Un secteur clé de l’économie échappe aux études de gouvernance: les banques centrales. La recherche commence à peine à s’y pencher, selon les auteurs d’une étude qui compare 50 banques centrales…..
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La gouvernance des banques centrales est une discipline qui démarre à peine, selon les auteurs d’une étude qui compare50 banques centrales.
La gouvernance d’entreprise, c’est l’ensemble des processus et règlements qui influencent la façon dont une entreprise est dirigée et contrôlée. Les salaires en font partie, même si la discussion ne peut se limiter à cet aspect. La rémunération totale du président de la direction générale de la BNS, Jean-Pierre Roth, atteint 843 600 francs suisses en 2008, un niveau similaire aux autres directeurs généraux. Ce salaire dépasse le traitement de base de Jean-Claude Trichet, à la Banque centrale européenne, puisqu’il reçoit 351 816 euros (531 242 francs), soit 17% de plus que son vice-président et 40% de plus que les autres directeurs. Le président de la BCE et les autres membres du Directoire reçoivent aussi quelque 100 000 euros chacun d’indemnités et allocations.
La Réserve fédérale s’écarte manifestement des normes européennes ou suisses puisque Ben Bernanke ne gagne que 191 300 dollars….
Les pratiques divergent d’autant plus facilement que la recherche glisse sur le sujet. Pourtant, tout dépend des incitations., au traditionnel Symposium de Saint-Gall, le prix Nobel d’économie 2005, Robert John Auman, explique que les individus en situation normale se comportent rationnellement. Et que cette rationalité se fonde uniquement sur les incitations. Une idée qu’il prolonge au niveau philosophique: «Tout le concept du socialisme est construit sur une mauvaise compréhension des incitations des gens», déclare-t-il.
Dans le cas d’une banque centrale, l’exercice est complexe en raison de l’opacité intrinsèque de l’institut d’émission et de son statut de monopole d’un bien public (la stabilité des prix, la stabilité de la monnaie, un bon fonctionnement du trafic des paiements, la santé du système financier).
Le seul mécanisme de gouvernance externe qui s’applique à une banque centrale est celui de la réputation. Les seuls mécanismes internes sont liés à la surveillance par le conseil de banque et les contrats.
En pratique, les autorités procèdent par comparaisons pour estimer la valeur de marché d’un banquier central. Il en ressort des écarts salariaux considérables entre les pays. Sa rémunération varie entre 3 et 47 fois le revenu par habitant (67 000 francs en Suisse). Sur cette base, la BNS se place en queue de peloton. Mais est-ce le meilleur critère? La rémunération du banquier central est supérieure au marché si elle est mise en parallèle à un professeur d’économie. Mais elle est inférieure au marché si la référence est un banquier ou un chef économiste. Les auteurs de l’étude plaident pour un statut similaire à un «top économiste». Il devrait même dépasser la valeur de marché selon la théorie du «salaire d’efficience», laquelle voudrait qu’un fonctionnaire qui bénéfice d’un salaire élevé soit moins enclin à la corruption.
Le deuxième argument est celui de la «sélection adverse», qui implique que les professionnels de grande qualité se détournent des emplois mal payés.
Un troisième élément de réflexion va dans l’autre sens. Il existe aussi une valeur de «mission» associée à la fonction qui pourrait être supérieure à l’incitation monétaire, un élément de vocation pour le service public.
Comme on le voit, la recherche économique démarre à peine. Elle n’a pas davantage progressé sur un autre thème mis en lumière par la crise financière, la responsabilité. Les auteurs de l’étude se demandent si l’on a sacrifié la question sur l’autel de l’indépendance de la politique monétaire.
Plus encore que la rémunération, l’établissement des droits de propriété appropriés définit le modèle de gouvernance.
Dans 70% des cas, la banque centrale est à 100% propriété de l’Etat, dans 9% son capital appartient à plus de 50% par l’Etat. Mais il existe donc d’autres cas de figure. Depuis 1948 et jusqu’au changement de 2008 en réponse au scandale Fazio, la Banque d’Italie était détenue par des banques commerciales. Aux Etats-Unis par ailleurs, la Réserve fédérale appartient à 12 «Federal Reserve» régionales, elles-mêmes détenues par les banques commerciales. L’Afrique du Sud va encore plus loin puisque la Banque centrale est 100% privée. Mais aucun actionnaire ne peut détenir plus de 0,5% du capital.
Le choix des gouverneurs de banques centrales indique une tendance à la dépolitisation en vertu du savoir spécifique requis et des tensions entre les objectifs à long terme de la politique monétaire et les buts à court terme des politiciens. Mais la politique n’est jamais très loin. Traditionnellement, c’est le chef d’Etat ou le gouvernement qui démet le banquier central de ses fonctions. Habituellement, la sentence traduit une mauvaise conduite ou un comportement criminel. La sécurité de l’emploi la plus faible appartient au président de la Fed, lequel peut être remercié sans aucune raison particulière. La BCE est à l’autre extrême puisqu’une décision de la Cour de justice est nécessaire.
*Governing the Governors:
a clinical study of central banks, Lars Frisell, Kasper Roszbach, Giancarlo Spagnolo, Sveriges Riksbank, Research paper series 54
Par Emmanuel Garessus le temps
Catégories :Le Temps, Mon Banquier est Central
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