Asie hors émergents

Séismes et flux financiers par Beat Kappeler

Séismes et flux financiers par Beat Kappeler

Les actions des entreprises de construction sont montées après le tremblement de terre au Japon, de même que celles des producteurs de panneaux solaires après les fissures de la centrale atomique de Fukushima. Doit-on s’en offusquer?  Pas du tout.

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 Les actions des constructeurs ont aussi grimpé au Chili et en Nouvelle-Zélande quand le tremblement a ravagé les maisons et les infrastructures. De prime abord, ce bonheur des uns sur le dos du malheur des autres peut choquer. 

Et pourtant, la suite des événements devrait nous rassurer. Car il est évident que les entreprises de construction devront démarrer rapidement et dans des proportions inégalées. Elles commanderont des machines, du matériel et elles embaucheront du personnel. Mais avec quels moyens?

Le capital nécessaire peut être obtenu, théoriquement, par des réserves accumulées, par de nouveaux crédits ou par une émission de nouvelles actions. Les réserves, pour des entreprises de construction, se trouvent souvent dans l’immobilier, donc dans des valeurs probablement ébranlées aussi par les séismes. Quid donc des crédits?

 Les banques accordent ce capital si la relation entre les crédits et le capital propre d’une entreprise reste saine – il faut donc augmenter le capital par l’émission de nouvelles actions. Le nouveau capital propre des actions émises et les crédits financeront de concert le déploiement de moyens nécessaires à la reconstruction du pays.

Mais comment se procurer ce capital-actions supplémentaire?

Si le cours des actions existantes est à un niveau attractif, comme c’est le cas maintenant après ces tremblements de terre, on peut émettre de nouvelles actions à des prix élevés. La firme se finance donc par de l’argent peu coûteux. 

Le flux financier ainsi créé va permettre l’accumulation de capital réel, l’achat de machines et de matériel. Tout cela peut se produire en l’espace de semaines seulement. C’est même plus rapide que les flux d’argent collecté par une aide humanitaire. Les actions de la construction au Japon se sont envolées il y a presque un mois, tandis que dans les villes suisses des stands de collecte étaient actifs encore samedi passé.

 Il est clair que l’on a besoin de deux flux monétaires: l’aide humanitaire doit soulager les nécessités du moment, et, économiquement parlant, elle participe à la consommation immédiate. Les flux boursiers et de crédit, par contre, constituent un investissement et servent à une reconstruction de longue haleine. 

Il faut se rappeler le fameux dicton d’Adam Smith: nous demandons du pain au boulanger non pas en pointant le doigt sur notre estomac vide, mais en payant pour le service attendu. Les exigences de la morale sont remplies par une transaction entre adultes consentants… dans une boulangerie comme dans les entreprises de construction

 L’argent dans ces transactions boursières japonaises et chiliennes n’est donc que le voile qui cache les transactions réelles, dans ce cas l’achat de machines de construction et leur transfert sur les lieux, et ceci rapidement, sans procédures administratives. C’est ce qui compte en dernier ressort, et si cela se passe par le biais des actionnaires, tant mieux.

La morale rentre en jeu quand même. La valeur des actions de Tokyo Electric Power Company (Tepco) s’est volatilisée et la société pourrait être nationalisée pour une bouchée de pain. On est en train d’en discuter, car la caisse publique devra assumer une grande partie des dégâts de toute façon. Mais là encore, la décomposition de la valeur boursière reflète la ruine réelle des installations sur les lieux du tremblement de terre. Maigre consolation, mais consolation tout de même. 

Les vagues boursières propulsent le réel même sur le plan mondial: les actions de toutes les sociétés produisant des énergies alternatives ou des installations pour le faire se sont envolées. Ces sociétés pourront accéder maintenant plus facilement à du capital nouveau. Leur extension, leurs recherches seront financées à meilleur prix. Une consolation en plus.

Beat Kappeler/le temps avril11

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