Art de la guerre monétaire et économique

Commentaire : Marché Brésilien / Semaine 8

Du côté de l’économie nationale, les données économiques se sont légèrement dégradées dernièrement – contrairement aux attentes, en novembre, la production industrielle a baissé de 0,2 % par rapport au mois précédent. En revanche, la consommation des ménages reste solide : emmenée par un taux de chômage en recul, une augmentation des salaires réels, ainsi que des taux de crédit historiquement bas, elle s’exprime par une croissance de 8,7 % du chiffre d’affaires du commerce de détail.

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En janvier, à l’instar des actions chinoises, les actions brésiliennes ont enregistré des baisses de cours sensibles. C’est notamment dû aux mauvaises performances des entreprises cycliques, liées aux craintes relatives à un éventuel recul de la demande en provenance de Chine. Les actions de Petrobas, l’une des principales capitalisations de l’indice, sont apparues particulièrement fragiles – la méfiance des investisseurs domine toujours du fait du transfert à l’entreprise de 5 milliards de barils de réserves de pétrole de l’État brésilien, et à l’édulcoration de la valeur qui menace en raison de l’augmentation de capital nécessaire à cette opération. En revanche, les fournisseurs d’électricité ont connu une évolution favorable. Eletrobras – premier fournisseur d’énergie du Brésil – a réagi par une flambée du cours à l’annonce du paiement, en 2010, d’un dividende qui aurait déjà dû être versé depuis longtemps.

 A court terme, le marché pourrait être plus volatil compte tenu de l’augmentation de l’inflation.La banque centrale va agir pour maintenir celle-ci sous contrôle. Le marché brésilien s’attend déjà à des hausses d’intérêt dès le 1er semestre 2010.

EN COMPLEMENT :

La surévaluation du real pénalise le Brésil, dont Pékin est devenu le premier partenaire

La devise brésilienne, le real, est la monnaie la plus surévaluée au monde.

Alors qu’au plus fort de la crise financière, en décembre 2008, elle avait atteint les abysses – plus de 2,5 reais pour un dollar -, en 2009, le mouvement s’est inversé : la monnaie nationale s’est valorisée de 34 % par rapport au dollar, qui plafonne aujourd’hui autour de 1,8 real.

C’est un record absolu, supérieur à deux autres fortes hausses mondiales, celles du dollar australien (+ 27 %) et du rand sud-africain (+ 26 %). Cet exploit ne résulte pas seulement de la faiblesse du billet vert. Le real s’est renforcé vis-à-vis de toutes les grandes monnaies – le yen (36 %), l’euro (30 %) -, mais aussi de celles de ses partenaires latino-américains, comme le peso argentin (50 %).

La vigueur du real tient à des raisons nationales. Entré dans la crise parmi les derniers, le Brésil en est vite sorti, après avoir montré sa force de résistance. Sa croissance, légèrement positive en 2009, malgré une forte chute de la production industrielle (-7,4 %), devrait dépasser 5 % en 2010. Le système bancaire, solide et rigoureux, sort indemne de l’épreuve.

La confiance que le Brésil inspire attire les capitaux disponibles. Le flux monétaire a dégagé en 2009 un surplus d’environ 30 milliards de dollars (22 milliards d’euros), le troisième meilleur résultat depuis trente ans (après 2007 et 2006). Le taux directeur de la banque centrale, bien qu’il ait atteint un plancher historique (8,75 %), reste mirifique pour un fonds de pension ou un fonds souverain d’Asie ou du Moyen-Orient.

L’exploitation des immenses réserves de pétrole découvertes en eau profonde et les travaux d’infrastructures prévus pour la Coupe du monde de football (2014) et les Jeux olympiques de Rio (2016) stimulent les investisseurs.

Pays créditeur depuis 2008, le Brésil dispose d’un confortable coussin de devises : 240 milliards de dollars. C’est huit fois plus qu’en 2000, quatre fois plus qu’en 2005, trois fois plus qu’en 2006. Le Brésil a augmenté ses réserves de 24 % en 2009. C’est mieux que les autres émergents : Chine (19 %), Inde (12 %) et Russie (10 %).

Volatilité d’hier

La force actuelle du real tranche avec sa faiblesse ou sa volatilité d’hier. La naissance de cette monnaie, instaurée en 1994 par le gouvernement Itamar Franco, à parité avec le dollar, a brisé la spirale infernale de l’hyperinflation, qui avait alors atteint un rythme annuel de 5 000 %.

Depuis 1999, le real, décroché du dollar, flotte au gré des crises mondiales et des échéances politiques internes. Le billet vert a atteint son zénith (4 reais) en octobre 2002, lors de la première élection du président Lula.

Le real fort a des avantages. Il permet d’acheter moins cher à l’étranger, ce qui aide à contenir l’inflation et à améliorer le pouvoir d’achat des plus pauvres. Il donne plus de moyens aux entreprises pour s’implanter à l’extérieur et pour se moderniser.

Mais la chute du dollar a pour principal inconvénient de pénaliser les exportations qui, libellées en dollars, rapportent moins, tandis que la hausse du real alourdit les coûts des produits brésiliens et entrave leur compétitivité, particulièrement les produits manufacturés sur un marché mondial de sortie de crise plus concurrentiel. Les entreprises perdent des clients, par exemple au bénéfice des concurrents chinois.

En 2009, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Brésil, devant les Etats-Unis et l’Argentine. Les achats chinois, notamment de soja et de minerai de fer, représentent 13 % des exportations brésiliennes.

Mais, ailleurs dans le monde, le Brésil et la Chine sont rivaux. La sous-évaluation du yuan et la surévaluation du real défavorisent le Brésil. L’appétit insatiable du dragon chinois sur les marchés d’Afrique, notamment lusophones, et chez les voisins sud-américains du Brésil, inquiète de plus en plus sérieusement ce dernier.

Jean-Pierre Langellier LE MONDE ECONOMIE | 22.02.10 |

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