Dans son ouvrage qui vient de paraître,Pascal Salin déconstruit les nombreux préjugés à propos du capitalisme et de l’interventionnisme étatique.Il veut en finir avec les idées fausses sur les causes de la crise,les procès superficiels intentés à la finance,les erreurs et les incohérences du keynésianisme,l’illusion de la coopération internationale.Salin, réputé pour sa rigueur conceptuelle et sa clarté de langage,montre finalement que le capitalisme est le seul système social compatible avec la morale universelle,le seul qui ait un fondement indiscutablement moral.
«Le grand retour de l’Etat souhaité par certains ne ferait que nous enfoncer encore plus…»A LA RÉFLEXION RIGOUREUSE FONDÉE SUR LA COMPRÉHENSION DES PROCESSUS ÉCONOMIQUES, ON A PRÉFÉRÉ LE MÉCANICISME DES MODÈLES MATHÉMATIQUES. PARCE QUE L’USAGE DE MATHÉMATIQUES COMPLEXES DONNE L’APPARENCE D’UNE DÉMARCHE SCIENTIFIQUE
LE CAPITALISME EST FONDÉ SUR LE RESPECT DES DROITS DE PROPRIÉTÉ LÉGITIMES, SUR LE RESPECT DU CONTRAT ET L’ÉCHANGE LIBRE. CERTES, DANS UN SYSTÈME CAPITALISTE UN NOMBRE CONSIDÉRABLE DE MORALES PERSONNELLES PEUVENT COEXISTER DE MANIÈRE PACIFIQUE. MAIS AUCUNE NE S’IMPOSE AUX AUTRES PLUS DE SALIN EN SUIVANT :
La crise financière et économique est un phénomène complexe dont il n’est pas facile de démêler les tenants et aboutissants tellement ses différents éléments sont interdépendants entre eux. Malheureusement, on a généralement tendance à s’en tenir à quelques observations superficielles consistant par exemple à se focaliser sur les bonus des financiers ou les parachutes dorés de certains dirigeants d’entreprises.
Ces faits sont avérés, et ils excitent l’imagination, mais ils ne permettent absolument pas de comprendre les causes profondes de la crise. Si l’on veut non seulement comprendre ce qui s’est passé, mais aussi éviter de nouvelles crises dans le futur, il est essentiel d’avoir une vue cohérente de l’ensemble du système à partir duquel la crise la plus récente est néeet s’est développée. (…) La crise aura été utile si elle permet un changement radical de paradigme.
Si l’on s’y refuse, on verra nécessairement les crises renaître de manière récurrente, non pas parce que le caractère cyclique de l’activité économique serait inhérent au fonctionnement des économies capitalistes, mais parce que les gouvernements font les mêmes erreurs de manière récurrente et, plus profondément, parce qu’ils ont largement détruit ce qui fait l’essence même du capitalisme. Ils ont la prétention inouïe de vouloir réformer et moraliser le capitalisme. Il faudrait surtout souhaiter qu’en diminuant rapidement et profondément leurs pouvoirs, ils rendent possible une véritable restauration du capitalisme et de l’éthique qui en constitue le fondement.
(…) Si la crise financière et économique de 2007-09 résulte de la conjonction de plusieurs causes, celle sans laquelle les autres n’auraient pas pu exister, réside dans l’extraordinaire instabilité de la politique monétaire menée aux Etats-Unis, mais aussi dans d’autres régions du monde. C’est d’ailleurs cette même cause que l’on retrouve dans toutes les crises de l’époque moderne, et c’est pourquoi l’analyse de la plus récente peut être considérée comme une illustration particulière de phénomènes beaucoup plus généraux.
(…)
La monnaie n’a jamais aussi mal joué son rôle que depuis l’époque – du XIXe au XXIe siècle – où sa gestion a été placée sous le contrôle des autorités monétaires. Il n’y a jamais eu dans l’Histoire autant d’inflation et de crises monétaires qu’au cours de cette période. Et puisque la monnaie est gérée par des autorités publiques, il faut bien admettre que ce sont elles qui se sont rendues coupables de l’instabilité monétaire. Ce caractère public n’empêche pas la banque centrale d’être éventuellement une entreprise privée. Ce fut le cas de la Banque de France jusqu’en 1936 et c’est encore le cas, dans une certaine mesure, du Federal Reserve System aux Etats-Unis (la Fed), puisqu’il est l’émanation des douze banques de réserve fédérales, qui appartiennent elles-mêmes à des banques privées. Mais toutes ces banques centrales, qu’elles soient publiques ou privées, font l’objet d’une législation spécifique, bénéficient de privilèges publics, sont contrôlées par les autorités publiques qui nomment généralement leurs dirigeants.
Quel que soit le statut précis des banques centrales et leurs pouvoirs, toutes ces dispositions sont à l’origine de la constitution d’un monopole monétaire d’origine publique: seuls ont droit d’émettre de la monnaie les organisations qui appartiennent au système monétaire national, contrôlé et dirigé par la banque centrale, et l’utilisation d’autres monnaies par les résidents d’un pays est soit interdite soit limitée. En d’autres termes, la concurrence des monnaies est interdite ou limitée, si l’on veut bien – comme on le devrait – définir la concurrence par la liberté d’entrer sur un marché.
Ainsi, loin de constituer une preuve du mauvais fonctionnement des économies capitalistes, il apparaît de manière éclatante que les crises monétaires et financières sont le résultat d’une faillite des États et non d’une faillite du capitalisme et des marchés! Les évènements des années récentes en donnent une illustration frappante. (…)
Dans le procès fait au rôle prétendument instable des marchés financiers, on n’oublie généralement pas de souligner qu’un vaste mouvement de déréglementation financière – appelé à tort de «dérégulation financière» – a pris place dans le monde, à commencer par les Etats-Unis, depuis les années 1980. On a vite fait d’attribuer la crise au fait que les marchés étaient désormais libres de se développer de manière incontrôlée. Cette opinion mérite d’être soumise au filtre de l’analyse car elle est a priori suspecte. En effet, la crise se caractérise par la faillite ou le risque de faillite d’un certain nombre d’établissements financiers. C’est ce risque majeur qu’essaient d’éviter tous les propriétaires d’entreprises, puisque la faillite signifie qu’ils perdent tous leurs investissements et tous leurs efforts antérieurs.
Certes, on ne peut pas exclure que des erreurs soient faites et que certains soient acculés à la faillite, alors qu’ils ne l’auraient évidemment pas voulu. Il n’en reste pas moins que ce risque constitue un élément régulateur fondamental dans une économie libre, car il incite normalement les propriétaires d’entreprises à éviter les risques excessifs. De ce point de vue, il est d’ailleurs l’un des fondements de la responsabilité. La thèse selon laquelle des individus responsables sont susceptibles de prendre des risques excessifs, s’ils sont libres d’agir sans le contrôle de «régulateurs» censés être plus motivés et mieux informés qu’eux, est donc contestable.
(…) Il paraît évident que tout ce qui a provoqué la crise monétaire et financière résulte de l’interventionnisme étatique qui a empêché l’auto-régulation par les marchés.
Mais, dira-t-on certainement, il n’en reste pas moins vrai que les banquiers et dirigeants d’établissements financiers portent leur part de responsabilité, car c’est tout de même eux qui ont pris des risques excessifs, sans lesquels la crise ne se serait pas produite ou n’aurait, tout au moins, pas eu l’importance qu’elle a eue. On souligne en particulier que les banquiers ont pris ces risques de manière à maximiser leurs profits à court terme. Ces remarques permettent d’instruire le procès contre le capitalisme qui serait, diton, myope, c’est-à-dire incapable d’assurer la régulation du système financier et du système économique sur le long terme.
Pour pouvoir analyser de manière correcte le comportement des banquiers, il nous faut d’abord prendre un peu de recul et analyser plus largement le fonctionnement des systèmes économiques. On se rendra alors compte que toutes les causes «immédiates» de la crise procèdent elles-mêmes d’une source unique, l’affaiblissement des disciplines du capitalisme. (…) Ce qui est en cause ce ne sont pas seulement les capacités à prévoir les hommes, mais le cadre institutionnel dans lequel ils se trouvent. Plus précisément, la prédominance des visions de court terme et l’instabilité des marchés qui en résulte éventuellement, proviennent non pas d’un défaut du capitalisme, mais d’un défaut de capitalisme, non pas des défaillances du marché, mais des défaillances des institutions dans lesquelles on le fait fonctionner.
(…) Les structures institutionnelles ont permis aux dirigeants des établissements financiers ou des fonds de pension de profiter de l’extraordinaire abondance de liquidités due aux politiques monétaires pour faire prévaloir leurs propres intérêts en acceptant éventuellement des niveaux de risque excessifs.
Mais ce n’est pas seulement l’intérêt qui a déterminé le comportement des dirigeants dans leurs décisions financières. Il y a aussi leur ignorance et une certaine illusion de la connaissance. (…)
La finance souffre d’une crise aiguë de la connaissance (cliquez sur le lien)
L’illusion économique…. Les maths, pour le meilleur et pour le pire (cliquez sur le lien)
Les préjugés scientistes ont joué un rôle important dans l’acquisition et la mise en oeuvre de fausses certitudes.
A la réflexion rigoureuse fondée sur la compréhension des processus économiques, on a préféré le mécanicisme des modèles mathématiques, parce que l’usage de mathématiques complexes donne l’apparence d’une démarche scientifique.
The Economist : Aguirre ou la colère de Dieu / La planète financière devrait apprendre à mieux gérer le risque et à faire preuve d’humilité…. (cliquez sur le lien)
(…) On admet [en outre] que la crise est la conséquence d’un manque d’éthique de la part des banquiers, ceux-ci ayant fait preuve d’un esprit de lucre insensé. Leur désir d’enrichissement les aurait incités à prendre des risques excessifs pour obtenir des bonus astronomiques grâce à un volume d’opérations important. Mais cette recherche des profits individuels se serait faite aux dépens de l’intérêt général, puisqu’elle aurait provoqué la crise. On établit ainsi facilement un contraste entre les victimes – chômeurs, familles dépossédées de leurs maisons aux Etats-Unis, professions sinistrées – et les banquiers sans coeur, qui ont fait des profits énormes à leurs dépens. (…)
[Cependant,] dans un système capitaliste, les ressources dont dispose un individu ont été obtenues par lui par ses propres efforts et non par l’exercice d’une quelconque contrainte, qu’elle soit légale ou illégale. Ainsi, on devient propriétaire d’une chose parce qu’on l’a créée, parce qu’on l’a obtenue dans le cadre d’un échange libre, ou parce qu’on l’a reçue de son précédent propriétaire. C’est pourquoi on peut définir un système capitaliste comme un système de droits de propriété légitimes. On se rend donc compte immédiatement que le capitalisme est un système social qui correspond aux exigences de la morale universelle.
On peut même dire que le capitalisme est le seul système social compatible avec la morale universelle, le seul qui ait un fondement indiscutablement moral.
Le marché encourage les comportements moraux (cliquez sur le lien)
Le capitalisme est fondé sur le respect des droits de propriété légitimes, sur le respect du contrat et l’échange libre. Certes, dans un système capitaliste un nombre considérable de morales personnelles peuvent coexister de manière pacifique, mais aucune ne s’impose aux autres. Il peut ainsi exister des capitalistes très égoïstes et des capitalistes très altruistes, mais ceci n’altère en rien le caractère profondément moral du capitalisme.
Il serait donc a priori étrange que le capitalisme ait pu conduire à des comportements que l’on peut considérer comme immoraux et que la crise financière en ait été la conséquence. (…) e qui est immoral, ce n’est pas le comportement des managers qui a conduit à la faillite (la faillite est la sanction des erreurs). Ce qui est immoral c’est que l’Etat utilise un pouvoir de contrainte pour voler des ressources à des contribuables qui ne sont pas responsables des erreurs faites par les autorités publiques, par les banquiers et leurs salariés. De manière générale, d’ailleurs, si l’on joue correctement les règles du jeu d’un système capitaliste on respecte la morale. A partir du moment où l’Etat intervient, on est dans le domaine de l’immoralité, parce qu’on est dans le domaine de la contrainte qui permet de porter atteinte aux droits légitimes d’autrui.
Economiste de renommée mondiale, Pascal Salin est professeur émérite à l’Université Paris-Dauphine. Il est l’auteur de nombreux ouvrages abondamment traduits, notamment «Libéralisme», «La Vérité sur la monnaie», «L’Arbitraire fiscal» et «La Concurrence». Il a conseillé le Fonds monétaire international et d’autres organisations internationales. Salin est ancien président de la Société du Mont-Pèlerin et exerce des fonctions honoraires dans plusieurs think tanks, dont l’Institute of Economic Affairs à Londres, ainsi que l’Institut Constant de Rebecque et le Liberales Institut en Suisse. Il a reçu, entre autres distinctions, le Prix Renaissance de l’économie et le Schlarbaum Award for Lifetime Achievement in Liberty pour son engagement d’une vie.
PASCAL SALIN«Revenir au capitalisme. Pour éviter les crises»,Odile Jacob, 252 p., 2010
EN COMPLEMENTS INDISPENSABLES : Pascal Salin : Revenir au véritable capitalisme (cliquez sur le lien)
Il fallait oser ! A l’heure où l’Etat apparaît comme le sauveur de l’économie, Pascal Salin, en fidèle disciple de l’école autrichienne du cycle, propose un regard iconoclaste sur les origines de la crise et plaide en faveur d’un vrai capitalisme fondé sur la responsabilité des acteurs.
Au moment où l’on célèbre le retour de l’Etat, il faut beaucoup d’audace à Pascal Salin pour proposer un retour au capitalisme. Car le capitalisme n’est pas à l’origine de la crise financière et économique. Ce sont les mauvaises politiques publiques et il serait tragique d’en attendre des solutions alors qu’il conviendrait de faire enfin une vraie confiance aux marchés. Pascal Salin montre bien comment les causes principales de la crise proviennent de l’intervention étatique et de la faillite des autorités publiques.
La crise des “subprimes” n’est pas la faillite de l’économie de marché, mais celle de l’économie administrée du logement par les autorités publiques américaines. Et ce sont les règles comptables (le calcul de la valeur “mark to market”) qui, combinées avec les ratios de fonds propres obligatoires pour les banques, vont provoquer la contagion et l’effondrement de la confiance. Mais l’auteur, en excellent disciple de l’économie autrichienne (Ludwig Von Mises et son élève, Friedrich Hayek), nous invite à l’analyse des racines plus profondes de la crise financière, à savoir la politique monétaire américaine qui, en passant en quelques années ses taux de 8% à 3%, puis de 3% à 6%, de 6% à 1%, de 1% à 5,25% avant de tomber finalement à 0%, a constitué un formidable facteur de distorsion économique et de falsification du prix de l’argent.
Il est assurément dommageable que l’on se soit tourné vers Keynes pour tenter de comprendre et de soigner la crise alors que la “théorie autrichienne du cycle économiqu”, hélas trop méconnue, est comme le montre Pascal Salin “la seule théorie capable d’expliquer la crise financière et donc d’en prévoir l’arrivée”. Les remèdes keynésiens – augmenter les dépenses publiques, faire de la création monétaire, distribuer du pouvoir d’achat – ne peuvent, pour l’auteur, qu’aggraver la maladie et différer la guérison. Mieux vaudrait laisser les marchés rétablir l’équilibre par la faillite des banques irresponsables, la sanction de leurs actionnaires et laisser faire une purge déflationniste ajustant les prix et les salaires à la quantité de monnaie réellement disponible.
Si cette vision est théoriquement séduisante, elle se heurte cependant au fait que les périodes d’ajustements déflationnistes (qui supposent des réductions des salaires, des indemnités et des pensions) sont politiquement explosives et dangereuses pour les démocraties. Alors que l’on parle de “refondation”, Pascal Salin nous propose de rompre avec un pseudo-capitalisme et des réglementations tatillonnes qui étouffent la régulation par la responsabilité. “Revenir au capitalisme”, c’est retrouver les exigences d’un capitalisme régulé par le principe de responsabilité. Ce livre, assurément iconoclaste, n’est pourtant pas utopique. Car, qu’on le veuille ou non, il existe des lois de l’économie que l’on ne peut impunément renier.
“Revenir au capitalisme pour éviter les crises”, de Pascal Salin. Editions Odile Jacob (256 pages, 25 euros).
Alain Madelin, ancien ministre des Finances mars2010
