Fonds Souterrains : Face aux sanctions, la course du régime libyen pour rapatrier son argent

La banque centrale et le fonds souverain sont visés par l’Union européenne. Les sociétés pétrogazières pourraient être visées. Des dizaines de milliards de dollars seraient aux mains de la banque centrale….
Depuis jeudi soir, la banque centrale libyenne, la Libyan Investment Authority, ainsi que trois institutions financières voient leurs avoirs en Europe gelés, sur décision de Bruxelles. Egalement dans le collimateur, Mustafa Zarti, coresponsable démissionnaire du fonds souverain alimenté par la manne pétrogazière, rejoint une liste noire de vingt-six proches du régime.
Faisant écho aux 33 milliards de dollars gelés par Washington, ces sanctions visent à empêcher le clan Kadhafi de financer son effort de guerre dans l’est du pays. Et d’acheter le soutien de sa population. Cette semaine, le régime a annoncé le déblocage de 2 milliards de dinars (1,5 milliard de francs) pour subventionner les prix alimentaires, ainsi que le versement d’un chèque de 500 dinars (380 francs) par famille.
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Recyclage de vieux billets
Tripoli a de la marge. Selon une estimation de la solidité financière de la Jamahiriya réalisée l’été dernier par l’agence Standard & Poor’s, les actifs nets de l’Etat libyen représentent une fois et demie la taille de son économie. Et ses réserves de changes étaient à même de couvrir seize mois de balance des comptes courants. Enfin, son endettement était qualifié de «négligeable». Un surplus qui explique pourquoi la banque centrale du pays figure au centre des sanctions européennes. Selon des proches des renseignements américains cités par le New York Times, le régime aurait encore «des dizaines de milliards de dollars» en liquide dans les coffres de son système bancaire. L’ex-gouverneur de l’institution monétaire indiquait en début de semaine au Financial Times qu’une telle mesure «pouvait mener à une crise humanitaire». Présenté comme proche du régime, ce dernier a disparu de la circulation durant une semaine avant de réapparaître à Istanbul.
Son successeur aurait ordonné la remise en circulation de vieux billets, un signal de possibles problèmes de liquidités dans le pays. De même, il y a quinze jours, la tentative, déjouée, de transférer 900 millions de sterling – soit 1,4 milliard de francs – de Londres à Tripoli ne serait que «le début d’une série d’opérations de retrait organisées par la Libyan Investment Authority», prévenait de son côté une spécialiste des réseaux financiers du clan Kadhafi, interrogée par l’agence Gulfnews .
Bloquer le fonds souverain
Selon cette dernière, une cohorte d’intermédiaires et de courtiers, enrichis en organisant les placements du fonds souverain libyen, participeraient à cette tentative de rapatriement. Celle-ci attirait l’attention sur Mustafa al-Zarti; mais également sur Walid al-Jahmi et Esmael Abu Deher, gendre du ministre du Pétrole.
La Libyan Investment Authority apparaît au cœur des sanctions européennes. Objectif? Empêcher le régime de rapatrier le produit des placements réalisé par un fonds souverain de 65 milliards de dollars, «dont près de 70% sont, à notre connaissance, liquides», notait Standard & Poor’s.
Parmi ces actifs des participations dans de grands groupes italiens, parmi lesquels Unicredit. Vendredi, la banque italienne a annoncé qu’elle allait geler les droits de vote de ses actionnaires libyens.
Sanctions pétrolières en vue
Le nerf de la guerre reste les hydrocarbures. Vendredi, l’Union européenne a fait monter la pression d’un cran, évoquant le gel des avoirs des sociétés pétrolières ou gazières libyennes. David Cameron, le premier ministre britannique, parle également de sanctions pétrolières. Christophe de Margerie, patron de la compagnie Total, a estimé vendredi à 80% la chute de la production depuis le début de la révolte. Le pétrole reste également la principale ressource des insurgés de l’est. Basée à Benghazi, l’Arabian Gulf Oil Company, a indiqué être prête à écouler le brut régional pour financer le mouvement.
Par Pierre-Alexandre Sallier /le temps mars11
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Les pétrodollars libyens sont investis dans de nombreux pays. Etat des lieux
Etats-Unis: 32 milliards de dollars gelés. Placements de 300 millions de dollars dans divers établissements financiers.
Canada: 228 millions de dollars dans Veremex, société pétrolière.
Royaume-Uni: 2,3 milliards d’euros gelés; 15 milliards dans l’immobilier à Londres; 3% du capital du groupe Pearson, éditeur notamment de Financial Times; 24,5 millions dans British Arab Commercial Bank.
Italie: 2% dans le capital de Finmeccanica; 7% dans le club de foot de la Juventus; 2% dans Eni, 7,5% dans Unicredit; une raffinerie Cremona.
France: 5 milliards d’euros d’investissements divers; 60 millions dans la Banque internationale arabe; 10,8 millions dans la banque Alubaf.
Espagne: 315 millions d’euros dans la Banco internationale arabe; 18 millions dans l’immobilier et une raffinerie.
Suisse: 500 millions d’euros de placements financiers; une raffinerie et un réseau de stations-service.
Autriche: un milliard d’euros d’actifs gelés.
Luxembourg: un milliard d’euros gelés.
Pays-Bas: siège du groupe pétrolier Tamoil.
Allemagne: raffinerie.
Russie: 1% du capital de Rusal, numéro un mondial de l’aluminium.
Turquie: 75 millions d’euros dans la Arab Turkish Bank
Maroc: 100 millions d’euros dans Oilibya et 182 stations-service.
Bahreïn: 30 millions d’euros dans la banque Alubaf.
Abu Dhabi: 108 millions d’euros dans la Arab Bank for Investment and Foreign Trade.
Egypte: 65 millions d’euros dans la Arab International Bank; une raffinerie et un réseau de 500 stations-service.
Tunisie: 30 millions d’euros dans la banque Alubaf et un réseau de 200 stations-service.
Liban: 60 millions dans North Africa Commercial Bank.
Sénégal: investissement dans l’immobilier, notamment la Tour Kadhafi à Dakar.
Ethiopie: usine de mise en bouteilles d’eau et un réseau de stations-service.
Cameroun: stations-service.
Niger: téléphone mobile et stations-service.
Burkina Faso: 4,6 millions dans la Banque commerciale de Burkina.
Ouganda: téléphonie mobile et réseau de stations-service.
Gabon: forêts et stations-service.
source LT/Le Figaro/NYT/The Telegraph mars11