Les retards de paiement sur les emprunts immobiliers aux Etats-Unis sont partis à la baisse au quatrième trimestre, selon des chiffres publiés vendredi par les professionnels du secteur, tout en se maintenant à des niveaux inquiétants.
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En données corrigées des variations saisonnières, le taux d’emprunteurs en retard de 30 jours ou plus a reculé à 9,47%, contre 9,64% au troisième trimestre, a indiqué l’Association des banquiers hypothécaires américains (MBA).
Ce taux avait battu pendant trois trimestres consécutifs son record depuis depuis que la MBA établit ces statistiques, c’est-à-dire depuis 1972.
Mais en données non corrigées des variations saisonnières, les retards et défauts de paiement atteignent des proportions jamais vues.
D’après la MBA, plus d’un emprunteur sur dix n’est pas à jour, avec un taux brut de retards de 10,44% au quatrième trimestre, contre 9,94% au troisième. Si on y ajoute les procédures de saisie en cours, ce sont 15,02% des emprunteurs qui n’arrivent pas à payer leur crédit, du jamais vu depuis près de 40 ans.
Les banquiers ont rappelé que la fin d’année était traditionnellement une période difficile pour les finances des ménages, confrontés à la hausse de leur facture de chauffage ou aux dépenses des fêtes. Le quatrième trimestre a également été marqué par le franchissement de la barre des 10% de chômage, pour la première fois depuis 1983.
La MBA s’est pourtant voulue optimiste dans ses prévisions.
“Nous assistons probablement au début de la fin pour la vague sans précédent de retards de paiements sur les prêts immobiliers et de saisies de logement, qui a démarré avec les défauts sur des prêts subprime (les plus risqués, nldr) début 2007”, a commenté l’économiste en chef de l’association professionnelle, Jay Brinkmann.
Celui-ci a relevé que la part des retards d’un mois avait baissé (3,63% contre 3,79% au trimestre précédent), indiquant un recul du nombre d’emprunteurs commençant à éprouver des difficultés.
Dans le même temps, la MBA ne croit pas à un rétablissement des ménages tombés dans l’engrenage des retards de paiement, ce que traduit la hausse des retards de trois mois et plus (5,09%, contre 4,38%).
“Malgré la baisse des retards courts, les taux de saisies pourrait continuer à grimper”, sachant que ces ménages très en retard finissent presque toujours par se faire saisir leur logement, a expliqué M. Brinkmann.
D’après des statistiques du cabinet spécialisé RealtyTrac, 2,825 millions de logements aux Etats-Unis ont fait l’objet d’une procédure de saisies en 2009, soit 21% de plus qu’en 2008.
Ce phénomène de saisies reste “concentré dans quelques Etats de bulle de l’immobilier”, a noté Nathan Topper, de Moody’s Economy.com. Selon la MBA, cela concernait au 31 décembre 13,44% des emprunteurs en Floride (Sud-Est), 9,76% dans le Nevada (Ouest), et 6,07% dans l’Arizona (Sud-Ouest).
WASHINGTON, 19 fév 2010 (AFP)
EN COMPLEMENT :
Aux Etats-Unis, les “walk away” laissent leur maison… et leur dette aux banquiers
Fairfield, à 65 kilomètres de San Francisco (Californie), est l’un de ces lieux où les cadres californiens sont, depuis 2004, venus chercher qualité de vie et immobilier abordable. Dans cette ville nouvelle, ils se sont fait construire de belles maisons avec piscine, jardin et un garage pour trois véhicules. Beaucoup ont choisi de quitter leur appartement en ville pour acheter une de ces villas. Et pour financer ce rêve à 800 000 dollars (près de 600 000 euros), sûrs de faire, grâce à la hausse des prix de l’immobilier, une bonne affaire, ils ont emprunté sur 30 ans.
Aujourd’hui, ces quartiers sont un désastre urbain, un désert. Les propriétaires insolvables ont déjà vu leur villa saisie ou sont menacés d’expropriation et les commerçants partent les uns après les autres. Pour les rares habitants qui restent, la situation est inextricable : leur villa ne vaut plus que 40 % ou 50 % du prix payé, ils n’ont pas commencé à rembourser le capital et n’entrevoient aucune perspective de revalorisation de leur bien. De plus en plus nombreux sont ceux qui “se tirent” – walk away, dit-on ici. Bien que solvables, ils cessent, en toute légalité, de rembourser leur emprunt. Que la banque se débrouille ! Le prêteur récupère la maison et les “propriétaires”, eux, sont libérés de leur dette.
Des Fairfield, il y en a partout aux Etats-Unis. Au total, 11 millions de ménages, soit 23 % des emprunteurs immobiliers, sont actuellement under water (sous la ligne de flottaison), c’est-à-dire disposant d’un appartement dont la valeur est inférieure au montant emprunté. Cette proportion va jusqu’à 65 % en Californie, en Floride, au Nevada, en Arizona, dans le Michigan ou en Géorgie. Selon la société d’études immobilière First American CoreLogic, 2,2 millions de ménages ont vu la valeur de leur patrimoine chuter de plus de 50 % depuis l’achat.
En Californie, la pratique du short sale, c’est-à-dire la vente à perte, se répand : elle permet à un propriétaire de se libérer de sa dette en vendant à prix bradé, après accord de la banque. “A Los Angeles, 21 % des biens à vendre sont issus de saisies et 34 % sont en short sale, car les établissements bancaires ont compris l’intérêt de cette solution par rapport à la saisie”, témoigne Alain Silverston, un agent immobilier français installé en Californie.
Il cite l’exemple des Donavan. Ils ont acquis, en 2008, une villa pour 590 000 dollars et la revendent 429 000 dollars, en partant vivre à quelques kilomètres de là, dans un logement loué 2 000 dollars, soit moins que les 3 800 dollars de leurs anciennes mensualités de remboursement. Une économie bienvenue car leurs revenus ont chuté, Mme Donovan ne travaillant plus qu’à mi-temps dans l’immobilier, son époux ne percevant plus les bonus et primes d’antan.
A peine le phénomène de walk away était-il apparu qu’Henry Paulson, le secrétaire au Trésor sous George Bush, traitait ses adeptes de “spéculateurs”. Président de l’Association des banquiers du crédit immobilier (Mortgage Bankers Association), John Courson leur a, lui, récemment lancé un appel : “Pensez au mauvais exemple que vous donnez à votre famille, à vos enfants et vos amis.” Et même Barack Obama leur a demandé de se montrer “responsables“.
Les Donavan trouvent-ils leur évasion immorale ? La question les amuse : ils sont bien contents d’avoir feinté leur banquier. La proportion des emprunteurs qui cessent volontairement de payer leur crédit atteindrait 3 %, mais une étude LA Times-Real Estate Economy Watch de décembre 2009 révèle que 10 % des sondés sont tentés par cette option. Et l’argument du comportement antisocial ou immoral ne tient pas, surtout venant des banquiers, puisqu’eux-mêmes s’adonnent à cette pratique lorsqu’ils y trouvent leur intérêt !
Dans le New York Times du 10 janvier, Roger Lowenstein, propriétaire du fonds d’investissement éthique Sequoia, donnait l’exemple de la banque d’affaires Morgan Stanley qui avait acquis cinq immeubles de bureaux de haut standing à San Francisco lorsque le marché était au plus haut, et qui a cessé de les payer depuis l’effondrement immobilier. “Personne, à Wall Street, ne l’accuse d’immoralité”, note-t-il. Le promoteur Tishman Speyer et le fonds BlackRock ont annoncé, fin janvier, ne pas pouvoir payer les 16 millions de dollars d’intérêts d’un prêt contracté, en 2006, pour acquérir 11 232 appartements à Manhattan, pour 5,4 milliards de dollars, et qui n’en valent plus, désormais, que 1,8…
Si la stratégie du walk away se répand, elle ne peut qu’amplifier la chute des prix et le nombre de propriétaires under water. Selon la Mortgage Bankers Association, 4,38 % des emprunteurs américains étaient, au troisième trimestre 2009, en procédure de saisie et 9,9 % avaient des retards de paiement, soit un total de 15 % d’emprunteurs en difficultés.
Sylvain Cypel avec Isabelle Rey-Lefebvre
LE MONDE | 08.02.10
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Le prêt “sans recours”, une particularité américaine
Dans plus de la moitié des Etats américains, les prêts hypothécaires sont, moyennant une surprime de 0,5 % à 0,7 %, “sans recours”, c’est-à-dire non adossés aux revenus des emprunteurs. Impossible donc, pour les organismes de crédit, d’obtenir la saisie des comptes personnels pour recouvrer leur dû. Dans un récent rapport remis au ministère au logement américain, l’économiste Susan Woodward va jusqu’à se féliciter du fait que peu d’emprunteurs connaissent cette disposition. Sinon, explique-t-elle, ils seraient beaucoup plus nombreux à laisser leur appartement en plan pour chercher plus avantageux ailleurs… Le seul risque encouru par ces “déserteurs du crédit” est que leur défaillance les poursuive et les empêche d’obtenir un crédit ailleurs, et durant quelques années. En France, le prêt sans recours est juridiquement possible mais pas pratiqué, les banquiers accordant leur crédit en fonction de la solvabilité du client plus que de la valeur du bien financé…
EN COMPLEMENT : Des bonnes nouvelles pour l’immobilier aux Etats-Unis (cliquez sur le lien)
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