Affaire Madoff / JPMorgan: la banque avait dès octobre2008 réduit ses positions dans les fonds Madoff
La banque américaine JPMorgan a noté le manque de transparence des produits Madoff dès 2006 et ses doutes se sont renforcés en 2008, ce qui l’a poussée à réduire ses investissements en octobre 2008, deux mois avant l’arrestation de l’escroc américain, selon un document transmis à la justice française. Ces doutes apparaissent dans une note de synthèse d’une responsable juridique de la banque, Rebecca Smith, récemment envoyée au juge d’instruction Renaud van Ruymbeke qui enquête sur la fraude Madoff en France.
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A l’automne 2008, les zones d’ombre entourant les fonds Madoff inquiètent JPMorgan au point de l’inciter à réduire ses investissements dans ce qui apparaîtra, deux mois plus tard, comme une titanesque arnaque pyramidale. C’est ce que montrent les documents obtenus de la banque américaine par Renaud van Ruymbeke – le magistrat qui instruit en France l’enquête pénale sur l’affaire Madoff – et auxquelsL’Express a eu accès vendredi
Ces 500 pages citées par l’hebdomadaire révèlent notamment l’existence d’une main courante déposée par l’antenne londonienne de JPMorgan à la Serious Organised Crime Agency, en octobre 2008. Celle-ci alerte ce FBI britannique de ses «inquiétudes sur Bernard Madoff», le rendement offert par ses fonds étant «trop beau pour être vrai». Mais pas seulement.
Gare à mes amis colombiens
La banque fait part de «menaces à peine voilées sur l’intégrité physique d’un employé» proférées par le patron d’une firme genevoise, Aurelia Finance. Et relate un appel téléphonique au cours duquel celui-ci rappelle «avoir des amis colombiens qui peuvent provoquer des dégâts quand ils s’y mettent».
Comment en est-on arrivé là?
Un ancien administrateur de la société genevoise raconte comment JPMorgan a lancé en 2006 un produit dérivé du fonds Madoff dont Aurelia est l’un des créateurs. Ce «Guaranteed World Notes 2006 – 05.01.2013 Dynamic Basket» a de quoi faire rêver: il permet de profiter des rendements inoxydables offerts par Madoff, tout en garantissant la mise initiale du souscripteur. Personne mieux que JPMorgan n’est à même de le ciseler, la banque ayant alors vendu des produits similaires par centaines de millions de dollars. Résultat, les 50 millions de dollars du super-produit Madoff conçu pour Aurelia se sont arrachés en «deux jours», se souvient l’administrateur. Premiers servis, ses clients. L’avocat de l’un d’entre eux note que sur «un portefeuille de 3000 000 francs, plus de la moitié était dans ce produit».
Deux ans plus tard, peu avant l’écroulement de la pyramide Madoff, brutal revirement de JPMorgan. La banque a des doutes et veut fermer les produits magiques qu’elle a conçus. «Etrangement, la seule raison invoquée était sa volonté de réduire la voilure sur tous les produits structurés», assure un ancien responsable de la firme genevoise.
Un trader londonien de JPMorgan propose alors à Aurelia de rembourser leurs souscripteurs, mais à un prix bien inférieur à celui affiché depuis deux ans. La fureur d’un dirigeant d’Aurelia – qui imagine la réaction de ses clients – l’aurait conduit à proférer ce qui ne serait qu’une «boutade bien comprise», selon l’un de ses proches.
Par Pierre-Alexandre Sallier/le temps oct10