Crony Capitalism

L’affaire de la «baleine de Londres» se retourne contre JPMorgan

L’affaire de la «baleine de Londres» se retourne contre JPMorgan

Des poursuites ont été engagées contre deux anciens traders. La banque, elle, pourrait se voir infliger une amende au mois de septembre

L’affaire de la «baleine de Londres» continue à faire des remous. Des deux côtés de l’Atlantique. Les autorités de régulation financière américaines et britanniques s’apprêteraient ainsi à infliger une amende à JPMorgan Chase. Une sanction qui pourrait tomber à la mi-septembre, a révélé vendredi l’agence Bloomberg.

La semaine dernière, le parquet de New York a déjà annoncé avoir engagé des poursuites contre deux anciens traders de la banque américaine. Julien Grout et Javier Martin-Artajo sont accusés d’avoir falsifié des comptes de l’établissement entre mars et mai 2012 afin de dissimuler des centaines de millions de dollars de pertes. Ils encourent 20 ans de prison et 5 millions d’amendes chacun pour fraude et conspiration. Reste à savoir si leur hiérarchie était, ou non, au courant de l’artifice.

Pour l’heure, les deux hommes n’ont pas été arrêtés. Chargé de l’enquête, le procureur vedette de Manhattan Preet Bharara – connu en Suisse pour avoir fait chuter la banque Wegelin – a indiqué qu’il espérait les voir se rendre d’eux-mêmes aux Etats-Unis pour «se présenter devant la justice».

Retour en arrière. En avril 2012. Le Wall Street Journal et Bloomberg sont alertés par des courtiers de positions «énormes» et «très risquées» prises sur le marché du crédit. Un trader aurait parié sur la bonne santé des entreprises américaines et vendu, en très grandes quantités, des contrats d’assurance permettant de se couvrir contre leur faillite. Les fameux CDS, ou «Credit Default Swap». Les positions sont telles – on parle de dizaines de milliards de dollars – que ce financier est surnommé la «baleine de Londres» dans les milieux boursiers.

Son identité est rapidement révélée: il s’agit de Bruno Iksil, un trader français basé dans la capitale britannique et qui officie pour le compte du «Chief Investment Office» (CIO), l’une des entités les plus rentables de la banque new-yorkaise. Ses paris sont d’autant plus risqués que l’économie américaine montre des signes de ralentissement. Si bien que d’autres investisseurs, attirés par l’odeur du sang, n’hésitent pas à en prendre le contre-pied. Et à créer une situation qui va rapidement devenir intenable pour JPMorgan.

Dans un premier temps, le grand patron de la banque évoque une «tempête dans un verre d’eau». Un mois plus tard, Jamie Dimon reconnaît toutefois qu’il s’est «totalement trompé». Et que des erreurs «flagrantes» se sont produites au sein de son établissement. Conséquences directes: les résultats trimestriels de la banque sont rabaissés de 660 millions de dollars, tandis que le cours de son action chute de 20% à la bourse de New York.

Au final, les pertes engendrées par les positions de la «baleine» s’élèvent à 6,2 milliards de dollars pour JPMorgan. Quant à Jamie Dimon, un temps pressenti pour remplacer Ben Bernanke à la tête de la Réserve fédérale américaine, il a été sommé de venir s’expliquer devant une sous-commission sénatoriale à Washington. Un véritable affront pour un banquier qui avait non seulement survécu à la crise des «subprime», mais qui en était ressorti plur fort que jamais. La semaine dernière, Preet Bharara a en outre rappelé que l’enquête n’était pas encore close. Et que d’autres dirigeants de la banque pourraient être inquiétés par la justice américaine. Il a qualifié au passage les contrôles internes de la banque de tout sauf indépendants et rigoureux et souligné que l’affaire de la baleine était bien davantage qu’une «simple tempête dans un verre d’eau».

Bruno Iksil, lui, s’est vu offrir, au mois de juin, la garantie d’une immunité de la part des autorités américaines. En échange de sa coopération. Selon Preet Bharara, le Français a tenté à plusieurs reprises d’avertir sa hiérarchie de l’ampleur des pertes encourues par ses positions. Des pertes qu’il a lui-même qualifiées de «monstrueuses» et d’«effrayantes» dans plusieurs courriels parvenus aux mains des autorités américaines. «Il a été une voix de la raison et a sonné l’alarme à de nombreuses reprises», a expliqué la semaine dernière le procureur fédéral.

L’ancien supérieur hiérarchique de Bruno Iksil, l’Espagnol Javier Martin-Artajo, est par contre accusé d’avoir fait pression sur son subordonné pour qu’il minimise les dégâts dans des documents destinés aux hautes sphères de la banque. Lorsque le Français inscrit tout de même une perte de 40 millions de dollars sur une position, son chef le rappelle à l’ordre: «Pourquoi t’as fait ça, t’as perdu la tête mec?» se serait-il exclamé, selon des propos rapportés par le New York Times.

De son côté, Julien Grout – ancien trader «junior» et assistant de Bruno Iksil – est accusé d’avoir volontairement réduit le montant des pertes liées aux transactions de son collègue. Une falsification dont le montant atteint 292 millions de dollars pour le seul mois de mars 2012. Il appartient désormais à la justice de déterminer s’il a agi de son propre chef ou s’il lui a été soufflé de le faire.

Les trois hommes ont tous été licenciés en 2012. Alors que Bruno Iksil coopère avec les autorités américaines, Julien Grout est rentré chez lui, en France, un pays qui n’extrade pas ses ressortissants. Quant à Javier Martin-Artajo, il était en vacances la semaine dernière. Mais il a promis, via son avocat, qu’il retournerait bientôt à Londres.

Par Sébastien Dubas/Le Temps 24/8/2013

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/e54f30b2-0c1a-11e3-a4d7-52d68c5003fd/Laffaire_de_la_baleine_de_Londres_se_retourne_contre_JPMorgan


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