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Il faut réparer le régime américain des retraites Par Henri Schwamm

Il faut réparer le régime américain des retraites Par Henri Schwamm

Les régimes professionnels de retraite se soldent par un déficit abyssal dû à de mauvais choix politiques et à une absence de discipline budgétaire. 

Une étude du Pew Research Center de Washington remontant à 2010 et mise à jour en 2012 (The Trillion Dollar Gap) conclut que les régimes professionnels de retraite aux Etats-Unis (au niveau des Etats de l’Union et au niveau local) se soldent par un déficit abyssal (différence entre le financement consenti et les bénéfices escomptés du régime), dû à de mauvais choix politiques et à une absence de discipline budgétaire. Il faut reconnaître aussi que les plans de retraite ont été sérieusement déséquilibrés par les revers boursiers durant la période 2000-2002 et par la crise du crédit de 2008. Le centre de recherche en question déplore en particulier que dans la majorité des Etats américains (34), le financement des retraites des salariés est inférieur à 80%. Les Etats les plus coupables sont le Connecticut, l’Illinois, le Kentucky et Rhode Island (dans lesquels les retraites sont financées à moins de 55%). Les meilleurs élèves sont la Caroline du Nord, le Dakota du Sud, Washington et le Wisconsin (dans lesquels les retraites sont financées à 95% ou plus). Le Wisconsin est le seul Etat où le régime professionnel de retraite est entièrement financé. 

Prenant appui sur ce douloureux constat, l’Association de Genève pour l’étude de l’économie de l’assurance vient de donner son avis sur le régime de retraite outre-Atlantique dans un rapport intitulé Public Pensions in the US – No Salvation in Finance: Time to Do the Real Work. Elle rappelle d’abord quels sont les éléments constitutifs de sa propre approche, dite des Quatre Piliers, pour garantir une planification fiable des retraites: 1. un système universel public tel que la Sécurité sociale; 2. un régime professionnel de retraite appuyé sur les employeurs et supervisé financièrement par le gouvernement; 3. l’engagement des épargnants privés utilisant les intermédiaires financiers; 4. la continuité de l’emploi assurée grâce à la suppression des diverses entraves à l’emploi partiel des retraités. 

Le recours excessif à l’un des quatre piliers (notamment le système universel public ou l’épargne privée) menace les finances publiques et/ou la capacité individuelle à financer correctement les retraites. L’Association de Genève insiste sur le fait que l’emploi des retraités, s’il est restreint d’une quelconque façon, prive inutilement l’économie d’une partie de son capital humain. Il ne faut pas oublier que le capital humain, c’est-à-dire la capacité de générer du revenu, gagne à être valorisé tout particulièrement dans des sociétés qui ont des populations vieillissantes. 

La situation des plans de retraite aux Etats-Unis est désastreuse. Et n’est qu’un aspect parmi d’autres de la profonde crise financière du pays. L’Association de Genève n’hésite pas à l’affirmer sans ambages. Le régime américain des retraites a donc besoin d’être sérieusement réformé. À cette fin, le think tank genevois avance un certain nombre de propositions. Il recommande entre autres la mise en place de mécanismes assurant le respect par les employeurs d’une obligation légale de contribuer régulièrement année après année au financement du régime des retraites en fonction des calculs actuariels. Tout plan non totalement financé devrait prévoir la possibilité de paiements dans un compte spécialement prévu à cet effet. Tout plan qui n’est pas financièrement totalement couvert dans un délai de cinq ans devrait prendre des mesures permettant d’affilier tous ses membres à la Sécurité sociale à l’issue de la période de cinq ans. Tous les obstacles à l’emploi des retraités devraient être supprimés. 

Une solution pérenne du problème ne sera pas uniquement le résultat d’opérations financières, mais d’une véritable réforme structurelle. Qui à tout le moins réduirait ou de préférence éliminerait le coût des faillites, qui renforcerait les mesures d’incitations à traiter le problème avec le sérieux et l’honnêteté requis (en évitant en particulier d’utiliser l’argent destiné aux retraites à d’autres fins) et qui améliorerait la gouvernance: en l’absence de superviseurs indépendants aux Etats-Unis des bailleurs de fonds (sponsors) des plans de retraite, ces sponsors devraient réglementer eux-mêmes leur comportement. 

Les retraites publiques ne bénéficient pas actuellement aux Etats-Unis d’un traitement prioritaire de la part des Etats et des autres gouvernements locaux. Un changement rapide s’impose si l’on veut éviter l’équivalent dans ce domaine d’une ruée sur les guichets de banque (bank run).  

HENRI SCHWAMM Université de Genève/ Agefi Suisse vendredi, 10.01.2014

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