Cruel paradoxe. Alors que la débâcle financière trouve son origine aux Etats-Unis, c’est aujourd’hui l’Europe qui cumule les plus grandes incertitudes sur la dette souveraine. L’enchaînement de down-ratings laisse une douloureuse impression de contagion. Après Dubaï et la Grèce, l’Espagne suscite la défiance des agences de notation. Et l’Italie pourrait bientôt suivre. Une nouvelle forme de toxicité européenne semble émerger….
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La semaine dernière, une étude de JP Morgan calculait ainsi l’exposition des portefeuilles de grandes compagnies d’assurance aux obligations des pays d’Europe du Sud. Comme si ces papiers pouvaient infecter leur bilan, à la manière des subprimes en 2007 et 2008.
Il faut pourtant garder la tête froide: un pays ne fait pas banqueroute du jour au lendemain, surtout lorsqu’il est européen. Et les abaissements de note souveraine procèdent de l’effet d’annonce. L’explosion de la dette publique n’est pas un phénomène récent; les chiffres sont connus depuis plusieurs années. Ils n’ont fait que s’aggraver ces derniers mois, les plans de relance favorisant le laxisme budgétaire.
A court terme, les avis négatifs des agences n’auront qu’un impact limité sur les marchés. L’augmentation de l’incertitude va, tout au plus, générer une plus forte aversion au risque. Et donc favoriser la sélectivité.
A plus long terme, la reprise sera toutefois hypothéquée. Car le redressement des marchés et de l’économie réelle a profité de l’injection de liquidités et d’une aide massive des Etats. Qui ne pourront bientôt plus se permettre de telles largesses. De fait, les agences de notation viennent d’inverser brutalement la géopolitique financière.
Ces derniers mois, les commentateurs avaient insisté sur les risques pesant sur le dollar. L’inverse se produit aujourd’hui: la monnaie unique est affectée, et les plus pessimistes imaginent déjà la parité euro/dollar à 1,38 . A vrai dire, la bascule qui vient de s’opérer n’a rien de très surprenant. L’Europe est systématiquement en retard dans la gestion des crises, qui finissent par s’éterniser ici quand l’économie américaine repart. L’Union européenne n’a guère le choix: elle doit réagir. Signe des temps, les fameux critères de stabilité redeviennent d’actualité. Fidèle à sa réputation rigoriste, l’Allemagne d’Angela Merkel réclame d’ailleurs un effort supplémentaire des pays membres. Si la Commission décide de venir en aide aux Etats en difficulté, elle conditionnera probablement cet appui à une réduction des dépenses publiques. Mais en a-t-elle seulement le pouvoir? A l’évidence, un véritable test politique se profile.
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La grande défiance face aux obligations
DETTE SOUVERAINE. Les investisseurs se détournent des obligations émises par des pays surendettés. Cette classe d’actifs perd de son attrait au profit des actions.
Après Dubaï, la Grèce et l’Espagne, faut-il s’attendre à d’autres abaissements de ratings sur les dettes souveraines?
Christian Plomb de Bondpartners à Lausanne: Je le crains. Les problèmes d’endettement des Etats ne sont pas récents. Je suis d’ailleurs très étonné qu’on les ait sous-évalué pendant plusieurs mois, comme si les quelques signaux de reprise pouvait masquer les répercussions de la crise financière sur les comptabilités publiques. Ce n’est pas un hasard si cette révision des notes intervient maintenant, à l’heure des bilans de fin d’année. Les agences de notation n’ont jusqu’à présent pas été très véhémentes: les Etats sont également leurs «clients» et il semblait malvenu d’alimenter un sentiment de panique sur les marchés. Mais avec le léger redressement de l’environnement économique, les agences doivent maintenant faire leur travail. Ce d’autant que les critiques à leur encontre se sont multipliées.
Quel est l’impact des down-ratings?
Dans les jours qui ont suivi l’annonce de Dubaï, on a observé un frémissement sur les obligations des Etats voisins, au niveau des prix et des spreads. Par effet d’association, et même si la situation est différente, ce sont maintenant les Etats européens qui sont scrutés, en particulier les PIGS (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne). On pourrait y ajouter l’Italie, dont les finances ne sont guère en meilleur état. Et d’autres encore en Europe de l’Est.
Est-ce une contagion?
On pourrait plutôt parler de résurgence, puisque le phénomène d’endettement étatique n’est pas nouveau. Mais le discrédit porté sur la Grèce, puis sur les pays du Sud et de l’Est, rejaillit sur l’ensemble de la Communauté européenne, ce qui entraîne une forme de contagion qui s’étend aux économies de référence constituant le «moteur» du bloc européen. Ces «bons élèves » sont déjà affaiblis: ils tardent à réduire leurs déficits selon les critères techniques et communautaires et creusent leur endettement.
On pourrait avoir le sentiment qu’une nouvelle toxicité européenne émerge, alors que les Etats-Unis semblaient cumuler jusqu’à présent toutes les tares.
La situation n’a guère évolué aux Etats-Unis, à quelques exceptions près, mais il est vrai qu’on semble redécouvrir l’endettement des pays européens, et aussi émergents… Les déficits n’ont pourtant jamais disparus; les chiffres sont connus et répétés lors des annonces officielles et des commentaires qui se succèdent depuis des mois.
Comment le marché obligataire se comporte-t-il dans ce contexte?
Après une période intéressante pour cette classe d’actifs qui a profité des soubresauts et de la volatilité des actions, l’abaissement prolongé des taux provoque un tassement sur les rendements, selon l’appétence au risque. Les obligations d’Etat et celles des corporates ont offert des coupons moins élevés au deuxième semestre. D’un point de vue transactionnel, la liquidité reste aléatoire.
Après Dubaï, observez-vous un sentiment de défiance vis-à-vis des obligations d’Etat?
Si les Etats étaient des entreprises cotées et soumises à la sanction de leurs actionnaires, ils seraient pour certains vendus short! La transparence des chiffres fournis et la périodicité des comptes audités de façon indépendante font souvent défaut, compte tenu de la spécificité du débiteur. L’Argentine et la Russie constituent des exceptions.
Actuellement, les investisseurs cherchent à se détourner des échéances trop longues. Le comportement ambivalent de Dubaï, puis l’appel à l’union nationale de la Grèce ont créé un malaise. Et les commentaires des agences de notation à l’égard d’Etats souffrant d’un abaissement de leur note se sont radicalisés, évoquant des préoccupations quant à des manquements graves, voire même à un manque de crédibilité des actions entreprises. Des primes de risque plus ou moins élevées pourraient peser sur les prochaines émissions d’obligation d’Etat.
Quant au marché secondaire, il risque de connaître une volatilité renouvelée.
Quel sera l’impact sur les profils d’allocations d’actifs?
En période de crise, l’approche dite traditionnelle avait repris de l’importance, avec une part en obligations en augmentation au sein des portefeuilles. Forcément, les gestionnaires pourraient se demander maintenant si l’obligataire reste un bon choix stratégique, le risque étant potentiellement en augmentation. Cette suspicion fait baisser les prix, tandis que les spreads recommencent à s’allonger sur certains emprunts plus exposés.
Cette situation amène-t-elle des occasions d’investissement?
Bien sûr. Comme souvent, la dépréciation excessive d’une classe d’actifs, en l’occurrence d’obligations down-gradées, permet de nouer des positions à des niveaux intéressants. Une gestion purement conservatrice ne suffit pas: les clients finissent toujourspar rechercher un rendement supérieur. Selon les circonstances, cela augmentera de façon plus ou moins marquée leur prise de risque. «No risk no reward», sauf qu’en l’occurrence, il s’agit d’emprunts d’Etats qui ne présentent pas pour tous les garanties de sécurité espérées.
source agefi dec09
EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Trappe à Dettes : La liste noire des Etats surendettés (cliquez sur le lien)
En sus de votre joliment décrite équipe de PIGS, la perfide Albion devrait, sauf miracle, perdre son triple A selon l’AOF qui cite JP Morgan.
Mon petit doigt me dit que le labor va faire cupesse…
Cher Buzz lightyear je vous ai entendu :-)))