Tout semble aujourd’hui indiquer que notre environnement économique et financier deviendra plus chaotique. Comme le souligne avec beaucoup de pertinence ce bon vieux Alan Greenspan voici venu le temps des Turbulences…
Pour illustrer ce propos, une présentation de la théorie de la Grande Modération s’impose….
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La théorie de la Grande Modération qualifie et explique, à travers trois facteurs principaux, la baisse de la volatilité du cycle économique et de ses principaux composants depuis le milieu des années ‘80. Cette baisse concerne à la fois la sphère réelle, où la volatilité de la croissance du produit intérieur brut (PIB) des pays développés s’est réduite de 50% et la sphère financière, qui a bénéficié d’une baisse de 66% de la volatilité de l’inflation.
Or, il semblerait que depuis deux ans environ, les trois facteurs principaux utilisés par la théorie de la Grande Modération vacillent. Et, ils entraînent dans leur sillage un risque plus important de ruptures dans les marchés financiers.
Le premier d’entre eux concerne la fragilité de la politique monétaire. Elle a en effet beaucoup évolué depuis le début des années ‘80, lorsque les banques centrales des pays développés avaient su dompter les démons de l’inflation, sous l’impulsion de la politique monétaire radicale de Paul Volcker, alors président de la Fed.
Aujourd’hui, face à la virulence de la crise économique et financière, les autorités monétaires ont dû répondre par des politiques extrêmes, en rupture avec leur champ d’application traditionnel. Leurs interventions sur des marchés moins conventionnels – sous la forme de quantitative easing – constituent ainsi une nouveauté, dont l’étendue des effets sur le cycle économique reste encore relativement difficile à cerner.
Ces actions généreront-elles par exemple de l’inflation ou de la déflation? Les acteurs économiques perdront-ils durablement confiance dans la valeur du dollar? Et quelles seront les conséquences sur la croissance économique? Enfin, quelles stratégies les banques centrales adopteront elles pour sortir du quantitative easing?
Ces questions restent ouvertes. Et plusieurs mois seront sans doute nécessaires pour y répondre plus précisément.
Le second facteur responsable de la baisse de la volatilité de ces trente dernières années tient à une régulation plus soutenue du système économique et financier. A ce titre, les démarches qu’avait entreprises l’administration de Ronald Reagan, visant à la dérégulation et au décloisonnement des banques (politique des «2D»), avaient été reconnues comme une innovation financière. Mettant fin au Glass Steagall Act, elles furent une source de croissance économique plus stable. Le développement de la finance aux Etats-Unis s’était ainsi vu agrémenté par la création de multiples moyens de financement et de protection contre les risques, avec à la clé un nouvel essor du marché du crédit.
Du coup, une demande agrégée additionnelle avait été générée, plaçant le taux de croissance structurel du PIB américain à un niveau supérieur à celui des autres économies et au-dessus de son propre taux de progression historique. Aujourd’hui, la dérégulation et le décloisonnement du secteur financier américain ont fait un effet boomerang sur l’ensemble de l’économie. Et l’innovation financière effrénée a probablement atteint ses limites, à l’instar de la prolifération d’une dette aux risques mal encadrés à l’origine de la crise des subprimes. Par ailleurs, l’innovation financière en matière de produits structurés a inondé les bilans des banques d’actifs toxiques.
La conjonction de ces deux phénomènes a rompu les mécanismes de crédit, tant du côté de l’offre que de celui de la demande.
La récession économique s’en est retrouvée intensifiée et la reprise économique américaine plus incertaine.
Enfin, l’appellation amusante de Good Luck Theory a été trouvée pour qualifier le troisième facteur de stabilité de la théorie de la Grande Modération. C’est une manière à la fois élégante et acceptable sur le plan académique de regrouper les autres contributions à la baisse de la volatilité macroéconomique et qui n’ont pas pu être clairement identifiées et modélisées.
Prenons par exemple l’absence de chocs pétroliers et de crises géopolitiques dans les années 1980 et 1990, l’arrivée du microprocesseur, voire encore la révolution internet, qui constituaient autant d’heureux hasards, contribuant à l’augmentation de la visibilité dans les cycles économiques.
Mais l’instabilité géopolitique cristallisée au Moyen-Orient et en Afrique, ainsi que le choc économique issu de l’émergence de la Chine sur la scène internationale, pourraient bien transformer la Good Luck Theory en Bad Luck Theory. Et l’évolution des prix des matières premières en reflète les conséquences. Car la hausse sensible de leur volatilité engendre à son tour des répercussions immédiates sur le cycle de l’inflation mondiale. La volatilité de l’inflation globale est en nette hausse depuis 2005.
En corollaire, la fin de la période de Grande Modération implique des conséquences pour les investisseurs.
Car si la fin de la Grande Modération se traduit par une disparition de la surconsommation des ménages américains, la rentabilité annuelle moyenne des marchés d’actions pourrait baisser.
Celle des actions du S&P500 était de 9,5% entre 1981 et 2006, contre 6,03% entre 1945 et 1981. Et depuis 2007, elle a été de – 15,4%. Mais si cette dernière période semble à la fois trop courte et trop récente pour en tirer des conclusions définitives, tout porte à croire que la fin de la période de la Grande Modération signifie une détérioration de l’»indice de confort» des investisseurs. En particulier, le couple rentabilité/risque des actions mondiales apparaît comme durablement dégradé.
Il en résulte donc que l’investisseur devra prendre en ligne de compte de nouveaux scénarios pour établir sa stratégie d’investissement, son allocation d’actifs, ainsi que ses allocations tactiques pour atteindre ses objectifs dans cet environnement instable.
CHRISTOPHE DONAY Responsable Asset Allocation & Macro Research, Pictet & Cie oct09
- EN COMPLEMENT INDISPENSABLE : Les changements structurels et la Grande Modération Olivier Gervais Banque du Canada (cliquez sur le lien)
- Marchés de Capitaux : Nouvelle ère…..Nouvelles turbulences (cliquez sur le lien)
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