Behaviorisme et Finance Comportementale

Marché action et l’effet Halloween dans le monde

Pour 2008 et 2009, l’effet Halloween ne s’est pas produit. Les cours ont baissé en novembre et décembre 2008 et ont grimpé en septembre et octobre 2009. Une stratégie de placement fondée sur l’effet de calendrier est rentable dans 60% des années, selon une étude que nous avons effectuée.

FOCUS SUR CET EFFET :

Les statistiques, d’où qu’elles proviennent, sont éloquentes: depuis 1950, le rendement net d’inflation de l’indice S&P 500 a été de moins de 2 % durant les six mauvais mois de l’année (de mai à octobre inclusivement), alors qu’il a été de près de 8 % durant les six bons mois (novembre à avril inclusivement). Depuis 1925, quelque 85 % des gains de l’indice Dow Jones ont été réalisés de novembre à avril.

De tous les dictons utilisés dans le monde boursier, l’un des plus persistants est: “Sell in May, then go away”. Une expression que je traduirais en français par “Vendez en mai pour mieux profiter de l’été”.

L’idée est simple: elle stipule que les meilleurs mois de l’année pour détenir des actions sont de novembre à avril, alors que les pires mois pour l’investisseur boursier s’étendent de mai à octobre.

Au Canada, on a aussi observé un effet saisonnier significatif sur les marchés boursiers. En effet, en 1960, 1000 $ investis à la Bourse de Toronto valaient 16 873 $ 40 ans plus tard. En revanche, si l’investisseur avait choisi de ne placer ce montant que de novembre à avril, tout au long de ces 40 ans, il aurait récolté 25 716 $.

Ce phénomène est à ce point universel qu’on l’a constaté dans 18 marchés qui forment l’indice mondial MSCI : les six bons mois offrent un rendement de 8,4% en moyenne depuis 1969, et les six mauvais mois donnent un rendement de – 0,4 %.

Sell in May, then go away

Ce fameux dicton ne date pas d’hier. Des observateurs ont constaté que des boursicoteurs anglais connaissaient (ou respectaient) déjà cette maxime il y a plus de 300 ans (en 1694, plus précisément). On peut toutefois avancer sans se tromper que cet adage commence à être bien connu des investisseurs professionnels depuis au moins 40 ans, puisqu’on trouve des références précises à l’effet Halloween dans le Financial Times dès 1964. De plus, une petite recherche dans la base documentaire Lexis-Nexis donne plus de 150 références en anglais au cours des 25 dernières années. Bref, aucun investisseur sérieux aujourd’hui ne peut prétendre ignorer la consigne.

36 pays sur 37

L’étude la plus poussée sur l’effet Halloween a été publiée en 2002 dans la prestigieuse revue universitaire The American Economic Review. Selon deux chercheurs néerlandais, Sven Bouman et Ben Jacobsen, l’effet Halloween donne des résultats significatifs au chapitre du risque-rendement, pour 36 des 37 pays de leur échantillon.

Cette “anomalie” ou “opportunité” de marché s’observe aussi bien dans les pays émergents que chez les pays développés. Mieux encore : elle persiste dans le temps, même si les investisseurs sont au courant de son existence.

Grâce à des données boursières mensuelles qui remontent à 1970 dans le cas des 19 pays développés de l’échantillon, les chercheurs ont remarqué que les rendements durant la période de mai à octobre avoisinent zéro. En Europe, par exemple, à l’exception du Danemark, les rendements durant les six mauvais mois ne dépassent jamais 2%, alors qu’ils excèdent 8% durant la période qui va de novembre à avril.

Les investisseurs qui tiennent compte de cet effet du calendrier dans la gestion de leur portefeuille ont l’avantage d’en tirer profit sans que cela ne coûte cher, puisqu’ils peuvent vendre et racheter leurs actions une seule fois dans l’année (l’investisseur dans un fonds indiciel n’aurait à réaliser que deux transactions par an).

Enfin, en appliquant la règle qui consiste à vendre en mai pour racheter en novembre, l’investisseur adhère à une stratégie qui peut diminuer de beaucoup le risque que court son placement.

Pour le Canada, par exemple, au cours de la période de 1973 à 1996, le rendement du marché (investissements sur une période de 12 mois) a été de 10,22% avec un écart-type de 14,36%. En adoptant une stratégie qui tient compte de l’effet Halloween (investissements sur une période de 6 mois), le rendement du portefeuille a été de 12,48% avec un écart-type de 11,20%. Comme le montre notre tableau, cette stratégie a été très payante pour certains pays comme la Belgique, la France, l’Italie et le Royaume-Uni avec, en prime, un risque (mesuré en écart-type) nettement inférieur.

Causes probables et improbables

Sven Bouman et Ben Jacobsen se sont demandé si l’effet Halloween pouvait s’expliquer par des raisons de politique monétaire ou de taux d’intérêt distincts durant l’année. Or, pour l’ensemble des pays de leur échantillon, ils n’ont pas observé de taux d’intérêt plus élevés entre mai et octobre que lors de tout autre période de l’année.

L’explication la plus vraisemblable d’un tel effet de calendrier correspond, à mon avis, à des cycles de vacances, de dépenses et de revenus que tout le monde connaît. Si les marchés boursiers vont si bien durant la bonne période, c’est notamment parce que la majorité des salariés reçoivent leurs primes (“bonis”) entre décembre et mars, et que cet argent a plus de chance d’être épargné et investi que l’argent des salaires. Autre facteur: les régimes d’épargne retraite (REER, etc.) de la plupart des pays occidentaux incitent leurs citoyens à faire leurs placements entre novembre et février.

J’ajouterais que si les marchés sont si décevants à partir de mai, c’est probablement en raison de la fièvre du printemps, qui pousse les ménages à dépenser, à changer de voiture, à réaménager la maison et le jardin, à prendre des vacances, bref, à vendre une part de leurs actions pour satisfaire leurs besoins. Pour ces quelques raisons seulement, on peut penser que cet effet du calendrier sur la Bourse persistera, du moins tant que les arbitragistes continueront d’ignorer cette anomalie des marchés.

Référence :

Sven Bouman et Ben Jacobsen. “The Halloween indicator “Sell in May and go away”: Another Puzzle”, The American Economic Review, vol. 92, no 5, décembre 2002, p. 1618-1635.

André Gosselin chercheur canadien chronique parue dans F and I oct09

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