Commentaire : La Grèce, mauvais élève de la classe
Le pacte européen de stabilité et croissance institué par le traité d’Amsterdam en 1997 prévoit que les pays de l’Union européenne doivent s’offrir des budgets équilibrés en période de croissance de façon à pouvoir, le cas échéant, laisser filer les déficits et soutenir ainsi l’économie en période decrise.
Cette politique doit permettre de lisser l’activité économique, évitant les surchauffes en période d’essor économique et donnant aux Etats les moyens d’agir afin d’éviter des crises profondes. Hélas, les autorités grecques ne l’ont pas entendu de cette oreille ! Après avoir aligné les années déficitaires en période de forte croissance, poussant à la surchauffe de leur économie, elles sont aujourd’hui contraintes d’aggraver encore la crise, en baissant considérablement les dépenses publiques.
PLUS DINCOMPETENCE ET DE GABEGIE EN SUIVANT :
Des mesures difficiles
Fin des stimuli à l’économie, chute des dépenses militaires et hospitalières, baisse de certains types d’allocations, gel des salaires et des engagements dans la fonction publique, augmentation de l’imposition indirecte…, le plan d’austérité proposé par le gouvernement grec et récemment approuvé par l’Europe devrait permettre de réduire le déficit public de 10% en trois ans, mais ne fera pas que des heureux. Logique, puisque cet assainissement se fera au prix d’une détérioration du train de vie des ménages. La Grèce ne sera d’ailleurs pas le seul pays à suivre cette recette.
Depuis plusieurs trimestres déjà, l’Irlande et certains pays baltes appliquent des solutions similaires. Mais en Grèce, de nombreux chantiers fondamentaux restent à réaliser, et notamment une réforme en profondeur du système des retraites.
Ce plan aura un impact considérable sur la croissance.
Ajoutées à la fin des stimuli, ces réformes risquent de plonger l’économie dans le rouge en 2010, toute reprise semblant fort compromise par la suite. En effet, là où d’autres pays ont le choix de dévaluer leur devise pour retrouver leur compétitivité, la Grèce – qui reste membre à part entière de la zone euro – ne pourra ni dévaluer sa devise, ni faire tourner la planche à billets. Dès lors, le regain de compétitivité ne pourra se faire que grâce à des années de modération salariale. Hélas, un tel changement sera lent et les fruits des réformes ne seront visibles que bien plus tard, d’autant que les gains de productivité ne sont pas le point fort de l’économie grecque.
La crise grecque n’est pas finie
Difficile, la mise en application du plan d’austérité sera toutefois nécessaire si la Grèce veut être à même de se financer dans les années à venir. En effet, les besoins en capitaux seront importants.
Le gros de la dette grecque est émis sur des échéances relativement courtes. La dette émise en 2009 avait une échéance moyenne de 5,6 années seulement, alors que l’échéance moyenne de la dette grecque dans son ensemble est de 7,9 années. Dès lors, une part importante de la dette hellénique devra être refinancée dans les années à venir et le pays devra donc recourir aux marchés. Quelque 50 milliards d’euros seront nécessaires pour refinancer la dette et financer le déficit en 2010. Par la suite, le pays devra refinancer environ 26 milliards d’euros de dette qui viendront à échéance en 2011, 31 milliards en 2012, 26 milliards en 2013 et 31 milliards en 2014. Dans tous les cas, il conviendra d’ajouter à ce montant à refinancer les déficits que le pays continuera d’enregistrer et qu’il faudra aussi financer. Même dans le meilleur des cas, avec un déficit de 2,8% seulement à l’horizon 2012, le pays serait encore contraint d’émettre près de 40 milliards de dette.
Grâce au plan d’aide européen, le financement de la dette grecque pour l’année 2010, dont le gros aura été bouclé fin mai, semble assuré. Toutefois, pour qu’une vraie détente des taux grecs se produise, les marchés attendront sans doute des signes de réel progrès dans les réformes promises par Athènes, d’autant plus que le financement européen dépendra de la capacité du gouvernement grec à appliquer son plan de stabilité. Pour la Grèce, le plus dur reste donc à faire.
Car l’espérance de remboursement d’une obligation à 5 ans se situe à 75 centimes pour 1 euro. Le scénario pour la Grèce de quitter l’Eurozone est toujours d’actualité et on risque de voir arriver « l’Eurodrachme ».
Un défaut de paiement n’est pas exclu, permettant à la Grèce de renégocier sa dette en position de force, mais asséchant complètement ses ressources. Il sera difficile d’éviter l’administration de la purge amère du FMI.
Les conséquences au niveau du secteur financier européen seront dévastatrices. Depuis le début de l’année, les banques grecques ont baissé de 32%, les portugaises de 15%, les espagnoles de 14%, les italiennes de 7% et les françaises (exposées à la dette grecque) de 6.6%. Pendant ce temps, les banques américaines ont progressé de 16.7% et les anglaises de 10%. La crainte de voir les pays du PIIGS subir la même défiance que la Grèce est bien réelle. Seule consolation, la faiblesse de l’Euro arrange bien les exportateurs, l’Allemagne en tête.
Tous ces pays vont devoir apprendre à se restructurer avec une monnaie forte, des taux prohibitifs. Cela n’a qu’un nom : la déflation. Sans l’euro, ils auraient opté pour la dévaluation, et donc l’inflation. Là, ils vont devoir couper de manière drastique dans les dépenses publiques, ce qui va rajouter de la récession à la dépression
EN COMPLEMENT Le budget grec s’est envolé de 80% en moins de dix ans
L’argent public consacré à la santé, à l’éducation et au social a plus que doublé entre 2000 et 2008. Dans le même temps, la croissance du PIB n’excédait pas 4 à 5% par an
Où passe l’argent des Grecs? Comment ce pays a-t-il pu être acculé si rapidement dans l’impasse actuelle?
L’explication est connue, Athènes a laissé son budget totalement déraper au cours de la décennie 2000, le pays accumulant une dette qui dépasse désormais de loin son produit intérieur brut, soit la production qu’il génère chaque année.
Un coup d’œil aux statistiques d’Eurostat permet de palper concrètement la situation. Entre 2000 et 2008, les dépenses totales se sont envolées de 79,5% à 115,6 milliards d’euros (165 milliards de francs).
Le budget consacré à la santé a plus que doublé (+128% à 12,3 milliards d’euros), tout comme celui destiné à la protection sociale (+106% à 48,4 milliards d’euros). Celui affecté à l’ordre public a presque triplé (+190% à 890 millions d’euros).
L’enseignement n’a pas été en reste non plus avec un envol de 92% à 7,5 milliards d’euros. Athènes serait aujourd’hui prêt a y retrancher 200 millions d’euros par an, soit 2,7% du budget 2008.
La Grèce n’est certes pas le seul pays à avoir dérapé au point de pratiquement perdre le contrôle de ses finances. Portugal, Espagne et Irlande, soit les autres membres de l’euro dont la dette publique inspire actuellement la plus forte défiance des investisseurs, affichent peu ou prou les mêmes erreurs.
Des exemples? Les dépenses consacrées à l’éducation se sont envolées de 83% en Espagne entre 2000 et 2008 (à 50,6 milliards d’euros), le budget de la protection sociale a flambé de 165% en Irlande (à 24,9 milliards), tandis qu’il bondissait de 91% au Portugal.
L’inflation – contenue depuis plus d’une décennie – ne peut expliquer qu’une fraction de ces progressions. L’Allemagne, pour prendre un contre-exemple, n’a ainsi vu ses dépenses d’enseignement croître que de 16% à 96,3 milliards au cours de la période examinée, tandis que les charges sociales augmentaient de 11,6% et celles consacrées à la santé de 20,1%. Son budget global n’a crû «que» de 17,2%.
La Grèce, comme ses autres compagnons d’infortune, a surfé sur deux phénomènes: une croissance de l’ordre de 4% pendant plusieurs années, qui assurait une hausse mécanique des recettes – malgré de généreuses baisses d’impôts pour les entreprises – et surtout des emprunts contractés à des taux que les marchés n’accordaient jusqu’ici qu’aux pays les plus robustes. C’était l’effet euro. La crise stoppant net la croissance, et donc la progression des recettes, le projecteur s’est braqué sur les seuls emprunts. Les investisseurs font désormais payer des taux reflétant la réelle capacité économique des pays.
On notera que le cas grec s’alourdit d’une singularité pénalisante: son budget militaire. Selon les données disponibles sur le site internet de l’OTAN, ce pays est l’Etat membre de l’organisation dont le budget militaire est le plus élevé rapporté à son économie nationale, inimitié avec la Turquie oblige.
En clair et en chiffres, Athènes a consacré 4,9 milliards d’euros à son armée en 2008, soit 2,8% de son PIB cette année-là.
La Belgique affichait un taux de 1,1%, l’Allemagne de 1,3% et la France, qui entretient l’une des plus puissantes forces européennes, 2,3%. Hormis les baisses de salaires – qui touchent toutefois tous les fonctionnaires – aucune coupe dans le budget militaire n’a été annoncée par la Grèce jusqu’ici.
Par Philippe Gumy le temps avril10
EN LIEN : Les dépenses publiques grecques (cliquez sur le lien)
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“Le pacte européen de stabilité et croissance institué par le traité d’Amsterdam en 1997 prévoit que les pays de l’Union européenne doivent s’offrir des budgets équilibrés en période de croissance de façon à pouvoir, le cas échéant, laisser filer les déficits et soutenir ainsi l’économie en période decrise.”
Pour pouvoir laisser filer les déficits en période de crise économique, il ne suffit pas d’être en équilibre en période de croissance, mais de dégager des excédents.
Le fait n’est pas nouveau. J’invite tous les économistes et décideurs politiques à relire la bible et la parabole des 7 vaches grasses et des 7 vaches maigres.
Les dirigeants politiques européens devraient injecter un total de 600 milliards d’euros (794 milliards de dollars) pour sauver la Grèce, le Portugal et l’Espagne.
Je dis bien : 600 milliards d’euros pour sauver la Grèce, le Portugal et l’Espagne.
Lisez cet article :
http://www.bloomberg.com/apps/news?pid=newsarchive&sid=aCW0uYHW707A