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Yves de Kerdrel : Nous sommes tous grecs

Yves de Kerdrel : Nous sommes tous grecs

  Le jeu de mot est vraiment mauvais. Mais c’est bien la semaine où les Athéniens s’atteignirent. C’est la semaine où le système monétaire construit autour de l’euro a montré ses limites, ses failles et, surtout, son absurdité.

 Demander, au nom d’une prétendue « solidarité europénne », à chaque Français de s’endetter de 250 euros supplémentaires pour prêter à nos amis grecs, alors que nous portons tous déjà un passif de 25.000 euros en raison de l’état des finances publiques, revient à marcher sur la tête. 

Demander à chaque Portugais de s’endetter à hauteur de 195 euros, alors que leur pays est dans le viseur des agences de notation, relève de l’irresponsabilité la plus totale

Depuis soixante-cinq ans, lorsqu’un pays, quel qu’il soit, a des difficultés financières, il fait appel au FMI, qui est une sorte de caisse d’assurance mutuelle, et non pas aux contribuables de ses pays voisins. Ce n’est pas être eurosceptique que de rappeler cela. Mais à entendre, cette semaine, Jacques Delors déclarer que l’intervention du FMI est un aveu d’impuissance pour l’Europe, c’est se tromper de débat. Le problème n’est pas de savoir quel est le meilleur camion de pompier pour éteindre l’incendie. Le problème, c’est d’éteindre le feu qui brûle au pied de l’Acropole. Avant qu’il n’embrase Lisbonne, Madrid ou Paris. Car ne soyons pas dupes : en matière de dettes publiques, nous sommes tous des Grecs ! 

PAR YVES DE KERDREL | JDF HEBDO | 07.05.2010 |

PLUS/MOINS DE GRAISSE EN SUIVANT :

EN COMPLEMENT : L’aide à la Grèce en cinq questions  

. Les États européens et le Fonds monétaire international vont prêter 110 milliards d’euros à la Grèce. Est-ce risqué ? Est-ce suffisant ? Petit décryptage

• À combien s’élève le plan ?  

Le montant total prêté à la Grèce, sur trois ans, est de 110 milliards d’euros. Le Fonds monétaire international prêtera 30 milliards, les États européens 80 milliards. Pour la seule première année, l’enveloppe totale se monte à 45 milliards d’euros.  

Les pays de la zone euro prêteront à un taux d’environ 5%, bien inférieur à celui auquel ils empruntent eux-mêmes sur les marchés. Ils devraient donc, au final, gagner de l’argent grâce à cette opération. En partant du principe que la Grèce remboursera bien les prêts.  

• Est-ce suffisant ?  

C’est encore incertain. «La taille du prêt est substantielle et devrait combler l’essentiel des besoins financiers de la Grèce», estiment les économistes de BNP Paribas, qui tablent sur un besoin total d’environ 120 milliards d’euros. Selon des rumeurs issues du ministère allemand du budget, la Grèce aurait plutôt besoin de 150 milliards d’euros.  

Toujours est-il que grâce au plan, Athènes n’aura pas à retourner lever des fonds sur les marchés avant le premier trimestre 2012, selon le ministre grec des Finances, Georges Papaconstantinou.  

WSJ : La route sera longue pour la Grèce et ses alliés (cliquez sur le lien)

Mais tout dépend du succès -ou non- du plan de rigueur mis en place par Athènes. Si les dépenses publiques sont mal maîtrisées, alors le déficit budgétaire s’envolera, la Grèce devra emprunter plus, la dette se creusera. Les déficit empireront également si la reprise est plus molle qu’attendu. Alors, le plan d’aide se révèlerait insuffisant.  

Hans-Werner Sinn : La rigueur budgétaire ne sauvera pas la Grèce (cliquez sur le lien)

Quand les fonds seront-ils débloqués ?  

C’était une des hantises des marchés, avant l’annonce officielle du plan. La Grèce a en effet un besoin urgent de fonds : elle doit trouver 8 milliards d’euros d’ici le 19 mai. Elle devrait les trouver finalement sans soucis grâce au déblocage rapide de l’aide par les plus grands contributeurs que sont notamment la France et l’Allemagne.  

De nombreux États ont approuvé le plan cette semaine (ou sont sur le point de le faire), comme la Belgique, le Portugal, les Pays-Bas, l’Italie, Chypre, le Luxembourg et l’Autriche. La France a voté le texte dans la nuit de jeudi à vendredi. L’issue du vote ne fait pas de doute, droite comme gauche appuyant le plan d’aide. En Allemagne, après maintes tergiversations, le plan devrait être voté également vendredi.  

L’Italie, qui fait partie des gros contributeurs, décidera du versement par décret et peut le publier immédiatement si besoin. Même procédure en Espagne. •••  

 ••• D’autres États membres montrent moins d’empressement, comme la Slovaquie, qui rechigne, ou encore l’Irlande, la Finlande et la Slovénie.  

Est-ce risqué pour les États de prêter à la Grèce ?  

à en croire l’agence de notation Standard & Poor’s, la plus sévère, la Grèce a 23,08% de risque de faire défaut dans les trois ans. C’est ce que reflète sa note BB+ que lui a attribué l’agence.  

Mais «si les pays européens prêtent à Athènes, c’est qu’ils ne croient pas aux risques de défaut», souligne Jésus Castillo, économiste chez Natixis. La Banque centrale européenne, comme le Fonds monétaire international, estime qu’un défaut est «hors de question».  

Toutefois, «si des problèmes de remboursement apparaissaient au bout de trois ans, les prêts pourraient être prolongés», a déclaré lors des débats à l’Assemblée nationale le président de la Commission des Finances Jérôme Cahuzac. à en croire le député, qui a auditionné le ministre du Budget François Baroin, ce dernier «n’a pas exclu un rééchelonnement de la dette de la Grèce à l’égard des pays de la zone euro puisqu’il a envisagé que cette dette ne soit pas remboursée à échéance de trois ans, mais plus tard».  

Konrad Hummler : Il y a de nombreux parallèles entre sauvetages bancaires et sauvetages d’Etats. Et ils envoient toujours de mauvais signaux. (cliquez sur le lien)

Comment un État endetté peut-il emprunter pour prêter à un autre État endetté ?  

L’Espagne et le Portugal, actuellement attaqués par les marchés et en difficulté économique, vont prêter à la Grèce respectivement 9,79 milliards et 2,06 milliards d’euros.  

Pas de soucis à se faire, selon Jésus Castillo : «ils ont toujours accès au marché pour se financer», contrairement à la Grèce. L’Espagne a d’ailleurs levé avec succès 2,345 milliards d’euros jeudi à un taux moyen de 3,532%. Bien inférieur à celui auquel elle prêtera à la Grèce. L’opération grecque devrait donc se révéler profitable pour les deux pays de la péninsule ibérique.  

D’autre part, le prêt octroyé à la Grèce ne viendra pas plomber le déficit public au sens de Maastricht. Concernant la France, si le prêt pèsera dans un premier temps 3 milliards d’euros sur le déficit budgétaire, il n’aura pas d’incidence sur le déficit calculé par Bruxelles, selon le député Charles de Courson rapportant des propos de Bercy.  

source : Guichard, Guillaume | JDF | 07.05.2010 |

 

 

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