Changes et Devises

La Zone Euro a-t-elle les ingrédients pour durer ?

Les réponses de Martin Wolf et de Christian Saint-Etienne

  Pour la zone euro, deux leçons peuvent en être tirées.

La première est que la zone euro est face à un choix clair : soit elle autorise les défauts souverains, aussi déplorables soient-ils, soit elle met en place une véritable union budgétaire, avec une stricte discipline et des fonds suffisants pour amortir l’ajustement dans des économies en péril – M. Buiter (Willem Buiter, aujourd’hui responsable économique chez Citigroup) recommande pour sa part la création d’un fonds monétaire européen doté de 2 000 milliards d’euros ;

PLUS DE WOLF ET DE SAINT ETIENNE EN SUIVANT :

et la deuxième leçon est que l’ajustement ne fonctionnera pas dans la zone euro sans ajustements compensatoires dans les pays du noyau de cette zone. Si la zone euro veut vivre avec une demande globale quasiment stagnante, elle deviendra le théâtre d’une désinflation compétitive protectionniste. Il ne devrait pas y avoir grand monde pour se réjouir de ce résultat. 

La crise actuelle confirme la perspicacité de ceux qui considéraient l’euro comme une aventure extrêmement risquée. Ces soubresauts ne sont guère surprenants. On aurait même pu les prévoir. Les craintes de ceux qui pensaient que le fait de placer sous le même joug des pays aussi différents ne ferait qu’exacerber les tensions au lieu de les apaiser semblent également se vérifier : voyez la flambée du sentiment antieuropéen en Allemagne. Et pourtant, maintenant que la zone euro a été créée, elle doit fonctionner. La tentative de sauvetage de la Grèce n’est que le premier chapitre. Beaucoup reste à faire dans un avenir proche, aussi bien pour répondre à la crise en cours que pour réformer la zone euro. 

sour le monde mai10

Cette extrait d’une chronique de Martin Wolf, éditorialiste économique, est publiée en partenariat exclusif avec le “Financial Times”.(Traduit de l’anglais par Gilles Berton) 

BILLET PRECEDENT : Martin Wolf : Les limites de la prudence (cliquez sur le lien)

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«La zone euro n’a pas les ingrédients pour durer».

 L’économiste Christian Saint-Etienne, auteur de «La fin de l’euro», ne croit pas que le plan d’aide de 750 milliards d’euros puisse sauver l’euro.

Lefigaro.fr/jdf.com – Que pensez-vous du plan d’aide présenté par l’Union européenne ?

Christian Saint-Etienne – Cette décision tactique est bienvenue, je l’appuie totalement. Elle met fin au délire des marchés, qui avaient perdu leur boussole. Ces derniers jours, les actifs étaient sous-cotés par rapport à leurs fondamentaux. Le rebond observé aujourd’hui est un retour aux niveaux d’avant la chute des marchés.

Ce plan ne règle toutefois rien sur le long terme. Sur les 750 milliards d’euros (cliquez sur le lien), seuls 60 milliards sont réellement sur la table. Le reste ne correspond à rien de concret. Enfin, la Grèce était en faillite vendredi, et elle est toujours, lundi, en faillite.

Quels problèmes de long terme demeurent ?

Nous ne nous dirigeons pas vers une coopération budgétaire renforcée. On savait dès le départ que, pour créer une zone monétaire optimale, il faudrait mettre en place un gouvernement économique, un fédéralisme fiscal puissant et un encadrement de la concurrence fiscale et sociale. Aucun de ces mécanismes n’a été mis en place.

Vous vous attendez donc à l’explosion de la zone euro ?

Non, je dis simplement que la zone euro n’a pas les ingrédients pour durer. Les Etats membres enregistrent des performances économiques divergentes. Un État, l’Allemagne, mène même une politique de désinflation salariale non coopérative.

Enfin, les perspectives économiques (cliquez sur le lien) sont désespérantes (autour de 1% de croissance jusqu’en 2011) et les mesures de rigueur ne devraient rien arranger. Pas de quoi donner envie aux jeunes européens de rester, alors que le reste du monde croîtra à un rythme de 4%!

Comment voyez-vous l’avenir de l’euro ?

Je n’ai pas de scénario de la fin de l’euro. Mais scinder la monnaie unique en deux zones serait éventuellement souhaitable, car la zone actuelle n’est pas cohérente. D’un côté, les pays producteurs (Pays-Bas, Autriche) se regrouperaient autour de l’Allemagne. De l’autre, les pays aux déficits commerciaux se rassembleraient autour de la France.

Cet euro du sud, selon moi, ne serait pas un «club Med’» et la Grèce, qui a toujours menti et ne connaît pas le consensus autour de la réduction du déficit budgétaire, n’y aurait pas forcément sa place. Au final, nous aurions deux euros, dont la parité varierait, un peu comme le dollar américain et canadien.

Guichard, Guillaume | JDF | 10.05.2010 |

Christian Saint-Etienne, membre du Conseil d’analyse économique, est professeur d’économie au Conservatoire national des arts et métiers et à l’Université Paris-Dauphine. Il a écrit «La Fin de l’euro», chez Bourin Editeurs

EN COMPLEMENT INDISPENSABLE Pour les économistes, la crise grecque révèle des déséquilibres majeurs (cliquez sur le lien)

6 réponses »

  1. Ce qui est fou dans cette histoire, c’est qu’on redécouvre les conclusions de Mundell (qui est à la base des théories sur l’union monétaire, avec ses fameuses ZMO, zone monétaire optimale), qui mettait déjà en garde les pays désireux de s’unir sur le fait qu’un union n’est possible que si les économies nationales se ressemblent, convergent et si les politiques sont parfaitement alignées…

    Autant dire que pour l’euro, c’était déjà perdu d’avance!

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