Directeur de la recherche économique et de la stratégie d’ Exane-BNP Paribas jusque fin 2008, Il a été auparavant (1995-1999) adjoint au directeur des études économiques de la BNP, adjoint de direction à la Banque de France et consultant pour le Fonds monétaire international (1986-1994). Il est diplômé de Sciences Po Paris, détient une maîtrise en droit et est titulaire d’un DEA d’économie internationale. Jean Pierre Petit est l’auteur de plusieurs ouvrages dont, La finance, autrement (en collaboration, Dalloz, 2005).Aujourd’hui devenu stratégiste et économiste de marché indépendant il continue de collaborer de manière régulière à divers revues et journaux économiques et financiers. Voici le 20ème billet d’une série qui lui est consacrée…
On a vu que l’essentiel de l’anomalie du dollar s’effectuait à l’encontre de l’euro et du yen.
En ce qui concerne l’euro-dollar, on peut craindre que si le marché des changes ne corrige pas de luimême, la poursuite de la baisse du dollar s’interrompra d’elle-même lorsque les marchés réaliseront le creusement de l’écart de resserrement monétaire de part et d’autre de l’Atlantique. Mais à quel seuil (1,60,1,70,1,80?) et surtout à quel prix pour la compétitivité de l’économie européenne?
PLUS DE DETAILS EN SUIVANT :
Si l’on exclut un ajustement par le marché lui-même, l’histoire montre que les interventions des banques centrales peuvent être efficaces pour contrer les évolutions des marchés de change.
Certes, ce type d’interventionnisme fait souvent l’objet de scepticisme. En effet, les critères techniques de succès sont assez difficiles. La condition première et indispensable est que l’intervention soit concertée entre les grandes banques centrales; les interventions unilatérales ont beaucoup moins de chances de peser sur les marchés de change. Il est clair qu’aujourd’hui, une intervention efficace supposerait la participation d’au moins la Fed, BCE, Banque d’Angleterre, Banque du Japon. Il est aussi évident que le soutien des autorités chinoises constituerait un gain additionnel de crédibilité, quelle que soit l’évolution de la propre politique de la Chine à l’égard du renminbi contre dollar.
D’autres conditions de réussite sont nécessaires; il est souhaitable que ces interventions «surprennent » les marchés. Le moment doit donc être bien choisi, avec notamment des échanges limités et une liquidité plutôt faible;
c’est la raison pour laquelle le 15 Août fut souvent choisi comme date d’intervention;
15 Août 1971, date de l’inconvertibilité or du dollar par le Président Nixon;
15 Août 1995; date des interventions concertées pour favoriser le «retournement ordonné» du dollar, …..
La capacité de peser sur la tendance de marché dépend aussi beaucoup du degré de conviction de celui-ci; il est ainsi très difficile de lutter contre une opinion dominante.
D’un point de vue chartiste, le timing idéal d’intervention est probablement une configuration de type «têtes et épaules»; cette configuration signale en effet l’essoufflement d’un mouvement de hausse (ou de baisse dans le cas d’une tête et épaules inversée) qui va conduire au renversement de tendance.
Il faut au surplus une forte transparence de la part des autorités sur les objectifs; il est clair que les décisions de politique économique doivent être cohérentes avec ces interventions; ainsi une action de soutien au dollar aura d’autant plus de chances d’être crédible si elle s’accompagne de perspectives de resserrement monétaire de la part de la Fed.
Les interventions, enfin, doivent être aussi massives que possible, non seulement pour des raisons mécaniques, mais aussi parce que la détermination des autorités sera ainsi démontrée. Avec des réserves de changes globales de 6 800 milliards, la force de frappe des banques centrales est aujourd’hui réelle.
Rappelons que les transactions quotidiennes sur les 8 principales places de change équivalent à 3 200 milliards selon la BRI.
Au total, l’expérience montre que de telles interventions peuvent être réussies (août 1995, dans le sens d’une hausse du dollar; septembre 2000, dans le sens d’une hausse de l’euro).Mais il apparaît que les conditions politiques d’un accord n’apparaissent pas réunies.
Les Etats-Unis accepteraient d’intervenir s’ils y voyaient un avantage.
Lutte contre un excès d’inflation importée comme en 1995?
Ce n’est pas le sujet aujourd’hui.
Formation d’une bulle matières premières?
A près de 80 dollars le baril, cela ne semble guère suffisant pour remettre en cause la reprise mondiale.
Pressions protectionnistes à l’extérieur?
Elles sont très mesurées en l’état.
Hausse de la prime de risque sur les actifs américains détenus par les non-résidents?
On ne voit rien de tel en l’état.
Bref, le contexte actuel ne plaide pas en faveur d’une action internationale concertée. On en revient alors à la question initiale. Quel est le seuil catalyseur d’une action commune; un euro-dollar à 1,60,1,70,1,80 voire plus?
JEAN-PIERRE PETIT Stratégiste et économiste de marché
EN COMPLEMENT LES BILLETS PRECEDENTS DE JP PETIT CONSACRES AU DOLLAR :
Jean Pierre Petit : Le problème de la baisse du dollar (cliquez sur le lien)
Jean Pierre Petit Le problème de la baisse du dollar (II) (cliquez sur le lien)
EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Commentaire : l’Art de la guerre économique / la Guerre larvée des changes (cliquez sur le lien)
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