Changes et Devises

Charles Gave : Arbre de décision

Je ne sais pas si le lecteur du JDF est comme moi, mais je suis un peu abasourdi par la cacophonie européenne. Pour résumer les choses simplement, il semble que tout le monde en Europe soit d’accord pour que les Allemands paient pour sauver ce monstre qu’est l’euro, sauf les Allemands, ce qui est quand même incompréhensible. L’ingratitude de nos voisins d’outre-Rhin est tout simplement inimaginable ! Il est urgent de revenir à des questions simples qui appellent des réponses tout aussi simples. C’est ce que je vais essayer de faire….

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Première question (répondre par oui ou par non) : l’ajustement budgétaire demandé à la Grèce, au Portugal, à l’Espagne, à l’Irlande et bientôt à la France peut-il se faire avec un euro surévalué comme il l’est aujourd’hui ? La réponse est : NON.

Donc pour que l’euro ne se fracture pas en ces différentes composantes nationales, il faut que ce dernier baisse profondément, certainement au-dessous de 1,10 vis-à-vis du dollar. Si cela se passe, toutes les grandes sociétés exportatrices européennes vont vraiment gagner de l’argent. Acheter des valeurs exportatrices européennes est donc la conclusion première de notre arbre de décision, la conclusion subsidiaire étant qu’avoir des obligations d’Etat des pays européens douteux (liste fournie sur demande) confine au masochisme. Soit le détenteur ne sera pas remboursé, soit il va perdre 30 % en pouvoir d’achat international…

Deuxième question : l’euro va-t-il survivre dans sa forme actuelle ?

 Je ne sais pas, mais enfin, il y a deux mois, M. Trichet déclarait que parier sur la disparition de l’euro était complètement « absurde ». Mais Mme Merkel vient de déclarer qu’il faudrait pouvoir expulser les mauvais élèves de l’euro, c’est-à-dire changer celui-ci. Comme c’est Mme Merkel qui détient les clés du coffre européen, j’ai tendance à accorder plus de poids aux déclarations de la chancelière allemande qu’à celles d’un haut fonctionnaire français arrivé là où il est par lassitude des autres pays et pression politique de son pays d’origine. Donc, la probabilité que l’euro saute et que les monnaies nationales refassent leur apparition n’est pas nulle. Si cela venait à se passer, le « nouveau » DM, qui est actuellement sous-évalué d’au moins 15 % contre les monnaies des autres pays européens (qui, rappelons-le, n’existent plus mais pourraient renaître de leurs cendres), monterait très fortement. Cette hausse déclencherait une baisse des taux très profonde en Allemagne sur les « bunds », les obligations de l’Etat allemand. Les taux à vingt ans en Allemagne sont à 4 % (un peu au-dessous, en fait) et se retrouveraient rapidement à 2 %. Une obligation très longue allemande monterait très fortement sur cette baisse des taux. Un « zéro coupon » allemand ferait plus que doubler en valeur en capital.
Donc, le portefeuille idéal pour un investisseur européen, et qui veut rester en Europe, pourrait être constitué comme suit :
– 75 % en actions des grandes sociétés exportatrices européennes, c’est-à-dire les sociétés qui font au moins 50 % de leur chiffre d’affaires hors d’Europe ;
– 25 % en obligations très, très longues en Allemagne. Si l’euro ne saute pas (parce qu’il baisse énormément), cette partie ne monte pas, voire baisse un peu, mais le détenteur touche du 4 %, ce qui est mieux que le Livret A. En revanche, si l’euro saute, les taux tombent à 2 %, et je double sur mon obligation longue. Cette possibilité de réémergence du DM me fait préférer dans le choix de mes actions européennes les exportatrices françaises ou italiennes aux exportatrices allemandes.

Quand j’étais jeune, il y a bien longtemps, l’un des mes mentors (américain) m’avait dit : « Charles, il faut toujours investir son argent en gardant en mémoire la méthode »Kiss*, la seule qui fonctionne toujours. » Comme je ne connaissais pas cette méthode, malgré de longues années passées à l’université, j’avais demandé des explications. La réponse était venue avec de grands éclats de rire : « Keep it simple, stupid. »
Tel est mon message. L’euro va-t-il baisser ? Espérons-le !
L’euro va-t-il disparaître ? Je ne sais pas, mais je peux me prémunir contre cette éventualité. Autour de ces deux idées simples, je peux bâtir un portefeuille qui me protégera des folies politiques.

PAR CHARLES GAVE* | JDF HEBDO | 27.03.2010

* charlesgave@gmail.com

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