons que, dans le mot « parent », se trouvent un père et une mère, un homme et une femme donc, parfois des frères et des sœurs silencieux, donc complices. Et encore ce chiffre ne concerne pas les meurtres de nouveaux nés jamais déclarés, les disparations d’enfants jamais dénoncées par leurs parents, et pour cause, les bébés secoués enterrés au fond du jardin ou placés dans un congélateur. Et ce sont ici les parents, autrement dit, enfonçons le clou, le père et la mère, donc un homme et une femme, qui tuent leur progéniture.

Mais cette évidence ne convient pas à notre époque binaire qui charge les hommes, tous les hommes, et épargne les femmes, toutes les femmes. Or l’affaire Moix est une équation à une inconnue: la mère.

Elle n’a rien dit dans la presse alors que, dans Orléans, le père qui frappe son fils sans retenue s’entend dire par sa femme qu’il lui faut modérer sa brutalité sinon il va finir par le tuer! Cet homme dont on sait depuis ce déballage médiatique qu’il est kinésithérapeute et se prénomme José, lui répond: « n’est-ce pas ce que tu veux? » Mais, elle: quel est son petit nom? Comment se prénomme cette femme qui a deux fils dont un, selon la confidence faite au père, dont elle voudrait tant se débarrasser? Peut-on dire, a t-on le droit de dire qu’une mère puisse vouloir la mort de son fils?  Qu’une femme, donc, puisse souhaiter la destruction de son enfant?

Que peut faire un enfant du reste de sa vie à partir du moment où il apprend que sa mère n’en a pas voulu et, ou, que son père n’en a pas voulu non plus – même lors de divorces? Ou bien qu’elle n’en veut plus? Qu’elle en souhaite la disparation comme d’une faute, d’une erreur, d’un péché, d’une bêtise? Comment vivre quand, comme je l’ai entendu plusieurs fois dans ma vie, des parents ont dit de leur enfant, en leur présence, qu’il était un accident? J’ai entendu une fois: « pour ne pas tacher les draps de l’hôtel »…

Que des mères tuent, violent leurs enfants, laissent faire ceux qui le violent ou qui les tuent, est une évidence avec laquelle il faut compter. C’est une donnée de la nature humaine, mais en nos temps nihilistes, la bêtise à front de taureau a décrété la nature humaine nulle et non avenue.

Cette mère dont on ignore le prénom, qui ne frappe pas mais fait frapper, laisse frapper, qui participe à l’humiliation de son fils, en sa présence ou en son absence, qui rit à gorge déployée de la lecture des textes de son jeune fils effectuée par son mari dans une soirée de la bourgeoisie orléanaise, cette mère qui ne parle pas dans la presse quotidienne régionale au contraire de « José » et « d’Alexandre », c’est elle qui a dit au père que, ce qu’elle veut, c’est rayer de la carte le nom de son premier fils.

Que se passe-t-il dans la tête l’enfant lors de la nuit blanche après qu’il a appris de la voix de son père que sa propre mère avait en tête le désir d’en effacer l’existence? Un destin.

Et ce destin, c’est le sujet d’Orléans. Du moins, ce texte propose une esquisse de la généalogie de ce destin.

J’ai lu ce livre aux premières heures de sa sortie d’imprimerie. Voici ce que j’avais alors écrit :

LE SEXE, LE SANG, LA MORT

 

Orléans est un origami à pliage simple bien que complexe. Un recto, Dedans, un verso, Dehors, pour une même feuille qui est une variation sur le thème de la Comédie humaine. Ce livre est un roman d’humiliation comme il existe des romans d’initiation. Mais c’est un roman d’initiation à l’humiliation. Pour qui veut comprendre le dehors et le dedans de Yann Moix, ce livre est une leçon d’anatomie exercée à vif sur lui-même par son auteur.

De ce livre suintent toutes les secrétions du corps, de son corps: le sang que font couler ses parents qui le frappent, les excréments que l’enfant lâche par terreur dans le fond de son pantalon, les larmes qui accompagnent les exercices sadiques de ces géniteurs fous, la salive des crachats perpétuellement jetés par père et mère au visage de leurs fils, le sperme qui lave le tout comme une substance lustrale et qui sert à autant de Jubilations vers le ciel – le titre du premier livre de Yann Moix dans le dessein désespéré de ne pas plonger plus encore dans l’enfer où ses parents cherchent sans cesse à le noyer.

On n’imagine pas ce que des parents peuvent infliger de haine, de mépris, de coups, de supplices, d’humiliation à leur enfant! Ou plutôt: on n’imagine pas ce que cet homme qui est médecin à Orléans et sa femme, complice en tout, sont capables de faire endurer à leur fils dont la faute semble juste d’exister! Une faute irrémissible comme on s’en doute. Car, comment faire qu’on ne soit plus puisque n’être plus serait encore trop car le crime est d’avoir été? La faute est dans l’être. Or, le non-être n’est pas possible puisque pareille négation constitue une affirmation suprême d’être. Cauchemar existentiel, terreur ontologique…

On sait ce que l’homme peut faire à l’homme: des tragiques grecs aux récits concentrationnaires, tout a été dit. Mais la rubrique des violences que les parents infligent à leur enfant, voilà une partie de la littérature qui surclasse tout.

Orléans est présenté comme un roman et non comme un récit. Mais on ne peut imaginer que ce roman ne soit pas un récit. Celui qui ici dit « Je » semble à l’évidence celui qui a été frappé avec des fils électriques transformés en fouet avec leurs prises blessant comme des boulets d’une massue; qui a été abandonné la nuit en forêt en pyjama comme un chien qu’on veut perdre; à qui on a fait manger ses excréments accumulés dans des slips roulés en boule et cachés sous un lit; qu’on a enfermé dans une cave ou dans un garage pendant un week-end sans nourriture; qu’on a défenestré à force de coups; qu’on a insulté: « mon con » ou bien encore « enculé » disait sa mère; qu’on a couvert de crachats; qu’on a frappé au sang; qu’on a conduit à l’école en pyjama, à jeun, afin de l’humilier devant ses camarades de classe, ce à quoi l’instituteur collabore avec une complaisance non feinte.

Ces bourreaux ne se sont pas contentés d’attaquer le corps et la chair, d’une certaine manière, ce n’eut été que cela, mais ils ont également cogné l’âme et le cœur de l’enfant: en moquant ses poèmes lus et dénigrés dans des dîners de bourgeois provinciaux, en mettant le feu aux textes écrits par l’enfant, une pièce en vers ou un journal intime, en déchiquetant les livres aimés qui sont le cordial de l’enfant martyr, en détruisant les dessins du garçon passionné de BD.

La folie de ce père est sans non: il détruit un jour le piano sur lequel son épouse ne va pas au-delà de quelques notes ahanées parce qu’il découvre qu’en cachette son fils y improvise avec plaisir – c’est une scène de Tarentino; il poursuit la chair de sa chair avec sa haine et sa colère, sa vindicte et  sa violence jusque sur la glace d’une patinoire où il se ridiculise en public – c’est une scène de cinéma burlesque; il court-circuite un rendez-vous pris par son fils dans un grand lycée parisien en menaçant la proviseur de toutes les foudres du monde si elle le reçoit et qui, devant pareil délire, renonce à recevoir l’enfant qui a pris le train en cachette pour ce rendez-vous – c’est une scène de Claude Chabrol…

Que faire de cette haine ?

C’est d’abord la littérature qui permet de n’en pas mourir. Non pas la littérrattûûre comme dirait Céline, mais les livres de Gide qui enseigne la ferveur, puis d’autres, constitutifs d’une âme: la pureté de Péguy et le parti clairement pris des choses de Ponge, le génie d’un Sartre qui fouille l’âme de Flaubert et l’art d’entrer à grande vitesse dans le cosmos avec des astrophysiciens, le souci de l’être et des étants d’un Heidegger lu dans le texte ou l’accès à la profondeur par la légèreté de Guitry.

Lire est une chose, écrire en est une autre. Ce qu’ont été les essais d’écriture de Yann Moix montrent une imagination débordante – c’est, avec son génie stylistique ce qui le sort du lot littéraire. Il est capable plus qu’un autre d’inventer des situations extravagantes qui sont un pur jeu imaginaire, mais il sait aussi regarder le réel en le tordant afin d’en extraire un suc ironique et sarcastique, drôle et émouvant, moqueur et facétieux. Il y a ce qu’il imagine et qui est imagination, mais il y également ce qu’il voit et que d’autres ne voient pas et qui est imaginaire, entrée dans un monde interdit à d’autres.

C’est dans la partie contrapuntique dite Dehors que ce regard voit ce que les autres ne voient pas et qui constitue proprement une Comédie humaine – au sens premier du terme mais aussi dans celui du cycle balzacien. Sa souffrance n’est pas égotique et narcissique, elle n’est pas l’occasion d’une introspection complaisante, ça n’est pas le genre du personnage, ni d’une opportunité larmoyante, encore moins le genre de la maison, mais c’est la possibilité d’un point de vue de Sirius: certes, j’ai eu ma part, mais les autres ont eu la leur. Le monde est ainsi. C’est le contraire de Christine Angot…

La vie de l’enfant martyrisé se tisse  donc avec celles du fils de l’institutrice pendu à dix-sept ans; du compagnon d’école de sept ans mort à cet âge-là et dont il découvre un jour fortuitement la tombe; de la jeune fille à laquelle les parents ont confié la mission mortifère de remplacer sa sœur cadette morte; d’un dandy barrésien que la mort emporte par morceaux avec une maladie atrophique et qui, sur son lit de mort, reste élégant, une élégance qui lui fait écrire à une jeune fille dont Yann Moix était amoureFux qu’après son propre trépas, il lui faudra l’épouser; le même garçon extravagant confesse alors qu’il n’a jamais conquis les filles, juste affecté de le faire, car il était amoureux de Yann, et de personne d’autre. Ces personnages pour lesquels on pleure aussi côtoient un grand nombre d’autres individus qui ont eux aussi leur lot de souffrance. Ce roman d’initiation qui est aussi un roman d’humiliation est également un roman de l’empathie avec ceux que le Mal foudroie.

Une scène pourrait fonctionner comme une expérience originaire de l’auteur – utilisons l’expression à laquelle Sartre recourt pour ses psychanalyses existentielles, le registre dans lequel Sartre se montre un grand philosophe, mais c’est le moins connu à ce jour. Et Yann Moix raconte sa dilection pour L’Idiot de la famille – livre en effet majeur dans l’histoire de la philosophie du XX° siècle.

Cette scène est simple: c’est celle où l’enfant frappé devient un enfant frappeur. Quand la violence qu’on subit n’est pas assez sublimée par les mots, elle devient violence qu’on inflige. Il s’agit du fils de l’institutrice, un petit rouquin qui fayote et rapporte, ment et montre du zèle, auquel il fiche une raclée. Contre toute attente, le gamin rossé invente un agresseur imaginaire et épargne son bourreau… Parce que le frappeur qui a frappé ne va pas être frappé grâce à sa victime qui stoppe la dynamique du mal en ne dénonçant pas, Yann Moix connait la honte, la culpabilité, le désir de réparer, l’envie d’offrir un cadeau pour effacer le mal par un potlatch tragique, le désir de devenir l’ami de celui qu’il avait cogné. Quelque temps plus tard, Daniel Foucault, c’est son nom, s’enfonce une épingle dans la veine.

Tout Yann Moix est là, l’homme blessé et l’écrivain qui est grand, ceci expliquant cela. Car l’homme public abîmé par la télévision au service de laquelle il a tabassé le rouquin du jour se double d’un homme privé qui s’en veut d’avoir cogné, frappé, roué de coup. C’est le fils de son père que double en revers le fils de lui-même. Une phrase du roman qui est un récit, du récit qui est un roman, résume tout cela: « C’est soi qu’on continue de frapper quand on a été brutalisé. »

Le livre est paru, il a généré la polémique de rentrée. Mais c’est avec la vie d’un homme qu’on fait polémique.

Le père a commencé: il a crié à l’affabulation sur tout, puis il s’est ravisé: il a bel et bien frappé – quand même… Le fils petit a pris la suite: le cadet qu’on n’a jamais entendu alors que son frère était au sommet avec attribution de prix littéraires ou position médiatique en vue, se lâche quand son aîné met genou à terre. A qui fera-t-on croire qu’aucun éditeur de la place de Paris ne prendrait le livre du cadet, même s’il était mauvais, assuré qu’il serait pourtant d’en vendre avec la polémique escomptée? Qui veut faire croire que BHL aurait le pouvoir absolu sur le monde médiatique au point d’empêcher la carrière d’un Alexandre qui aurait eu du talent? car, avouons-le, même de mauvais livres sont parfois refusés par les éditeurs… De même pour des films dont tant de mauvais sont produits! BHL a peut-être du pouvoir chez Grasset, mais pas sur la totalité des éditeurs français…

Le père a donc frappé; la mère n’a rien dit – elle ne dit toujours rien. Après que le fils eut dit qu’il avait été frappé, le père monte au créneau, puis le fils cadet monte au père comme le premier au créneau. L’avocat est-il arrivé avant la parole du père ou après?

Il se fait que cet avocat, Emmanuel Pierrat, est le meilleur en chose littéraire sur la place de Paris, donc en France: au vu d’un manuscrit récemment découvert de Pétain qui ajoutait de sa main des indications radicales sur un projet de loi antisémite, il serait capable de plaider que de Gaulle en était à l’origine, de gagner le procès  avant d’obtenir en forme de dommages et intérêts le transfert des cendres du général à l’ile d’Yeu et celle de Pétain à Colombey! C’est dire l’habileté du personnage…

On imagine que, peut-être sur les conseils du robin, ça a été corvée de poubelles à Orléans afin de trouver tout ce qui pourrait salir plus encore l’homme couvert de boue dont le père, redisons-le, avait commencé par dire qu’il n’avait pas frappé son fils… avant de se rétracter!

Et des poubelles, on en a trouvé! Notamment dans celle de gens d’extrême-droite, la vraie. Or, je le dis depuis suffisamment longtemps, à galvauder ce mot et à en affubler tout le monde – dont moi… – le jour où il serait bien utile il est devenu inutilisable: car qu’il y a-t-il de commun à Faurisson, Marc Edouard Nabe, Soral, Dieudonné, pour les plus connus, et tous ceux qui ont été associés à l’extrême-droite parce qu’ils refusaient de voter « oui » à Maastricht par exemple?

Alors, oui: on a trouvé des dessins et des textes négationnistes et antisémites de Yann Moix. Il n’y a rien à redire sur ce fait. Le cerveau à deux temps, comme il y  des moteurs deux temps, carbure à la moraline: voilà donc notre homme mort! Les réseaux asociaux ont fait le travail. Avec l’anonymat, qui fut une méthode dans les années 40, on reprend les ciseaux pour tondre…  Et les plus zélés dans la tonte ne sont pas forcément les plus propres.

Si l’on préfère la généalogie à la moraline, on peut légitimement poser la question: pourquoi ce jeune homme talentueux a-t-il fait ça?

D’abord ce jeune homme est talentueux parce que la littérature, les livres, les grands auteurs, lui ont sauvé la vie : ils s’est trouvé une famille de substitution avec Péguy et quelques autres grands auteurs. Quand on a une mère qui souhaite qu’on meure et que son père consent à exécuter la sentence uxorale, Francis Ponge ou Sartre, parmi d’autres grands noms, donnent des raisons de vivre quand même, tout de même, malgré tout. Depuis Jubilation vers le ciel, je sais que Yann Moix porte une œuvre; je sais depuis Orléans qu’il la porte pour (se) justifier d’exister: on ne fait pas de source plus pure à un pareil fleuve, une origine plus authentique à un pareil torrent.

Ensuite: pourquoi l’antisémitisme et le négationnisme? Parce que c’est l’abjection la plus radicale. L’antisémitisme est la force des faibles, la puissance des impuissants, la grandeur des petits, la hauteur des bas de plafond, la raison des déraisonnables, la logique des fous, la pensée des acéphales, la provocation des gens qu’on n’écoute pas et que personne n’entend. Le négationnisme est la lie de l’antisémitisme: plus bas que ça, on trouve l’enfer nourri du mal depuis que l’homme est au monde. C’est la quintessence du mal de notre époque: la dénégation, le refus du réel, le déni de ce qui est, la mépris de l’évidence, le tout relevant d’une même haine pour la vérité.

L’antisémite doublé du négationniste incarne l’homme du ressentiment cher au cœur de Nietzsche:  à vingt ans, Yann Moix porte en lui des potentialités littéraires et artistiques, il le sait, elles n’ont pas encore rencontré l’histoire. Dès lors, il met en branle une méthode, la seule méthode qu’il connaisse, c’est celle de son père – qui est la méthode de schlague. Lui qui fut martyrisé, il martyrise à son tour les martyrisés: c’est la vengeance du faible.

Dans Orléans, Yann Moix confesse sa passion pour L’Idiot de la famille de Sartre. Sartre est en effet un homme minable, un écrivain honorable, un philosophe imbitable, mais un penseur admirable dans ses livres ou ses essais de psychanalyse existentielle – Baudelaire, Genet, Mallarmé, Tintoret, Flaubert. L’analyste existentiel écrit dit que nous sommes ce que nous faisons de ce que les autres ont voulu faire de nous.

La mère de Yann Moix a voulu effacer son fils de la surface de la terre, son père s’est proposé de devenir le bras armé de ce projet nihiliste. Or, nombre de comportements de Yann Moix témoignent en ce sens: faute de se libérer de ce funeste projet parental, il effectue lui-même le travail comme pour obtenir leur amour, geste désespéré, geste de désespéré. Il commence avec ces BD antisémites et négationnistes, il continue avec des compagnonnages pestilentiels – variations sur le thème de la mère et compagnie -, il poursuit, semble-t-il, avec les femmes qui traversent sa vie – rompre soulève un peu le voile de la guerre qu’il déclenche par beau temps…-, il est connu par le grand public pour avoir éreinté nombre de personnes sur des plateaux de télévision: chaque fois, il s’agit pour lui d’arracher le fouet de la main de ses géniteurs afin de s’en infliger des coups puis d’en donner à tout ce qui passe à sa portée. Mais qui a le premier usé du fouet a crée le fouetteur – bête remarque éthologique…

Avec toute cette haine qui s’abat sur lui, Yann Moix doit avoir un genou à terre. Je ne suis pas homme à frapper une personne accablée. Il y a mieux à faire qu’à juger; la moraline est la morale des gens sans morale, la petite vertu des gens sans vertu. On peut préférer chercher à comprendre comme Socrate qui sait que nul n’est méchant volontairement plutôt qu’à juger comme Savonarole dont les bûchers ravissaient les narines des chiens qui chassent en meute.

Juste un mot pour finir, il réjouira les lacaniens: la mère de Yann Moix s’appelle Marie-José.

Michel Onfray

https://michelonfray.com/interventions-hebdomadaires/la-genealogie-contre-la-moraline?mode=text

EN BANDE SON :

2 réponses »

  1. Le problème de mon point de vue c’est que Moix a été invité de manière récurrente sur les plateaux TV et que, n’importe comment qu’on le prenne, cet homme est malsain et a donc diffusé son poison.

    • Sauf que le texte d’Onfray est avant tout une belle page sur l’enfance et Moix un simple prétexte à l’écriture de cette dernière. Pour une fois Onfray se réconcilie avec l’émotion et me fait mentir. Saluons le !

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