Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a cherché vendredi à rassurer sur l’exposition à la crise grecque des banques françaises, les plus engagées au monde dans ce pays, ce qui inquiète fortement les marchés.
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Une série de nouvelles a relancé, mercredi et jeudi, les craintes sur la situation financière de la Grèce et le plan de soutien qui doit être activé en cas d’impossibilité pour le pays d’honorer ses échéances de dette.
Par ricochet, les marchés ont durement sanctionné les banques françaises jeudi à la Bourse, Société Générale perdant notamment plus de 3%.
En toile de fond, la taille des engagements des banques françaises en Grèce, qui atteignent une cinquantaine de milliards d’euros, ce qui fait de la France le pays le plus exposé.
Cette particularité tient principalement au fait que les banques françaises sont les seules à avoir racheté des établissements grecs ces dernières années, Emporiki pour le Crédit Agricole et Geniki pour la Société Générale.
Victime de la dégradation de l’économie grecque bien avant la crise de ces derniers mois, Emporiki s’est d’ailleurs révélé être un véritable gouffre financier pour Crédit Agricole, qui y a déjà laissé près de trois milliards d’euros ces trois dernières années.
“La logique des marchés est extrêmement simple: on tape sur ce qui potentiellement peut inquiéter”, résume Pascal Decque, analyste chez Natixis Securities.
Pour autant, “je ne pense pas que cela puisse aller très loin, ne serait-ce que parce que je ne vois pas la Grèce faire défaut” sur sa dette, ajoute-t-il.
Quant aux obligations émises par l’Etat grec, elles en détiennent des montants sensiblement équivalents à leurs voisins européens, proportionnellement à leur taille.
“Contrairement aux autres banques grecques, Emporiki et Geniki ont, a priori, peu d’obligations grecques, ce qui constitue un avantage pour elles”, explique M. Decque.
Pour M. Noyer, les risques qu’encourent ces deux filiales sont donc limités, “sauf à imaginer que l’économie grecque disparaisse d’un coup de baguette magique”.
Pour l’heure, les banques françaises pourraient même bénéficier du mouvement de défiance observé récemment vis-à-vis des banques grecques, qui a entraîné le retrait de quelque huit milliards d’euros par les entreprises et les ménages grecs en janvier et février.
Signe de leur fragilité actuelle, les quatre principales banques grecques ont fait appel jeudi à l’Etat, lui demandant environ 15 milliards d’euros de garanties supplémentaires.
Les banques françaises bénéficient ainsi d’une image de solidité, à même de rassurer les épargnants. “Sans qu’il y ait une peur panique, cela peut faire sens d’aller mettre une grosse partie de son argent dans une banque étrangère. Cela profiterait aux filiales de banques étrangères en général”, juge M. Decque.
Selon des sources de marché, ni Geniki, ni Emporiki n’ont observé de mouvements significatifs de retraits ou de dépôts ces dernières semaines.
Selon le journal anglais The Telegraph, certains clients de banques grecques ont commencé à retirer leurs fonds : après € 5 Mds de retraits en janvier, ce serait plus de € 3 Mds supplémentaires qui auraient été retirés en février dernier. Les fonds de ces clients fortunés ont été pour l’essentiel transférés vers la Suisse, le Royaume-Uni et Chypre….
Selon la BdG les retraits de capitaux des banques grecques, qui ont atteint «7,7 milliards d’euros en janvier et février 2010, ont cessé au cours des dernières semaines du mois de mars», a indiqué à l’AFP un responsable de la Banque de Grèce (BdG) ayant requis l’anonymat.
Ces retraits «ne représentent que 3,1% des dépôts des Grecs dans les banques du pays», ont indiqué vendredi de leur côté les médias locaux, citant des banquiers. Mercredi, une étude de Commerzbank s’appuyant sur des données de la BdG avait indiqué qu’au total 8 milliards d’euros ont été retirés des banques du pays par les entreprises et les ménages grecs en janvier et en février par rapport à décembre 2009, soit l’équivalent de 4% du PIB. La Commerzbank avait évoqué un risque de fuite des capitaux. Toutefois, l’analyste de Commerzbank Ulrich Leuchtmann, l’un des auteurs de l’étude interrogé par l’AFP, avait alors indiqué qu’on ne pouvait pas encore parler «de tendance » et que les chiffres de mars permettraient d’y voir plus clair. Cet analyste avait aussi souligné qu’«un retrait d’une telle ampleur était assez inhabituel».
Source afp avril10
A NOTER :
Les banques grecques sont parmi les dernières à avoir publié leurs résultats annuels. Excepté Emporiki Bank, filiale du Crédit Agricole, aucune banque grecque n’a réalisé de pertes durant la crise financière :
– Eurobank EFG : a réalisé un profit trimestriel de € 25 M au 4ème trimestre 2009, meilleur qu’attendu, multiplié par 5 YoY mais en baisse de 77% QoQ. La banque a dû comptabiliser une charge exceptionnelle d’impôt de € 57 M au dernier trimestre. Sur 2009, Eurobank EFG a dégagé un profit de € 305 M, en diminution de 53%. Le Core Tier 1 de la banque s’élève à 9,8% et son Tier 1 à 11,5%.
– Alpha Bank : a publié un résultat net tout juste à l’équilibre au 4ème trimestre 2009 à € 5 M, en deçà des attentes (€ 17 M), mais qui s’élève à € 48 M hors éléments nonrécurrents (taxe exceptionnelle au 4ème trimestre 2009). Sur 2009, Alpha Bank a réalisé un profit de € 350 M, en baisse de 32% YoY. La banque affiche un Core Tier 1 et un Tier 1 de 9,0% et 11,7% respectivement.
Les tensions sur le souverain grec persistent et ne sont pas sans répercussions sur les banques domestiques.
Ainsi, Les banques grecques continuent à être fortement sous pression. Aux incertitudes persistantes liées à l’exécution du plan d’austérité budgétaire de l’Etat et à sa capacité à se refinancer s’ajoutent la baisse des ratings des 4 principales banques grecques par Fitch (en raison de l’impact desdites mesures…) et des articles de presse annonçant par exemple la fuite des dépôts pour € 8 Mds dans des banques étrangères (Chypre, Luxembourg, Suisse).
Plus généralement, la BaFin a souligné la forte exposition des banques allemandes aux pays européens périphériques ou plus endettés (ie en comprenant l’Italie), en annonçant une exposition totale de € 522 Mds, à savoir un cinquième de leurs actifs extérieurs.
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