Analyse Technique

Le Hindenburg plane au-dessus du marché par Andréas Hofert

Le Hindenburg plane au-dessus du marché par Andréas Hofert

Les investisseurs profitent d’indicateurs économique négatif pour précipiter les actions dans une spirale baissière.

Lorsqu’au plus profond de la Grande Dépression, Franklin Delano Roosevelt déclare: «La seule chose à dont il faut avoir peur, c’est de la peur elle-même», il ne s’adresse pas à la raison mais aux émotions. Le président américain avait intuitivement compris que l’économie et les marchés sont bien plus influencés par des passions, des phénomènes de mode et des peurs que par de froids calculs d’optimisation.

PLUS DHOFERT EN SUIVANT :

Actuellement, les marchés nous en donnent une fois de plus l’illustration. Malgré une saison de bénéfices qui a surpris bon nombre d’analystes par sa vigueur, malgré une crise de la dette souveraine européenne qui, à défaut d’être résolue, est tout au moins contenue, les investisseurs semblent tétanisés et profitent du moindre indicateur économique plus mauvais que prévu pour précipiter les actions dans une spirale baissière. Les scénarios catastrophe ne manquent pas, ballottés entre les craintes d’une récession en W, voire d’une dépression aux Etats-Unis et les prévisions d’un nouveau krach des marchés obligataires similaire à celui de 1994.

Comme si tout cela n’était pas déjà suffisamment sombre, voici à présent que les analystes techniques rejoignent les rangs des pessimistes, en évoquant la formation d’un «présage d’Hindenburg». Voilà un concept qui fait frémir. Il ne s’agit pourtant pas du titre d’un film expressionniste de Fritz Lang. Il n’a rien à voir non plus avec le maréchal prussien à la moustache de morse, au casque à pointe et au rôle controversé et tragique dans l’histoire allemande. Non, le phénomène en question tire son nom du désastre du Hindenburg, l’incendie spectaculaire qui a ravagé un dirigeable géant allemand en 1937 à Lakehurst, dans le New Jersey, tuant 36 personnes. L’événement, filmé et diffusé en direct à la radio, avait choqué le monde entier. Aujourd’hui, les analystes techniques utilisent la métaphore du Hindenburg pour désigner un marché d’action explosant en vol et s’écrasant comme le dirigeable.

Les paramètres, indicateurs et autres tendances techniques qui sous-tendent la formation d’un présage d’Hindenburg sont très ésotériques et soulèvent pourtant bien des critiques.

AT/ Quelques précisions complémentaires sur le présage Hindenburg ou le Predictor de krach

Les fondamentalistes, c’est-à-dire les analystes qui se basent sur l’évaluation des «fondamentaux» pour définir la cherté d’un marché, récusent le concept comme une «ineptie de chartiste». Ils conseillent aux investisseurs d’ignorer le charabia des techniciens et de raisonner uniquement sur les faits, à savoir la bonne valorisation actuelle des actions. Mais s’il y a bien une chose que nous avons redécouverte récemment, c’est que les investisseurs sont rarement d’une rationalité à toute épreuve.

Les statisticiens, plus cléments, reconnaîtront que, oui effectivement, des présages d’Hindenburg ont bien été identifiés avant chaque correction majeure du marché survenue ces trente dernières années. La période d’observation est toutefois trop courte ériger ce constat en règle absolue. Et si la plupart des grandes corrections du marché ont été précédées d’un présage d’Hindenburg, tous les présages d’Hindenburg n’ont pas été suivis d’effondrements ou de crash de marchés.

Les épistémologues, sceptiques, accuseront enfin les tenants de Hindenburg de pratiquer le « data mining «, à savoir rechercher uniquement les chiffres et tendances qui confirment une hypothèse a posteriori sans aucune justification théorique de cette même hypothèse a priori, ce qui rend le présage totalement inutile à des fins de prévisions.

Personnellement pourtant, il me semble imprudent de réfuter complètement les signaux de ce genre, aussi discutables qu’ils puissent être. Le présage d’Hindenburg – qu’il soit un phénomène véritable ou non – n’en nourrit pas moins les pires cauchemars du marché. Dans un contexte de nervosité extrême tel que nous le vivons actuellement ce genre de fantaisie d’investisseur couplé à quelques mauvaises données macroéconomiques est en mesure de faire des ravages. Après tout, les comportements irrationnels ne sont pas l’apanage des marchés haussiers. Ils sont aussi observables en période baissière.   

Attention, je ne cherche pas à minimiser le pessimisme ambiant. Bien qu’il soit au moins autant alimenté par des chimères que par des faits, il a en tout cas le mérite de préparer certains investisseurs au pire, un changement bienvenu par rapport au passé récent. Cependant le présage d’Hindenburg pourrait bien en fin de compte, comme les nombreuses «raisons» volontiers avancées pour nourrir l’exubérance des marchés, céder sa place à des faits tangibles plus neutres. J’espère qu’il restera le simple produit de l’imagination fiévreuse d’un analyste technique.

Andreas Höfert  Chef économiste UBS sep10

BILLET PRECEDENT : L’ombre chinoise d’une nouvelle bulle immobilière par Andreas Höfert

1 réponse »

Laisser un commentaire