Art de la guerre monétaire et économique

Jean Pierre Petit Le problème de la baisse du dollar (II)

Directeur de la recherche économique et de la stratégie d’ Exane-BNP Paribas jusque fin 2008, Il a été auparavant (1995-1999) adjoint au directeur des études économiques de la BNP, adjoint de direction à la Banque de France et consultant pour le Fonds monétaire international (1986-1994). Il est diplômé de Sciences Po Paris, détient une maîtrise en droit et est titulaire d’un DEA d’économie internationale. Jean Pierre Petit est l’auteur de plusieurs ouvrages dont, La finance, autrement (en collaboration, Dalloz, 2005).Aujourd’hui devenu stratégiste et économiste de marché indépendant il continue de collaborer  de manière régulière à divers revues et journaux économiques et financiers. Voici le 19ème billet d’une série qui lui est consacrée…

La devise américaine subit actuellement un banal recul. Et non une crise.

PLUS DE DETAILS EN SUIVANT : 

Le thème de la baisse du dollar est ancien. En effet, la valeur effective du dollar baisse depuis 25 ans (-51% depuis 1985), à l’exception de la période de 1996-2001. Ce n’est pas la thématique du déficit courant plus la dégradation de la position extérieure qui cette fois-ci, explique la baisse du dollar, mais c’est la conjugaison de quatre thématiques, dont trois d’entre elles nous paraissent infondées.

a)Le retour de l’appétit pour le risque. C’est un thème purement cyclique: les phases de reprise des marchés d’actifs risqués n’ont pas été incompatibles avec une hausse du dollar (1982-1985, 1996-2000)

b) L’explosion du déficit public américain et sa monétisation: c’est excessif dans la mesure où la hausse de l’endettement public est compensée par le désendettement privé; d’où l’amélioration du solde de la balance courante (-3,8% du PIB au deuxième trimestre 2009 contre -6% en 2007)

c) Le thème de la diversification des actifs par les banques centrales et la fin du monopole du dollar; cela paraît aussi complètement excessif.

 Le dollar reste la seule monnaie de réserve internationale (63% des réserves globales en 2009) car les Etats-Unis présentent toutes les qualités du pays émetteur; première puissance économique, politique et militaire, marchés de capitaux les plus profonds et les plus liquides, déficit de la balance courante…

 il n’y a pas de substitut envisageable;

la zone euro n’existe pas politiquement, ses marchés financiers restent segmentés et moins importants qu’aux Etats-Unis. De plus, elle n’est pas déficitaire.

 La République Populaire de Chine conserve un contrôle des changes, a un système financier encore rudimentaire et est archi-excédentaire.

 Il est totalement illusoire de penser que les banques centrales, qui ne sont d’ailleurs pas dominantes sur le marché des changes, vont se défaire massivement de leurs réserves en dollars. Les banques centrales n’ont pas d’objectif de rentabilité et ont le souci de ne pas provoquer de fortes variations des taux de change. Tout au plus, une évolution lente vers un système pluraliste peut être envisagée.

d) Enfin, l’attrait des stratégies de carry: c’es probablement l’argument le plus convaincant.

 Le dollar étant devenue une devise de financement à intérêt quasinul, cela favorise pratiquement tous les actifs libellés en devises étrangères. Le problème est que l’impact précis sur le change est très difficile à mesurer.

Mais quelles quelles que soient les causes précises de la baisse du dollar, il est indéniable qu’on assiste qu’à une nouvelle et banale vague de baisse et non pas crise du dollar.

 Depuis son «point haut» du début de l’année, le dollar n’a perdu que 15% en termes effectifs.

Qu’est ce qui distingue une crise du dollar d’une baisse du dollar?

Une crise du dollar comprend 3 éléments;

 a)une forte volatilité des changes;

b) des sorties nettes massives des capitaux des Etats-Unis

c)un impact négatif (via la prime de risque) de la chute du dollar sur le marché actions et obligataire américain.

On a eu des crises de change durant les années 70 (1973, au moment de la généralisation des changes flottants, 1978), en 1987 (année de la correction obligataire et du krach actions), 1994 (krach obligataire et correction actions), souvent favorisées par de plus ou moins fortes tensions inflationnistes aux Etats-Unis.

Mais il est clair qu’on n’a pas encore, aujourd’hui, de manifestation de crise du dollar. C’est d’ailleurs probablement ce qui explique l’accoutumance des américains et du reste du monde à cette évolution graduelle et qui risque de se prolonger encore quelque temps.

JEAN-PIERRE PETIT économiste et  Stratégiste de marché

BILLET PRECEDENT DE JEAN PIERRE PETIT CONCERNANT LE DOLLAR : Jean Pierre Petit : Le problème de la baisse du dollar (cliquez sur le lien)

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