1984

Covid1984 – Pourquoi la plage est-elle interdite? Par Maxime Tandonnet

Pourquoi la plage est-elle interdite?

« QUI CONTRÔLE LE PASSÉ CONTRÔLE LE FUTUR ; QUI CONTRÔLE LE PRÉSENT CONTRÔLE LE PASSÉ »

« L’Océania était en guerre avec l’Eurasia. L’Océania avait, par conséquent, toujours été en guerre avec l’Eurasia. L’ennemi du moment représentait toujours le mal absolu et il s’ensuivait qu’aucune entente passée ou future avec lui n’était possible. […] l’effrayant était que tout pouvait être vrai. Que le Parti puisse étendre le bras vers le passé et dire d’un événement : cela ne fut jamais, c’était bien plus terrifiant que la simple torture ou que la mort.

Le Parti disait que l’Océania n’avait jamais été l’alliée de l’Eurasia. Lui, Winston Smith, savait que l’Océania avait été l’alliée de l’Eurasia, il n’y avait de cela que quatre ans. Mais où existait cette connaissance ? Uniquement dans sa propre conscience qui, dans tous les cas, serait bientôt anéantie. Si tous les autres acceptaient le mensonge imposé par le Parti – si tous les rapports racontaient la même chose –, le mensonge passait dans l’histoire et devenait vérité.

« Celui qui a le contrôle du passé, disait le slogan du Parti, a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé. »

Et cependant le passé, bien que par nature susceptible d’être modifié, n’avait jamais été retouché. La vérité actuelle, quelle qu’elle fût, était vraie d’un infini à un autre infini. C’était tout à fait simple. Ce qu’il fallait à chacun, c’était avoir en mémoire une interminable série de victoires. Cela s’appelait « Contrôle de la Réalité ». On disait en novlangue, double pensée. »

Georges Orwell – 1984

Parmi toutes les interdictions qui se sont abattues sur la France depuis mi-mars 2020, l’une emblématique, est ressentie comme particulièrement choquante : celle de se rendre sur une plage. Elle est à l’origine de multiples protestations et pétitions en provenance notamment des communes littorales. Les Français, dans leur ensemble, admettent vaille que vaille, comme un peuple docile, certaines suspensions de leurs libertés, y compris la plus précieuse de toute, celle d’aller-et-venir dès lors qu’elle peut, dans leur esprit, se justifier par la nécessité d’enrayer l’épidémie et sauver des vies. Ils acceptent le principe de leur assignation à résidence, une mesure privative de la liberté, ils tolèrent de se soumettre à l’obligation de détenir un sauf-conduit et à des contrôles qui dérogent aux fondements d’une démocratie-libérale dès lors que la suspension  de leur liberté est temporaire, circonscrite dans le temps, et qu’elle est compréhensible quant à son lien avec la lutte contre la contagion.

En revanche, l’interdiction de se rendre sur les plages n’a pas de fondement rationnel. Il est permis de se rendre dans des magasins, de prendre les transports en commun bondés, de marcher dans la rue ou dans les espaces publics. Mais pourquoi donc la plage, où justement l’espace est infini – la France compte 5041 km de côtes sablonneuses, comme d’ailleurs les forêts ou les montagnes, est-elle strictement prohibé ?  D’ailleurs, jamais, à l’exception du temps de l’occupation allemande où tout accès au littoral était « verboten » pour des raisons militaires, la plage n’a ainsi fait l’objet d’une interdiction globale. De fait, le risque de la contagion, dans l’espace infini des rivages maritimes, est inexistant comparé à l’entassement urbain des bus et métro qui lui est autorisé. « Il vaut mieux éviter la tentation » leur dit-on. Cela signifie-t-il que les Français sont considérés comme assez inconscients ou stupides pour aller s’entasser comme au mois d’août sur la Côte d’Azur ? Ou bien que dans un étrange élan de superstition, la population serait vouée à une grande cure de repentance ou de pénitence nationale face au mal invisible qui frappe le pays et ainsi privée de plage comme du plus naturel des bonheurs?

L’explication de l’interdiction des plages est d’une autre nature. La France est de toute évidence entrée dans une logique totalitaire, non pas au sens des régimes sanguinaires du XXe siècle, fascistes ou soviétique, mais au sens de l’obligation de conformisme et de l’impératif du troupeau. D’ailleurs, cette tentation totalitaire ne vient pas uniquement du sommet de la pyramide car elle s’exprime aussi dans le comportement des détenteurs locaux d’une autorité, d’un pouvoir bureaucratique, des petits chefs zélateurs, qui n’hésitent pas à surenchérir avec jubilation sur les ordres venus d’en haut, ou bien dans la tentation de la délation, de dénoncer son voisin dont l’heure réglementaire d’autorisation de sortie est dépassée ou encore dans ces reportages répugnants des télévisions qui pointent les Français soi-disant indisciplinés dans les gares ou les parcs.

Or, la plage, plus que tout autre espace, est un symbole d’évasion. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » (Baudelaire). Marcher sur une plage, en compagnie du vent, des embruns et des mouettes, exprime le goût de la liberté. L’horizon marin est aux antipodes des barreaux d’une prison. Un esprit qui vagabonde au-dessus des eaux dans la direction de l’infini n’est soumis à aucun lien, aucune servitude. La solitude d’une plage est le pire pied de nez à l’instinct grégaire et à la chicote des bureaucrates tatillons. C’est pourquoi, l’image d’hommes et de femmes ou d’enfants marchant sur le littoral leur est insupportable, inacceptable. Ils redoutent par-dessus tout que la vision médiatisée de personnes circulant librement au bord de la mer fasse désordre au regard du nouvel ordre social. Cette image symbolique de l’homme seul sur une plage  détonne sur la loi du troupeau qui dans le nouveau monde est désormais censée régenter chacun de nos faits et gestes.

Maxime TANDONNET

« La liberté est un rêve d’esclaves. » — Nicolás Gómez Dávila, Le Réactionnaire authentique

EN BANDE SON :

5 réponses »

  1. Les mesures demandées dans les écoles me semblent relever du même ORDRE – mais là où il peut et veut s’appliquer en chaque recoin, en plus d’imposer des univers aseptisés et pathogènes ! à nos enfants par ailleurs selon Raoult, « non porteurs, ni malades ».
    Et quoi de mieux comme conditionnement, faire vivre une expérience de sur-contrôle, de rééducation comportementale, de peur en plus… Heureusement que je vois le tableau de rigolades qui vont naître, irrésistiblement.
    Nous allons peut-être continuer à nous débrouiller à la maison hors de ce merdier kafkaien.

  2. Lorsque nous voyons la carte du déconfinement, nous nous apercevons que tous les territoires en vert sont proches de la mer. Et comme ce gouvernement interdit tous les traitements qui marchent. On peut se demander si l’air marin ne serait pas un traitement contre le virus ?

  3. Il faut regarder aussi du côté du patronat ( MEDEF) , nous savons maintenant qu’ils veulent ouvrit les garderies ( les écoles ) , pour nous renvoyer à la tâche …..s’ils ne veulent pas nous ouvrir les plages , c’est aussi parce que durant ce confinement , ils ne veulent pas que gens partent s’y détendre …Le MEDEF ne veut pas que ce confinement ressemble à des vacances . L’armée de moutons doit rester mobilisable à tout moment pour faire remémarrer la machine économique

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