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Michael J. Boskin : La politique industrielle renait de ses cendres…very bad news !!!!

Michael J. Boskin,  fut à la tête du Bureau des conseillers économiques de la présidence américaine Bush, est professeur d’économie à l’université de Stanford et membre de l’Institut Hoover. 

Redonner vie à la « politique industrielle » fut l’une des pires réponses que les responsables politiques ont donné à la crise financière et à la profonde récession. Une fois de plus, les gouvernements préfèrent recourir aux subventions, aux mandats, aux règlementations et à l’investissement de capital afin de déterminer quels seront les industriels gagnants et lesquels seront perdants plutôt que d’adopter une approche plus large et plus équitable

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 Ils sont nombreux à se pourvoir d’une politique industrielle : des économies développées comme les Etats-Unis et la Grande Bretagne, qui ont pourtant longtemps résisté à ses pires excès ; mais aussi la France, qui fait depuis longtemps la promotion de ses propres « champions » nationaux ainsi que les économies émergentes comme le Brésil et la Chine. Le président français, François Sarkozy prévoit par exemple un grand emprunt de 52 milliards d’euros pour soutenir des industries qui, selon l’analyse de son gouvernement, seront des « industries de croissance ». Même les banques centrales, surtout la Réserve Fédérale américaine, ont apporté leur soutien à certaines entreprises et types d’actifs du fait de la crise financière.  

Les politiques industrielles sont très utiles aux politiques qui peuvent ainsi favoriser certaines catégories sous couvert de soutenir l’ensemble de l’économie. Mais les conséquences sont en général plus préjudiciables que bénéfiques

L’aspect le plus litigieux est le rôle des gouvernements dans le domaine de la recherche et du développement (R&D). Les gouvernements ont un intérêt évident dans le secteur de R&D militaire, mais les marchés fonctionnent mieux lorsque les retours sur investissement sont effectivement perçus et les risques assumés par les acteurs du privé. Dans le cas de la recherche fondamentale, les retours potentiels seront bénéfiques pour tous, qu’ils aient ou non contribué à son financement ou assumé les risques d’échec de cette recherche. Le secteur privé investi trop peu dans le domaine de la recherche fondamentale car les investisseurs privés ne peuvent pas être assurés d’en percevoir les retours. 

C’est pourquoi les économistes, quelle que soit leur appartenance politique, sont convaincus du fait que les gouvernements devraient investir dans les sciences et les technologies fondamentales. Lorsque je présidais le bureau des conseillers économiques du Président George. W. Bush, nous avons doublé le budget de la Fondation Nationale des Sciences. Les gouvernements préfèrent se ruer sur la R&D du secteur privé, dont les entreprises pourraient intégralement percevoir les retours, non seulement par l’utilisation du fruit de ces recherches mais aussi en commercialisant brevets et licences d’exploitation. 

L’implication gouvernementale devrait se limiter au stade précompétitif et générique des sciences et technologies. Les gouvernements devraient financer la R&D jusqu’au l’étape où les entreprises privées pourraient s’approprier (le gros des) bénéfices. La recherche devrait aussi se faire de manière générique pour être sur un pied d’égalité avec le potentiel d’applications commerciales. 

Par exemple : la technologie de liaison informatique à l’origine de l’internet fut financée par le ministère de la défense américain. Mais il serait insensé que le gouvernement finance tel ou tel moteur de recherche ou plateforme de réseau social.  

Les gouvernements ne devraient pas entrer dans le jeu consistant à utiliser les subventions, les impôts, les réglementations, les mandats, les emprunts ou les investissements pour nommer tel ou tel vainqueur. Cela ne fonctionne pas ainsi et pire encore, cela freine les technologies potentiellement porteuses

Dans les années 80, les partisans de la politique industrielle ne tarissaient pas d’éloges pour le Japon et pour ses recours systématiques aux politiques industrielles. Mais la volonté des puissants lobbys industriels et du commerce japonais combinée à celle des ministres de l’économie de micro-manager l’économie est l’une des causes principales de la bulle financière japonaise : dix ans de perdu, trois récessions et de loin le plus fort pourcentage d’endettement dans le PIB de toutes les économies développées. 

A l’époque, les « pro » politique industrielle américains, souvent appelés les « démocrates Atari » d’après feu le fabriquant des premiers jeux informatiques, n’avaient pas une vision véritablement complète ni correcte de la situation japonaise. Il y avait bien une « cinquième génération » de projets informatiques, dont l’un sur TVHD, mais la plupart des subventions japonaises ne bénéficiaient pas aux nouvelles technologies mais aux industries anciennes, plus porteuses en termes d’emplois, telles que l’agriculture, l’industrie minière et l’industrie lourde. 

Des problèmes économiques similaires sont apparus au cours des dernières années, en Corée du sud, en Europe de l’ouest et aux Etats-Unis. En 1980, le président Jimmy Carter se présentât pour la seconde fois aux élections présidentielles avec un programme de « reconstruction nationale du système bancaire », une politique industrielle et un bureau de conseillers composé d’éminents responsables du monde du travail et des affaires qui auraient la responsabilité d’attribuer quelques 10 milliards de dollars de fonds publics. Il fut battu par le chantre de l’économie de marché, Ronald Reagan. 

Mais la politique industrielle fait un grand retour même aux Etats-Unis. Le président George W. Bush a dépensé des milliards pendant des années en faveur de la voiture à hydrogène. Cela n’a mené nulle part et bien que l’hydrogène puisse devenir viable à terme pour des sources fixes, son utilisation pour le transport nécessite encore de nombreux ajustements importants (dont son inflammabilité et sa combustibilité qui par ordre de grandeur sont bien plus importants que ceux des systèmes à essence.)  

L’énorme programme de relance américain de 787 billions de dollars, soit disant destiné à combattre la récession et à créer des emplois (quoique qu’inefficace jusqu’à présent) comprenait des montants considérables de subventions pour des secteurs industriels et technologiques spécifiques : près de 40 billions de dollars uniquement pour les programmes d’énergies propres, par exemple. Tandis que les entreprises et les investisseurs acceptent ces fonds d’aide, le financement privé pour les projets commerciaux d’énergies alternatives est largement disponible ; un nombre conséquent de fonds de capital risque partout dans le monde s’intéresse aux énergies alternatives et propres

Le gouvernement devrait établir un cadre d’objectifs généraux pour l’énergie et l’environnement puis laisser les entrepreneurs, les investisseurs et les consommateurs décider de la meilleure manière d’y parvenir. Il devrait financer la recherche et les technologies fondamentales applicables dans ces domaines. Mais il n’est de politique sensée qui ne soit soutenue à long terme par le gouvernement.  

Quels que soient les soi-disant mérites ponctuels d’une politique industrielle décidée lors d’une profonde récession, les gouvernements ont besoin d’une stratégie de sortie avant que ces programmes ne s’enracinent trop et ne développent de puissants groupes d’intérêts dont le seul objectif est de récupérer une rente.D’importantes dépenses financées par la dette entrainent à terme une hausse des impôts. Le capital et le travail se trouvent alors détournés d’activités à valeur supérieure et qui ne nécessitent pas du soutien des sauvetages répétés des gouvernements

Les politiques industrielles furent un véritable échec dans les années 70 et 80. Autoriser les gouvernements à déterminer qui seront les industries gagnantes et perdantes demeure une aussi mauvaise idée aujourd’hui qu’elle ne l’était hier.  

Project Syndicate, nov 2009.

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