Démembrement des banques too big to fail par Henri Schwamm
Ou quand Nouriel Roubini s’intéresse aux établissements suisses et à la politique des autorités locales en matière de régulation bancaire.
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Il n’est pas courant qu’un auteur américain de l’importance de Nouriel Roubini, professeur d’économie à la Stern University de New York, s’intéresse aux banques suisses et à la politique des autorités helvétiques en matière bancaire.
C’est pourtant ce qu’il fait dans son dernier ouvrage, Crisis Economics, coécrit avec son collègue historien Stephen Mihm et paru en français chez Jean-Claude Lattès sous le titre Economie de crise – une introduction à la finance du futur.
Nouriel Roubini/Stephen Mihn : Economie de crise , une introduction à la Finance du futur (cliquez sur le lien)
Partisans résolus du démembrement des banques too big to fail, les auteurs en question évaluent sans ménagement la solution suisse apportée à ce problème.
Les grandes banques doivent pouvoir faire faillite (banque centrale suisse) (cliquez sur le lien)
Pour qu’un tel démembrement puisse se produire, il faut imposer aux banques qui sont dans ce cas des ratios de fonds propres «substantiellement accrus». Ils reconnaissent toutefois qu’il est difficile de dire dans quelles proportions.
Ils constatent que la réponse suisse, qui a consisté à appliquer à UBS et Credit Suisse un ratio de fondspropres de 16% en lieu et place des 8% retenus par l’Accord de Bâle, ne semble pas satisfaisante puisque, «jusqu’à présent, ces firmes ont réussi à se conformer à ce nouveau ratio sans se défaire d’une seule unité».
Faut-il en déduire que les ratios de fonds propres devraient être portés à des niveaux beaucoup plus élevés encore,«peut-être 20% ou plus»? Ils sont en tout cas convaincus que seules «des mesures draconiennes» obligeraient les établissements financiers à se diviser en entités plus petites et moins dangereuses. Sinon, ces établissements quasi monopolistiques seront encore là pour longtemps.
Conscients qu’une intervention aussi agressive ferait pousser des hurlements aux banques too big to fail et dans un souci d’objectivité, nos auteurs ne manquent pas de rappeler les arguments mis en avant par les établissements concernés:
ils se jugent indispensables au fonctionnement quotidien de l’économie mondiale; ils affirment que leur taille leur permet de réaliser des «synergies», d’être plus «efficaces» et de produire d’autres effets positifs (guichet unique); bref, l’économie mondiale ne pourrait fonctionner sans eux, elle souffrirait beaucoup de l’absence de supermarchés de la finance.
Contre-attaque en règle de la part de Roubini et Mihm: «Tout cela est absurde». Pour plusieurs raisons:
le modèle du supermarché de la finance a échoué. Les établissements comme Citigroup sont devenus des monstres. Quelles que soient sa compétence, son habilité et sa vision de l’avenir, aucun CEO n’est capable de gérer un établissement financier omniprésent dans le monde, offrant des milliers de services financiers différents et employant plus de 300.000 personnes, comme Citigroup à son apogée. La complexité de ces firmes – sans parler des instruments financiers exotiques qu’elles manipulent – fait qu’il est impossible pour le CEO de contrôler ce qui se passe dans chaque division. Les actionnaires ou le conseil d’administration le peuvent encore moins.
Même si les méga-banques fournissaient des services de façon plus efficace que les établissements plus petits – ce qui n’est pas le cas – un tel différentiel d’efficacité ne justifierait pas que le système financier mondial soit l’otage de géants dont la faillite peut avoir des effets catastrophiques.
Ultime motif pour lequel les banques too big to fail devraient être poussées au démembrement:
beaucoup d’entre elles, comme Citigroup ou UBS, n’existeraient peutêtre plus sans la générosité de leur gouvernement. D’ailleurs, concluent, péremptoires, Roubini et Mihm, une banque qui a besoin d’autant d’aide ne mérite pas d’exister».
HENRI SCHWAMM Université de Genève juin10
EN COMPLEMENT : UBS et CS trop grandes/Les deux grandes banques doivent encore maigrir
En dépit des gros progrès accomplis en 2009, exercice de convalescence après la «catastrophique» année 2008, UBS et Credit Suisse demeurent beaucoup trop grandes, trop exposées aux aléas des marchés et insuffisamment capitalisées par rapport à la taille de l’économie helvétique. Le message de la Banque nationale suisse (BNS) contenu dans le «rapport sur la stabilité financière» (cliquez sur le lien) est limpide: les 3574 milliards de francs de bilans cumulés représentent encore presque sept fois le produit intérieur brut (PIB) helvétique. Un multiple qui était encore de neuf en 2008, mais qui demeure le plus élevé constaté au sein des dix pays les plus industrialisés.
Le document dévoile par ailleurs l’exposition d’UBS et de Credit Suisse à la Grèce, à l’Espagne, au Portugal, à l’Italie et à l’Irlande: 60,3 milliards de francs. Un montant qualifié de «modéré».
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