“En Suisse nous serons sans nul doute les seuls à appliquer Fatca! “
La Suisse va probablement se retrouver avec le… Japon sans réciprocité face aux Américains.
Autogoal: la Suisse sera vraisemblablement le seul pays à appliquer Fatca
Ce titre n’est pas tout à fait correct. Il aurait dû être «Autogoal: la Suisse sera vraisemblablement, avec le Japon, le seul pays à appliquer Fatca» mais comme le Japon n’est pas un acteur clé en matière de gestion de fortune, partager le privilège d’être les seuls à appliquer Fatca n’est pas significatif. J’espère que vous me pardonnerez d’ignorer le Japon dans cette analyse.
Si la Suisse sera très vraisemblablement la seule à appliquer Fatca, c’est parce qu’elle a négocié – et obtenu – (il fallait le faire!) l’application d’un Factca 2, dont une des caractéristiques est de ne pas inclure de réciprocité. Cela signifie que les banques suisses devront fournir les informations sur les contribuables américains mais que les banques américaines ne seront pas tenues de le faire pour les contribuables suisses comme cela est prévu dans Fatca 1, adopté par tous les autres signataires de Fatca.
Or, il se trouve que l’application de la réciprocité américaine soulève une fronde aux Etats Unis. Plusieurs états et parlementaires s’y opposent fermement, notamment en faisant valoir l’inconstitutionnalité de cette disposition. Sans entrer dans les détails et les raisons officielles ou cachées de leur argumentation, le fait est que si les opposants obtiennent gain de cause, les Etats Unis ne seront pas en mesure d’honorer cette partie du contrat. Cela aurait évidemment pour conséquence d’invalider l’accord et, par conséquence, la demande faite aux signataires de Fatca 1 de fournir les informations demandées. Exit Fatca 1!
Mais pas exit Fatca 2… puisque ce dernier ne prévoit aucune réciprocité américaine! Tous les professionnels savent que, en affaiblissant considérablement le secret bancaire, Fatca 2 va substantiellement réduire la compétitivité de la Suisse en matière de gestion d’actifs. Son impact sera d’autant plus douloureux que, en créant un précédant, il incite d’autres juridictions à demander la même chose. Comment refuser aux Européens ce qui a été concédé aux Américains?
Le coût de mise en œuvre informatique et organisationnelle de Fatca 2 a par ailleurs été chiffré en centaines de millions. Ce coût n’apporte aucune contrepartie à la Suisse mais juste un supplément de charges qui réduit ses profits. J’aurais préféré consacrer cet argent à mieux rémunérer les collaborateurs du bas de l’échelle ou à investir dans ce qui peut améliorer la compétitivité de notre industrie financière ou encore la capacité d’innovation de nos entrepreneurs.
Avant de se précipiter pour négocier, coûte que coûte, «autre chose» que le Fatca originel (= Fatca 1), il aurait été opportun de faire «ses devoirs». C’est-à-dire de faire vérifier par des experts américains de haut vol, notamment des lobbyistes et des avocats, les forces et faiblesses de Fatca. Cela aurait permis de mettre en évidence la (ou les) vulnérabilité(s) de Fatca sur le plan domestique. Une fois identifiées, ces armes auraient dû conduire la Suisse à conserver l’exigence de réciprocité dans la mesure où elle représente une magnifique opportunité d’invalider Fatca, en bloc et de faire l’économie de son coût ainsi que de ses effets collatéraux. En tout cas à ce stade des hostilités…
Belle occasion manquée car conserver la réciprocité n’aurait par ailleurs vraisemblablement rien coûté à la Suisse. Sa présence dans l’accord n’impose en effet pas à la Suisse d’y avoir recours. Je doute en effet que ce soient les Américains qui aient fait du retrait de la réciprocité une condition incontournable des autres concessions demandées dans Fatca 2.
Je ne sais pas qui sont les cerveaux suisses qui ont conduit à l’élaboration de Fatca 2, mais à leur place et en l’absence d’arguments «béton» (non encore révélés), j’aurais de la peine à me regarder dans le miroir.
Alors qu’une meilleure préparation aurait pu l’éviter, il n’y a en effet pas de quoi être fier d’avoir affaibli la compétitivité de la Suisse, d’avoir sapé la croissance de l’industrie financière, d’avoir fait supprimer des emplois et d’avoir décrédibilisé la Suisse en matière de négociation internationale.
La lecture – et l’intériorisation – de l’Art de la Guerre ainsi que des écrits de Machiavel devraient être des prérequis incontournables pour nos gouvernants. Ce n’est pas parce qu’on a été élu dans un gouvernement ou une autre institution que cela signifie qu’on est qualifié pour négocier avec talent.
Grâce à ce cas d’école, la Suisse mérite d’avoir une place de choix dans le Guiness book des records, dans les catégories auto goal et auto sabordement… Pas de quoi se vanter!
RAPHAËL H. COHEN Professeur, auteur, chef d’entreprises et administrateur de sociétés, rc@ManagementBoosters.com Vendredi, 30.08.2013/ AGEFI SUISSE
Fatca: tous déclarés
Contrairement au système Qualified Intermediary (QI) qui visait à assurer au fisc américain la bonne imposition des revenus de source américaine, le système Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca) veut obliger tous les contribuables américains détenant des avoirs en dehors des Etats-Unis à les déclarer.
Propagation par effet de contamination
A la base, il faut rappeler l’importance des flux économiques liés au dollar américain. Pour être efficaces et compétitifs, les intermédiaires financiers doivent être connectés à un dense réseau de correspondants liés au dollar afin de traiter les transactions pour le compte de leur clientèle. Cet état de fait avait déjà permis aux Etats-Unis d’imposer le système QI à l’ensemble de la planète. Ce constat prévaut également pour le système Fatca, bien qu’il aille plus loin encore dans les exigences qu’il impose.
Redoutable d’ingéniosité et d’efficacité, le système Fatca agit par effet de contamination des institutions financières établies en dehors des Etats-Unis. Ce système va opérer en remontant les réseaux de transmission de flux financiers utilisés par les intermédiaires, tel un virus qui se propage. Une affiliation de chacune des institutions voulant rester dans les systèmes de règlements internationaux deviendra alors inévitable. Dans le cas contraire, une ponction de 30% sur les flux monétaires transmis serait opérée par les intermédiaires situés en amont et déjà convertis au système. Du point de vue économique, il paraît donc difficile à tout intermédiaire financier d’échapper à ce système.
Perte de souveraineté, nouvelle classification et risques pénaux
Tout d’abord, il y a dans cet accord une application directe du droit américain, ce qui constitue, sous l’angle juridique, une perte de souveraineté nationale. En outre, cela représente un risque opérationnel accru pour les participants, qui devront appliquer une législation étrangère de fait. En effet, il n’est jamais évident de maîtriser un droit étranger dans le cadre du traitement quotidien de ses propres opérations.
Les institutions financières suisses devant participer au système seront classifiées au travers des nouvelles dispositions entre établissements rapporteurs enregistrés, non enregistrés et établissements exemptés. La place est extrêmement restreinte pour bénéficier d’allégements au système Fatca puisque seules les institutions à but non lucratif au bénéfice d’exemption fiscale et les communautés de copropriétés par étages pourront être libérées de toute charge. Les établissements opérant localement pourront éventuellement éviter de s’inscrire. Toutefois, ces derniers devront opérer de nombreux et récurrents contrôles afin de régulièrement s’assurer de ne pas dépasser les seuils tolérés.
Enfin, de nouvelles dispositions pénales permettront l’introduction de poursuites pouvant être diligentées aussi bien par les autorités suisses qu’américaines. Ainsi, le fait de ne pas s’enregistrer en tant qu’établissement financier rapporteur auprès du fisc américain pourrait constituer un cas sanctionné par une amende pouvant aller jusqu’à 250 000 francs.
Deux choix pour les clients concernés
Soit les clients américains décident de coopérer et autorisent les banques suisses à transmettre les données les concernant, soit ils s’abstiennent et n’entrent pas en matière. Dans ce cas, l’établissement détenteur du client non coopératif devra communiquer, sur une base agrégée et anonyme, les comptes concernés aux autorités américaines.
A noter que, pour toute nouvelle relation bancaire ouverte, un standard impliquant la correcte identification du statut fiscal des clients américains ainsi qu’une transmission systématique d’informations sera dorénavant mis en place.
La plupart des banques et clients concernés ont déjà anticipé ces nouvelles contraintes. Par conséquent, les clients américains ne voulant pas se régulariser ne devraient plus représenter qu’un minimum de cas d’ici à la fin de l’année. D’une certaine manière, le système Fatca a déjà produit une part importante des effets désirés, même si le processus législatif n’est pas encore terminé en Suisse. Ceci expliquerait le large niveau d’acceptation ou plutôt la résignation affichée par les banques suisses dans ce dossier.
Demain, tous identifiés
Le système Fatca vise à identifier chaque contribuable américain avec la fortune et les revenus non déclarés le concernant. Les procédures d’identification des clients non coopératifs sont conçues pour fournir au fisc américain les informations nécessaires afin de pouvoir requérir une demande d’entraide dont les chances de succès seront garanties. En effet, les données qui étayeront ces demandes seront indiscutables puisque obtenues au travers du dispositif Fatca lui-même. D’autre part, il faut également noter que la reconnaissance de la fraude fiscale va s’élargissant. Dans l’hypothèse où de telles demandes ne seraient pas traitées dans un délai de huit mois, un impôt à la source serait alors prélevé. La clôture de relations demeurées anonymes pourrait même être exigée par le fisc américain.
Le système de ponction d’impôt à la source de 30% n’est finalement qu’un mécanisme de pression sur les institutions financières afin qu’elles s’affilient et permettent de sécuriser l’impôt dû par les contribuables américains non coopératifs.
Il n’y a donc aucune place pour un système d’impôt libératoire visant à remplir ses obligations fiscales par le prélèvement d’un impôt forfaitaire tout en préservant l’anonymat des clients américains.
Par Laurent Bovet Senior Manager Tax, Mazars SA/ Le Temps
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/35e3f95e-f7ad-11e2-a3d7-767ba9a9f6b9