Art de la guerre monétaire et économique

Douce France – Amitiés dangereuses : Quand l’Élysée se prend les pieds dans le Tapie

Il y a, je m’en étonne toujours, d’étranges coïncidences dans l’actualité. Ainsi en ce premier week-end de mars où l’on apprend concomitamment que Michael Jackson aimait beaucoup les petits enfants et que Bernard Tapie aurait été (conditionnel passé) un vilain garçon truqueur de matchs et prêt à pactiser en secret avec le « monstre » Le Pen contre un siège à l’Assemblée.

Je ne vois pas, dans l’une et l’autre nouvelle, matière à surprise. Michael Jackson et les petits enfants de Neverland ou Bernard Tapie et ses magouilles en cascade, ce n’est rien que du réchauffé pour les seniors dont je suis.

En fait, ça nous rajeunit, surtout pour ce qui concerne Tapie, dont l’image a été singulièrement ripolinée par les médias ces dernières années. En général, on attend que les gens soient morts pour en faire de saintes figures ; pour Nanard, c’est la maladie qui a fait le job (pardon, mais on enregistre, chaque année en France, une moyenne de 148.737 décès par cancer, alors le cas Tapie, hein…).

Tapie, donc. Une personnalité majeure des années Mitterrand, celles qui sont entrées dans l’Histoire comme « les années fric ». Il est vrai que, bien avant Sarkozy et le bling-bling ostentatoire, le fric n’aura jamais tant pesé dans le paysage qu’en cette période de glorieuse accession du Parti socialiste à la tête de l’État. On a dit que ces gens-là avaient longtemps manqué, raison pour laquelle ils se sont goinfrés en arrivant au pouvoir. Drapés dans leurs apparences prolétariennes (madame Fabius promenait ses jumeaux en 2 CV), ils se dotèrent de quelques marionnettes emblématiques pour planquer leurs faux nez. Au premier rang le gouailleur Nanard.

On ne fera pas la liste des casseroles qui ont émaillé la carrière du monsieur, les coups qu’il a arrangés, ceux qu’il a éventuellement pris après avoir servi une classe politique pas toujours reconnaissante avec ses hommes de main. Pasqua avait ses « petits papiers » pour tenir son monde. Tapie a lui aussi, sans doute, ses dossiers en réserve, raison pour laquelle la Sarkozie lui fit non pas une fleur mais une gerbe hors de prix (c’est vous et moi qui l’avons payée) dans l’arbitrage Adidas-Crédit lyonnais. Mais les années passent et les régimes trépassent : « Rendez l’argent ! » crie depuis quelque temps le peuple en colère.

Voilà donc qu’aujourd’hui, Marc Fratani, l’ancien attaché parlementaire et assistant personnel dudit Tapie, balance dans Le Monde. Il est question d’entreprise de corruption, d’achat de matchs et d’arbitres, de drogue injectée dans les bouteilles d’eau des joueurs adverses… Mettre volontairement des entreprises en faillite, jouer au bonneteau électoral et, pour finir, ponctionner le contribuable, pas grave ! Mais toucher au foot, ça…

Et il y a pire, encore : en 1993, Bernard Tapie aurait rencontré Jean-Marie Le Pen pour demander que ses candidats en PACA maintiennent leur candidature au second tour afin de créer une triangulaire aux législatives. Circonstance aggravante : il serait allé à Montretout, dans l’antre de la bête. Marc Fratani, l’ancien bras droit qui se confesse au Monde, dit l’avoir accompagné. Tapie s’en défend. S’énerve. Affirme sur BFM : « Si j’avais dû rencontrer Le Pen, je l’aurais rencontré avec personne. La première chose à faire quand on fait quelque chose de mal (sic), c’est qu’on prend pas de témoin avec soi. » Voilà voilà… Et quand Apolline de Malherbe le chatouille un peu trop, Bernard Tapie se lève et menace de quitter le plateau.

La leçon de cette histoire ? La voilà : les journalistes ont un train de retard sur l’opinion. Si le RN est bien la force d’opposition majeure au pouvoir actuel, Jean-Marie Le Pen n’est plus l’axe central de la politique française. C’est un repoussoir qui n’existe plus que dans leurs têtes mais ils ne le voient pas. Quant à Bernard Tapie, personnage de feuilleton à audience, il n’est jamais si bon qu’en Guignol qui cogne sur le gendarme…

Amitiés dangereuses : quand l’Élysée se prend les pieds dans le Tapie

By Editoriauxwww.bvoltaire.fr mars 11, 2019 Nicolas Gauthier

À défaut de faire figure de procès du siècle, ce sera au moins celui du mois, Bernard Tapie semblant parvenir au dernier acte de cet interminable feuilleton judiciaire l’opposant à l’État depuis, maintenant, un sacré bout de temps, si ce n’est plus et en comptant large. Il y serait question de 400 millions d’euros qui pourraient lui valoir quelque dix années de prison, ce qui n’est pas rien non plus.

On laissera évidemment à notre confrère Philippe Bilger le soin de commenter l’aspect judiciaire de l’affaire, l’auteur de ces lignes étant à peu près aussi plausible en cet exercice qu’un unijambiste convoqué à un concours de coups de pied au cul.

En revanche, il est un autre aspect de cette affaire à multiples rebondissements, consistant en la fascination mutuelle qu’entretiennent « voyous » et hommes d’État ; laquelle mérite néanmoins d’être mise en lumière. En effet, cet étrange attelage n’est pas tout neuf. Pour en revenir aux plus proches décennies, celles de l’après-guerre, on rappellera que c’est durant l’Occupation que ces liaisons, antiques comme le monde, connaissent un début d’officialisation.

Dans le maquis, il faut des hommes sachant se servir d’un flingue : les flics, les paysans et les marlous. Ces derniers présentent cet avantage que seule donne l’intensive pratique de la clandestinité. D’où un Jo Attia, gredin patenté, résistant à peu près avéré ; mais qui, surtout, se distingue par un comportement héroïque durant son séjour à Mauthausen. À tel point que d’autres déportés – futurs députés et ministres – lui devront la vie. D’où, encore, son étrange impunité dans les années qui suivent et son emploi régulier dans ce qu’il est communément admis de nommer les « basses besognes de la République ».

D’autres amitiés naissent encore dans d’autres années à venir, à la fois troubles et algériennes : pour lutter contre les sicaires de l’OAS, on n’envoie pas des sacristains et le moins possible de membres du service action du SDECE, tous peu ou prou acquis à la cause de l’Algérie française. Pas plus que pour briser les grèves insurrectionnelles de la CGT dans le port de Marseille on ne dépêche des Petits Chanteurs à la croix de bois.

Cette parenthèse historique passée, demeure le facteur psychologique. Les binoclards ayant fait de hautes études, naviguant de mariages arrangés en cénacles de barbons, voient, dans la fréquentation de gars à la redresse, une sorte de bol d’air frais. La litanie est sans fin. Valéry Giscard d’Estaing, impressionné par les carambouilles d’un Michel Poniatowski et ses amitiés à la limite de la limite. Jacques Chirac, tout épaté des réseaux d’un Charles Pasqua et ce qu’ils parviennent à accomplir de miracles en une légalité toute relative.

En la matière, Dominique de Villepin ouvre une ère nouvelle, entretenant les relations qu’on sait avec Alexandre Djouhri, autre personnalité « sulfureuse » et montée en grade sous les ors de la République, entre monde des cités et celui des affaires. Il y a là un bagout, une assurance, un charisme de Julot qui s’apprennent plus à l’école du 9-3 qu’à celle des technocrates. Quel frisson de s’encanailler à si peu de frais… Emmanuel Macron, face à un Alexandre Benalla, ne peut que succomber devant ce petit supplément d’humanité interlope que ses proches conseillers, tous plus coincés les uns que les autres, ne sauraient lui procurer.

Bernard Tapie est un peu de ce monde de l’entre-deux-mondes, même si quelques pointures en dessous de ses illustres précurseurs ; ce qui ne l’empêche pas de bénéficier de l’indulgence aussi amusée qu’intéressée d’un François Mitterrand. Partageant le même goût de la transgression et des opérations tordues, ils sont faits pour s’entendre contre un Michel Rocard, puceau aussi idéaliste que protestant. D’où la liste Énergie radicale, lancée par ce binôme, telle une torpille, contre celle, socialiste, menée par l’infortuné futur et ex-Premier ministre, signant au passage la mort politique de ce dernier lors des élections européennes de juin 1994.

Sur celle-là figurait, en quatrième position, une certaine Christiane Taubira. Comme quoi il n’y a pas que les premiers de la classe à tomber dans les filets des aigrefins ; les chaisières aussi.

Sacré Nanard !

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