Au coeur de la création de richesse : l'Entreprise

Innovation technologique, Investissement, Productivité et Création de richesse

Les investisseurs qui ont acheté des actions de Nortel à plus de 100 $ ou de Cisco à plus de 150 $ vont se souvenir longtemps de la «révolution» dans les technologies de l’information. Plusieurs n’y croient plus et se demandent s’ils ont été les dindons de la farce d’une vaste conspiration internationale menée par les Gates, Dell et Bezos de ce monde, et visant à nous faire croire à l’avènement d’une nouvelle économie.

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La révolution dans les technologies de l’information et la création d’Internet ont eu des retombées très positives sur l’économie, même si bien peu de petits investisseurs en ont profité. Grâce à ces innovations récentes, des milliers d’entreprises ont réussi à se réorganiser et à réaliser des gains de productivité importants. Une nouvelle technologie comme Internet peut prendre plusieurs années à produire tous ses bienfaits, et parfois même plusieurs décennies.

Prenons le cas de l’électricité, une innovation technologique qui se rapproche d’Internet en termes de diffusion et de retombées. Il a fallu plus de 30 ans avant que les entreprises américaines en tirent vraiment profit. Alors que l’énergie électrique était déployée dans toutes les villes américaines en 1890, ses effets sur la productivité ne se sont fait sentir de façon significative que dans les années 1920. Les premières formes d’utilisation de l’électricité dans les grandes entreprises manufacturières consistaient à mettre un moteur électrique géant à une extrémité d’une usine afin d’alimenter la machinerie d’un bout à l’autre. Ce n’était pas la méthode idéale  pour profiter de cette énergie et organiser le travail afin de tirer le meilleur des employés. Il a fallu attendre la miniaturisation des moteurs électriques afin de vivre un réel progrès dans les processus de production et de bénéficier d’une plus grande souplesse dans les procédés de fabrication.

De toute évidence, c’est le même processus que nous sommes en train de vivre avec l’introduction d’Internet et d’Intranet dans nos entreprises. Une ou deux générations seront nécessaires avant que les entreprises tirent vraiment avantage de toute cette technologie. Selon certains experts, nous avons exploité à peine 15 % de tout le potentiel d’Internet sur les plans commercial et industriel. Les systèmes d’entreposage de données vendus par des firmes comme IBM et Sun Microsystems en sont un bon exemple. La plupart des grandes entreprises ont certes la puissance technologique pour entreposer toutes les données concernant leurs clients, leurs fournisseurs et leurs employés. Il leur reste à trouver les modalités les plus efficaces et rapides pour analyser les données, les comprendre, les distribuer efficacement parmi l’ensemble du personnel et ensuite vers la clientèle. C’est là un processus qui nécessite beaucoup de temps et d’ajustements, et dont les applications les plus importantes restent encore à inventer.

Tout cela fait penser aux lecteurs magnétiques qu’on trouve maintenant aux caisses des épiceries et des grands magasins. Entre l’invention de cette technologie et ses applications commerciales, il a fallu attendre plus de 15 ans. Mais dès lors qu’on comprenait comment l’implanter dans les grandes surfaces, l’impact a été considérable sur la gestion des inventaires, la planification du marketing, la comptabilité et la mise en place régulière des produits dans les rayons et sur les tablettes. On se demande encore pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour l’introduire dans l’économie, tellement il nous paraît clair aujourd’hui que cette innovation permet des réductions importantes de coûts au sein de plusieurs services des entreprises de distribution au détail.

Internet est le genre de technologie qui met beaucoup de temps à s’implanter. Mais on sait à coup sûr qu’elle nous permettra de concevoir, dans le secteur des services, un ensemble de petites applications (comme les lecteurs de produits dans le secteur de l’optique) peu spectaculaires à première vue mais combien importantes pour la productivité et l’efficacité des entreprises.

 Votre défi, dans un tel contexte, consiste à trouver les secteurs, souvent sans grande envergure et encore peu populaires auprès des investisseurs de masse, où les applications des nouvelles technologies de l’information seront vraiment payantes.

Je suis toutefois désolé pour les mordus des titres high-tech, mais il me semble évident que la grande majorité des entreprises de haute technologie vont suivre le même parcours que celui qu’ont connu les premiers fabricants d’automobiles au tournant du XXe siècle. En effet, il faut se rappeler que, lorsque l’automobile a commencé à être largement prisée comme moyen de transport principal en Amérique du Nord, on a assisté à une explosion des cours boursiers des fabricants, suivie par une série de corrections boursières assez importantes. L’automobile a été une invention merveilleuse. Elle a bouleversé le style de vie des Occidentaux, conduit à la création des banlieues et à tout le mode de vie qui vient avec. Toutefois, sur le plan du rendement en Bourse, les titres des constructeurs d’automobiles n’ont pas vraiment enrichi les investisseurs et les actionnaires. Cela n’a pas empêché l’industrie de l’automobile de se développer, de se consolider et de produire des millions de véhicules toujours plus performants, en dépit d’une concurrence plutôt forte et des marges bénéficiaires assez faibles.

On pourrait faire la même analyse pour l’industrie de l’aviation et du transport des passagers, et constater que les actionnaires de ces sociétés ont obtenu un rendement nul de leurs actions depuis plus d’un demi-siècle. On ne peut pas rester encore aveugle devant ce fait d’une évidence accablante: les entreprises de haute technologie se développeront dans un contexte qui sera encore longtemps très concurrentiel, offrant peu de chances de profits intéressants à un très grand nombre de joueurs.

André Gosselin analyste et chercheur canadien

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