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Affaire Condamin-Gerbier : La théorie du complot et les faits

Affaire Condamine-Gerbier : La théorie du complot et les faits 

EN LIEN:  Affaire Condamin-Gerbier: Mediapart réplique à Arrêt sur image à propos de L’Agefi Suisse

Condamin-Gerbier. Mediapart le présente comme un lanceur d’alertes victime de la raison d’Etat. La justice suisse est d’un autre avis. 

Dans un article daté du 21 août, Mediapart présente Pierre Condamin-Gerbier comme un lanceur d’alerte victime de la raison d’Etat en Suisse (lire l’éditorial en page 1). Combinant ton exalté et erreurs factuelles, le papier n’est pas loin de dresser le portrait d’un prisonnier politique, privé de sa liberté pour des motifs arbitraires et ce, peu après avoir «commencé à livrer ses premiers secrets» aux juges anti-corruption français, le 2 juillet à Paris. Or la justice suisse déjà s’est exprimée sur les faits reprochés à Pierre Condamin-Gerbier et sur les raisons de son maintien en détention. 

Il n’a jamais été question de violation du secret bancaire. Les principaux éléments de la décision du 6 août du Tribunal pénal fédéral, accessible au public, sont reproduits ici. 

Pour rappel, Pierre Condamin-Gerbier a été arrêté le 5 juillet et son domicile a été perquisitionné le jour même. Le 19 juillet, il a fait recours contre la décision du 9 juillet du Tribunal des mesures de contrainte, qui a ordonné sa mise en détention. Ce recours a été rejeté par décision de la Cour des plaintes du 6 août. Pierre Condamin-Gerbier risque une peine privative de liberté de trois ans au plus. 

Les faits reprochés à PCG

«…le Ministère public de la Confédération a ouvert une enquête contre Pierre Condamin-Gerbier le 24 juin 2013 pour les chefs de service de renseignements économiques (art. 273 CP), vol (art. 139 CP), violation du secret de fabrication ou secret commercial (art. 162 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et violation du secret professionnel au sens de l’art. 43 de la loi sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (LBVM; RS 954.1; act. 6.0). Le prévenu est suspecté entre autres d’avoir répandu à plusieurs reprises, dans la presse notamment, des informations sur le fonctionnement interne et les activités confidentielles de A. SA ainsi que de B. Sarl, en particulier quant à leur clientèle française, informations acquises alors qu’il travaillait en qualité de gestionnaire, puis d’employé-gérant auprès de ces sociétés. Il aurait également soustrait puis falsifié des documents de B. Sarl.»

(…) 

Sa stratégie de défense

«En l’espèce, le recourant conteste l’existence de forts soupçons le concernant. Il fait valoir que le secret de A. SA a été violé par l’ancien client de cette dernière, l’ex-ministre Jérôme Cahuzac, mais pas par lui. Par ailleurs, il considère que pour fonder sa requête de mise en détention, le MPC s’est fondé essentiellement sur des articles de presse, dont la fiabilité ne saurait être admise. Il retient que les informations qu’il aurait soustraites ne sont toujours pas identifiées clairement. Il dément fermement avoir livré des noms ou des documents aux commissions parlementaires, policiers, magistrats français ou journalistes et soutient que lorsqu’il travaillait pour A. SA, respectivement B. Sarl, celles-ci n’étaient pas des banques, mais des sociétés de gestion de fortune et qu’il ne saurait de la sorte être soumis à un quelconque secret, fût-il professionnel, de fonction ou bancaire.»

(…) 

Les différentes déclarations en Suisse et en France

«Il ressort du dossier que le prévenu a, à diverses reprises, livré des informations dont il avait eu connaissance alors qu’il était employé auprès des plaignantes. Certes, lors de ses auditions par les autorités suisses, il a nié plusieurs fois avoir communiqué des noms de clients disposant d’un compte non déclaré auprès des plaignantes ou s’être exprimé sur l’affaire Cahuzac. Toutefois, lors de son audition déléguée, il a admis avoir confirmé aux autorités françaises, le nom de certains clients auprès de divers établissements bancaires pour lesquels il travaillait. Par ailleurs, l’enregistrement public de l’audition du 3 juillet 2013 du recourant par la Commission d’enquête parlementaire française «Cahuzac» permet de constater que le prévenu a affirmé à cette occasion – sous serment – qu’il avait transmis, le jour précédent, la liste des noms concernés à la justice française (http://www.assemblee-nationale.tv/media.12.4492 minute 6.14). 

Le lendemain, la presse de l’Hexagone se faisait l’écho de ces révélations, indiquant que le prévenu aurait fourni des indications précises aux autorités judiciaires françaises sur la manière dont A. SA aurait aidé en 2007 un homme d’affaires français, C., à rapatrier des fonds en France placés en Suisse et au Luxembourg. Il aurait également mentionné à cette occasion le nom d’un homme politique français. 

Par ailleurs, durant son audition par la Commission, le prévenu a également soutenu, entre autres, que c’est son témoignage devant les enquêteurs français le 20 février 2013 qui leur a permis de faire le lien entre le compte en Suisse de Cahuzac et A. SA (lien assemblée nationale précité, minute 49.22). Durant cette audition de la Commission, il a également notamment indiqué quelle avait été l’activité de A. SA avant le 31 décembre 2009 pour transférer les comptes non déclarés de ses clients français vers Singapour avant une modification de la législation suisse qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2010 et entraînait un durcissement en matière d’évasion fiscale ou encore quel a été le rôle de D. dans l’apport auprès de A. SA de clients, essentiellement des hommes politiques français.»

(…) 

La falsification présumée

«De surcroît, le recourant est mis en cause pour d’autres chefs de prévention que ceux évoqués ci-avant, tels le vol ou le faux dans les titres; il aurait en effet falsifié un document à l’entête de B. Sarl.» 

Le risque de collusion

«Le dossier soumis à l’autorité de céans recèle suffisamment d’éléments pour fonder, à ce stade encore, un risque concret de collusion. En effet, il apparaît que des auditions des très ombreuses personnes avec lesquelles le prévenu a pu avoir des contacts, la majorité d’entre elles étant à l’étranger, pourraient s’imposer. Aujourd’hui, la teneur exacte des informations que ce dernier a révélées est encore incertaine. Il est en outre le seul à savoir à qui il a confié quoi précisément et par voie de conséquence, quels sont les personnes susceptibles d’être influencées ou les éventuels moyens de preuve pouvant être altérés. Plus spécifiquement, il aurait affirmé que «des éléments de preuve auraient été remis à une partie tiers». 

Il y a lieu de pouvoir identifier de qui il s’agit sans craindre que le recourant ne rende vaines ces recherches. Il sied de pouvoir clarifier aussi si le document qui semble avoir été photographié dans les locaux d’Europe 1 – et dont les fac-similés produits au dossier sont illisibles – peut effectivement avoir été falsifié. Au demeurant, ledit risque de collusion est renforcé en l’occurrence par le fait que les explications du recourant portant sur l’état de faits sous enquête demeurent pour le moins contradictoires puisqu’il a régulièrement varié dans ses déclarations. Pareils constats peuvent laisser à penser que le recourant cache encore certains éléments à l’autorité de poursuite et que, en cas de mise en liberté, il mettrait cette dernière à profit pour prendre contact avec des témoins, afin de tenter d’influencer leurs déclarations.» 

Le risque de fuite

«Dans la mesure où le risque de collusion est établi, il justifie à lui seul la mesure de détention, et nul n’est en principe besoin de s’interroger en l’état sur le risque de fuite. 

Quoiqu’il en soit, la Cour relève qu’en l’espèce, le risque de fuite est réalisé (…). Certes, le prévenu conteste toute velléité de quitter le territoire suisse puisqu’il allègue en substance ne plus avoir de lien avec la France. 

Il faut cependant admettre avec les autorités intimées que le recourant et son épouse sont tous deux de nationalité française et que le premier retourne très souvent dans son pays d’origine. Le prévenu n’a plus de travail ni de source de revenu en Suisse puisqu’il ne peut plus être mis au bénéfice des allocations chômage; ses perspectives de trouver un emploi dans notre pays sont quant à elles plus que ténues et son épouse est également sans emploi. Ils sont au surplus assez lourdement endettés. Certes, le prévenu invoque n’avoir plus d’attache avec son pays d’origine, que sa mère âgée vit avec eux pendant près de 6 mois par an et que son très jeune enfant est malade et doit se faire soigner dans le canton de Vaud. Cependant, vu la gravité des infractions qui lui sont reprochées, il y a lieu d’admettre à ce stade qu’il soit tenté de se soustraire à l’action pénale par la fuite.» 

La proportionnalité de la détention provisoire

«Compte tenu des faits retenus contre le recourant qui est en détention depuis un peu plus de 30 jours, la détention est encore proportionnée, l’infraction de service de renseignements économiques (art. 273 CP) étant à elle seule passible d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou, dans les cas graves, d’une peine privative de liberté d’un an au moins. L’enquête procède au surplus avec célérité. La mesure de détention apparaît ainsi justifiée. 

Au vu des considérants qui précèdent, le recours doit être rejeté.

(…) 

Le recourant se voit mettre à sa charge les frais de la présente procédure, de 1500 francs.»

Sébastien Ruche/ AGEFI SUISSE Vendredi, 23.08.2013

http://agefi.com/suisse/detail/artikel/condamin-gerbier-mediapart-le-presente-comme-un-lanceur-dalertes-victime-de-la-raison-detat-la-justice-suisse-est-dun-autre-avis.html?issueUID=398&pageUID=11889&cHash=e522e1a92f3417d5e89a7ae87bd818dc


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3 réponses »

  1. @The Wolf. Avec tout le respect que je vous dois, la version de l’Agefi n’est pas crédible. La liste existe pour qui connait l’affaire. Le Journaliste Antoine Peillon l’a reconnu et bien que Condamin-Gerbier ne soit surement pas un gentil repenti, il n’est pas pensable qu’il ait pu être idiot au point de fabriquer une fausse liste. Cette liste pourrait faire sauter la république française donc on comprend qu’on veuille nier son existence.

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    • @Seb

      A ce stade vous avez du remarquer que nous ne faisons que reproduire, mettre à disposition les différents textes. Cela est assez rare de notre part pour ne pas être souligné. Les différents intervenants connaissent non pas le dossier, mais une partie du dossier mieux que nous ce qui explique et justifie notre réserve. Nous ne commentons ni les contrevérités spécifiques de Médiapart ni les maladresses du ou de la journaliste qui est en première ligne.
      En revanche compte tenu de nos liens avec l’AGEFI, nous mettons notre crédibilité dans la balance pour soutenir que le Journal n’a aucun intérêt à soutenir une version ou une autre, les insinuations de Médiapart sont déplacées.

      Médiapart ce n’est un secret pour personne qui le lit, a choisi de mener un combat politique dont la stratégie le rapproche du Front de Gauche ou du moins d’une de ces composantes. Ce combat est honorable dans un monde ou depuis belle lurette l’information ou plutôt la désinformation règne en maitre. L’information est un des lieux privilégiés du combat politique.

      Nous pensons qu’il faut reconnaitre l’existence d’un conflit entre d’un côté:

      -La nécessité de faire plonger ces hommes politiques de tous bords qui nous taxent , nous contrôlent, nous épient et se permettent de nous fustiger.

      -Le tout aussi nécessaire respect de l’état de droit. Sans état de droit, il n’y a plus de liberté individuelle, il n’ y a que violence et arbitraire du plus fort.

      C’est en raison de ce conflit que je n’écris pas, à ce stade sur cette affaire.

      Vous parlez d’un « on » à la fin de votre remarque, qui visez-vous?

      Merci de votre fidélité.

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  2. @Bruno Berthez. Merci pour votre commentaire. Le « on » visait une certaine oligarchie française dont les politiques censés figurer sur cette liste. J’ai beaucoup de respect pour l’Agefi mais là je pense qu’on touche à des intérêts extrêmement puissants et que tout le monde peut se faire manipuler, même les journaux les plus sérieux. Je préfère être terre à terre. Si on me dit que la liste est fausse, je veux bien le croire, si on me dit qu’elle n’existe pas ce n’est plus crédible…

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