Art de la guerre monétaire et économique

USA et Chine sont condamnés à coopérer par Henri Schwamm

USA et Chine sont condamnés à coopérer par Henri Schwamm

Les deux pays ont intérêt à s’entendre sur le taux de change de leurs monnaies

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L’annonce faite l’autre jour par la Chine d’un assouplissement progressif de sa politique de change ouvre la voie à un abandon de l’indexation de fait, depuis 2008, du yuan sur le dollar américain et à une appréciation «graduelle » de la devise chinoise.

Les Etats-Unis reprochent au gouvernement chinois de «manipuler» (le terme a été utilisé par Timothy Geithner, secrétaire au Trésor) le cours de change au profit d’un yuan sousévalué et de contribuer ainsi à l’énorme décalage entre le surplus commercial chinois et le déficit commercial américain et donc à la crise économique globale.

Sergio Rossi, professeur en macroéconomie et économie monétaire à l’Université de Fribourg, tient à rectifier cette façon de voir dans le numéro de juin du magazine de cette Université(entièrement consacré à la Chine) en précisant que ce grave déséquilibre économique entre les deux pays n’est pas dû principalement au taux de change sous-évalué du yuan, mais tient plutôt au fait que l’économie américaine bénéficie, depuis la signature des accords de Bretton Woods en 1944, du «privilège exorbitant» (l’expression est de l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing) «de ne faire aucun sacrifice de revenu pour importer des produits étrangers». Comme l’avait déjà expliqué Jacques Rueff, le conseiller économique du général De Gaulle, les déficits commerciaux des Etats-Unis sont «sanspleurs» pour l’économie nationale, étant donné qu’il ne coûte absolument rien à ce pays d’émettre des dollars acceptés en paiement par les exportateurs du reste du monde.

Un fait qui portait dans l’oeuf, rappelle Sergio Rossi, la crise dite des subprimes: «Les liquidités surabondantes émises par le système bancaire américain en paiement des importations commerciales nettes dans ce pays ont été à l’origine de la vague de crédits que les banques sur le plan national ont octroyés à n’importe quel agent économique, sans aucun égard pour les garanties minimales de solvabilité des emprunteurs, parce que les possibilités de titrisation des prêts bancaires permettaient apparemment d’externaliser les risques de défaut de paiement – d’autant plus que ces risques ont pu être assurés par des credit default swaps (CDS) dont la rentabilité va de pair avec l’insolvabilité des débiteurs finaux ».

Reste qu’il est dans l’intérêt des deux pays de mettre fin à la brouille au sujet du taux de change entre le yuan et le dollar dans le cadre, propose Sergio Rossi, d’un accord qui facilite le paiement réciproque. Et qui empêche les Etats-Unis de continuer à vivre au-dessus de leurs moyens et amène la Chine à repenser son modèle économique (croissance reposant essentiellement sur les exportations) et à augmenter beaucoup plus ses investissements nationaux. Sans pour autant réduire la propension des ménages chinois à épargner qui, avec un taux de 18%, n’est pas exorbitante, compte tenu du fait que la Chine a un système de sécurité sociale insuffisant.

Un tel changement de paradigme profiterait aux deux pays puisqu’un accroissement du pouvoir d’achat chinois augmenterait du même coup la vente de produits américains aux agents économiques chinois.

HENRI SCHWAMM Université de Genève juin10

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