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La quête de statistiques pertinentes

La quête de statistiques pertinentes

Le Baltic Dry Index fait souvent figure d’indicateur avancé idéal. Malgré ses défauts. Il se rapproche dangereusement des plus bas de 1986.

Selon la définition, un indicateur avancé est un indicateur économique dont l’évolution reflète avec un peu d’avance celle de l’économie réelle. Un indicateur avancé permet donc d’anticiper des retournements de conjoncture et fait en général l’objet de publications régulières, servant de tests de la bonne santé économique des différentes zones géographiques. L’indice des prix à la consommation ou à la production, l’indice de production industrielle ou la balance des paiements, sont de bons indicateurs avancés. Cependant arrêtons-nous sur le Baltic Dry Index qui, malgré trois défauts qui le caractérisent (lire plus bas), s’oriente vers ses plus bas niveaux depuis sa création en 1985.

 

Le Baltic Dry Index (BDI) est l’indice du coût du fret maritime mondial. Cet indice est coté au fixing de Londres une fois par jour. Il est calculé sur les prix du transport de plusieurs matières premières (le charbon, le métal et les matières premières agricoles) à travers 24 espaces maritimes internationaux. D’une manière générale, l’indice du coût du fret maritime est mesuré par la confrontation de l’offre et de la demande. L’idée est donc que plus il y a de la demande de fret, plus il y a du volume lié au commerce, plus l’indice monte.

PLUS DE BALTIC DRY INDEX EN SUIVANT :

Le BDI est passé sous les 800 points, et se rapproche dangereusement des plus bas de 1986. Depuis le début du mois de janvier, l’indice s’est effondré de 55%! Selon les analystes de l’agent maritime Fearnleys, l’effondrement est particulièrement criant pour les Capesizes, ces cargos géants qui doivent contourner les caps: sur ce segment, les revenus sont descendus en dessous des coûts d’exploitation, avec un taux d’affrètement qui s’est effondré. Le secteur du vrac sec est confronté à une surcapacité structurelle de sa flotte, notamment sur les Capesizes, aggravée par la livraison de nouveaux navires ce mois-ci. Le secteur est aussi touché par quatre éléments précis:

le ralentissement des importations chinoises de minerai de fer (1/3 du trafic de ce type de navire)

• le Nouvel An chinois

•la crise européenne qui impacte la demande

• des interruptions de chargements en Australie et au Brésil en raison des conditions climatiques.

Le transport des matériaux de base influence la production de produits finis et semi-finis, l’étude de son évolution permet donc d’anticiper l’activité économique à venir. En d’autres termes, le BDI est un des indicateurs majeurs à l’échelle mondiale traduisant de la future production voir même de la croissance économique.

Selon le cabinet d’analyse BMI, la croissance du trafic des ports chinois devrait ralentir en 2012, passant ainsi d’une croissance de fret en 2011 à 9,27% à 5,83% en 2012. Il faut rappeler qu’en 2011, la croissance du fret était de 9,27% dans ce même pays et le trafic du port de Shanghai avait atteint les 30 millions d’équivalents vingt pieds. Pour mémoire, Shanghai est le premier port mondial en termes de trafic de conteneurs et Shenzhen est le quatrième.

Le cabinet rappelle que les tonnages du port de Shanghai et de Shenzhen augmenteront respectivement de 5,36% et 2,8%. Tous transports maritimes de marchandises confondues (vrac compris), huit des dix premiers ports mondiaux se trouvent en Chine.

Une précision toutefois: l’envolée de l’indice début 2009, après son effondrement fin 2008, correspond à l’achat massif de minerais par la Chine pour accroître ses stocks stratégiques, et non à une hypothétique fin de crise. Il ne faut pas oublier que le Baltique Dry Index est biaisé par trois facteurs:

Le dollar. Le Baltic Dry Index est calculé en dollar. L’évolution de l’indice peut donc être influencée par le marché des changes.

La spéculation. L’offre de transport par bateau est inélastique, la construction d’un bateau prend près de deux ans et le nombre de cargos à travers le monde est donc connu des acteurs du transport. A contrario, la demande peut varier si un pays décide d’augmenter ses réserves de métaux (ou matières agricoles) ou à l’inverse si de nombreux acteurs économiques cessent d’importer (pour des raisons de crise économique comme en 2008).De ce fait, une faible variation de la demande peut fortement impacter le cours de cet indice. Dans une dynamique de relance économique, la Chine a souvent diversifié ses réserves de change. Le but étant de se préparer à un éventuel redressement de sa production industrielle en achetant massivement du minerai de fer ce qui fait machinalement grimper les frais de location de cargo.

La surcapacité. Les commandes de navires passées avant le déclenchement de la crise de 2008 sont arrivées sur le marché entre 2010 et 2011 et ont largement alimenté la surcapacité qu’il y a actuellement. Donc, aujourd’hui l’offre de vaisseaux croît à un rythme supérieur aux attentes. Pour éviter que les prix de fret ne s’effondrent totalement, certains pays ou multinationales préfèrent laisser des bateaux à vide au large des cotes pour réduire la surcapacité qu’il pourrait y avoir et faire remonter les prix.

Et cela ne devrait pas s’arranger, puisque l’on s’attend à l’augmentation de 22,7% de la flotte actuelle, compte tenu des livraisons qui vont être réalisées par les chantiers navals cette année, selon les calculs de Macquarie. En outre, le cours du fret pour les navires « Capesize » (les plus gros navires, au-delà de 80.000 tonnes de cargaison) a déjà chuté de 76% depuis le début de l’année. 

Le blog financier Zero Hedge ne partage cependant pas cette analyse ; il ne voit aucune augmentation en masse de la flotte de cargos sur les derniers mois, et infirme l’hypothèse d’un lien entre le naufrage de l’indice Baltic Dry Index, et du nombre de navires opérationnels. En revanche, il pointe l’augmentation continue du prix des matières premières, couplée à une chute de leur demande, ce qu’il explique comme un signe de dévaluation monétaire. Sa conclusion, c’est qu’il se pourrait bien que « le monstre de la stagflation (inflation combinée à une stagnation économique) ait été ramené à la vie par la sombre alchimie de la création de dette criminelle et des dépenses de relance financées par de l’impression de monnaie débridées.»

Pour être au plus proche de la corrélation entre le BDI et l’évolution du marché il conviendrait d’être plus en amont de la chaine de production. Il faudrait davantage se focaliser, par exemple, sur les carnets de commande à l’export, plus représentatifs en termes de volume. L’indicateur du taux d’occupation d’un affréteur de porte-containers (produits finis), l’indice Harpex est aussi plus corrélé avec l’évolution économique mondiale.

Malgré ces trois derniers éléments exogènes qui viennent se greffer sur cet indice, nous avions une corrélation quasi parfaite (jusqu’en 2010) entre l’indice BDI et le CRY Commodity Excess Return qui représente le l’évolution l’ensemble des prix des matières premières. Cependant un retournement de tendance a eu lieu début 2011 et devient de plus en plus excessif.

Il s’agit donc d’être extrêmement vigilant. Au delà des différents points cités, un rattrapage devrait avoir lieu dans les prochaines semaines, qui pourrait se traduire par une correction des marchés à travers une baisse (momentanée?) du momentum économique. Cet état de fait serait en adéquation avec la fin du rebond des marchés initié fin novembre 2011.

John-f. plassard  Louis Capital Markets Genève /agefi janv12

EN COMPLEMENT : Les multiples facteurs de recul des frets secs

L’indice BDI subit la pause en Asie suite au Nouvel an lunaire. Outre la surcapacité chronique et la hausse du carburant.

Les prix des frets secs ont accentué leur chute la semaine dernière, s’enfonçant à leur plus bas niveau depuis 2008. L’indice composite Baltic Dry Index (BDI), moyenne des prix pratiqués sur 24 routes de transport en vrac de matières sèches (minerais, charbon, métaux, céréales, etc.), a terminé vendredi dernier à 726 points, son plus bas niveau depuis décembre 2008, contre 862 points le vendredi précédent.

Il s’est effondré de plus de 50% sur les trois premières semaines de l’année, s’enfonçant sous le seuil des 1.000 points pour la première fois depuis trois ans.

«L’activité a considérablement baissé la semaine dernière, avec les congés ayant suivi le Nouvel an lunaire» du 23 janvier, qui ont notamment paralysé la demande chinoise, moteur du marché dans le Pacifique, ont expliqué les experts de l’agent maritime Fearnleys.

Mais les difficultés rencontrés par le marché des frets sont plus profondes, ont-ils averti: «deux facteurs simples tirent les prix vers le bas: la demande de chargements dans le monde est en berne alors que l’offre de navires disponibles ne cesse de grandir».

«Le phénomène de surcapacité de la flotte mondiale n’est pas nouveau» mais conjugué à un environnement économique morose et au fort renchérissement des prix du carburant (+7,5% depuis début janvier), «il rogne dangereusement les marges financières des propriétaires de navires», a souligné Miswin Mahesh, analyste de Barclays Capital.

Dans ce contexte, contraints de baisser leurs prix pour s’adapter à une demande en berne, «plusieurs propriétaires n’arrivent même plus à couvrir leurs coûts de fonctionnement», a poursuivi M. Mahesh, estimant cependant que les prix ont tellement baissé qu’»un modeste rebond du marché semble presque inéluctable».

Le Baltic Capesize Index (BCI), qui compile les tarifs des «capesize» (navires contraints par leurs dimensions à naviguer au large des caps Horn et de Bonne-Espérance), a terminé vendredi à 1.465 points, à son plus bas niveau depuis mai 2011, contre 1.554 points sept jours auparavant.

Le Baltic Panamax Index (BPI), qui comporte sept routes (la plupart pour les céréales) empruntées par les navires adaptés aux dimensions du canal de Panama, a quant à lui fini vendredi à 815 points, un niveau inédit depuis janvier 2009, contre 1.020 points une semaine plus tôt, soit un recul hebdomadaire de 20%.

Les tarifs des frets pétroliers, de leur côté, limitaient leurs pertes, mais «il semble que les propriétaires de tankers soient eux aussi contraints d’attendre la fin des congés du Nouvel an lunaire en Asie pour voir l’activité sur le marché retrouver son rythme normal», ont noté les analystes de Fernleys.


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