La Chine prive le Japon de métaux rares
En pleine crise diplomatique avec son voisin, la Chine utilise les métaux rares pour accroitre la pression sur le Japon. L’empire du milieu a une véritable mainmise sur ces ressources stratégiques.
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La Chine dispose d’une arme de poids pour faire pression sur son voisin: elle alimente près de 95% du marché des terres rares. Ainsi, en pleine crise diplomatique avec le Japon, déclenchée par la détention d’un capitaine de chalutier chinois par le Japon, l’empire du milieu a décidé de priver son voisin de ces métaux. Pékin dément mais les négociants de maisons de commerce nippones sont affirmatifs : ils ont constaté une suspension des exportations de ces métaux de la Chine vers le Japon.
«Nous avons appris de nos représentants en Chine que les livraisons chinoises de terres rares ont été suspendues le 21 septembre», a déclaré à l’AFP un porte-parole de la société Sojitz. Un négociant d’une autre maison de commerce, parlant sous couvert d’anonymat, a confirmé que ces envois étaient interrompus. «Le 22 septembre, les entreprises chinoises qui ont la licence d’exportation au Japon ont été réunies à Pékin par le ministère chinois du Commerce. Là, le sujet des îles Senkaku a été abordé et il y a eu des discussions à propos de l’arrêt des exportations au Japon», a précisé ce négociant.
Avant Hier, les médias faisaient déjà état de la suspension par Pékin de l’exportation vers le Japon des métaux rares en guise de mesure de rétorsion en pleine tension diplomatique avec Tokyo, une information démentie par le ministère du Commerce chinois.
Le Japon n’a pas encore officialisé la nouvelle mais le pays a indiqué que si la mesure se confirme, il agira «conformément aux règles en vigueur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)» qui interdit ce type de pratique.
Pourtant, la crise sino-japonaise semblait s’apaiser puisque le Japon a décidé vendredi de libérer le capitaine du chalutier chinois. Selon la télévision publique NHK et d’autres médias nippons que la décision de le relâcher avait été prise par le parquet, mais que le pêcheur n’était pas encore libre de ses mouvements.
Ce capitaine est aux mains des autorités nippones depuis l’arraisonnement, le 7 septembre, de son chalutier près d’îlots de mer de Chine orientale, appelés Senkaku en japonais et Diaoyu en chinois. Son navire avait été saisi après être entré en collision avec deux patrouilleurs nippons, près de ces petites îles inhabitée contrôlées par Tokyo mais revendiquées par les deux pays, ainsi que par Taïwan.
Les métaux ou «terres» rares constituent des ressources stratégiques, notamment pour les secteurs électronique et automobile. Pékin a abaissé en juillet la production et le quota d’exportation de ces substances à partir de la fin 2010, de 72 % à 8 000 tonnes, provoquant une hausse de leurs tarifs sur les marchés mondiaux.
Mais sa politique restrictive avait irrité l’Europe, qui avait déposé, en 2009, une plainte à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour protectionnisme déguisé. Les Etats-Unis et le Mexique s’étaient joints à elle.
Pénuries futures : Europe s’inquiète de l’accès aux métaux rares
Principal importateur des terres rares chinoises (30 000 tonnes en 2009), Tokyo avait choisi la négociation pour infléchir la position de Pékin. Ces matériaux entrent dans la fabrication de turbines éoliennes, d’écrans plasma, de téléphones portables ou de véhicules hybrides (fonctionnant à la fois à l’électricité et à l’essence), le coeur de la croissance nippone.
Les 7 et 8 septembre, une délégation du monde des affaires, menée par Hiromasa Yonekura, président de l’organisation patronale Keidanren, a rencontré des dirigeants chinois. Mitsuo Ohashi, de Showa denko, a fait valoir que “les groupes chinois qui importent des composants fabriqués au Japon avec ces métaux rares pourraient être affectés”.
Forte hausse des prix
Fin août, six ministres, conduits par celui des affaires étrangères Katsuya Okada, étaient allés en Chine pour parler de coopération économique. Sur les métaux rares, le dialogue est resté au point mort, Pékin considérant que la réduction des exportations doit éviter tout risque d’épuisement des ressources et protéger l’environnement. La Chine insiste sur la nécessité de lutter contre les mines illégales et rappelle que l’extraction nécessite l’usage de produits chimiques très toxiques.
La situation quasi monopolistique de la Chine incite les groupes nippons à trouver de nouveaux fournisseurs. Toyota doit démarrer l’exploitation d’une mine vietnamienne en 2012 ; un projet du gouvernement et de la maison de commerce Sumitomo est en cours au Kazakhstan ; des sociétés négocient au Brésil et au Canada.
Dans le même temps, les industriels développent des technologies alternatives. Pour remplacer des éléments tels que le néodymium ou le disprosium, essentiels à la fabrication des rotors magnétiques des moteurs, Hitachi utilise de l’oxyde ferrique. Le géant du textile Teijin et l’université du Tohoku travaillent à la mise au point d’un moteur dont la partie magnétique serait en matériau composite mêlant fer et azote.
En 2010, les ministères de l’économie et de l’environnement ont débloqué 600 millions de yens (5,6 millions d’euros) pour la mise au point de nouvelles techniques de recyclage des produits électroniques. Baptisés “mine urbaine”, ces produits usagés recèlent des éléments tels que l’indium, indispensable à la fabrication des écrans à cristaux liquides.
D’ores et déjà, les groupes japonais subissent une forte hausse des prix des terres rares. Cela pourrait les inciter à délocaliser leur production en Chine et donner raison à ceux qui voient dans la politique de Pékin une stratégie pour s’approprier une plus grande partie de la valeur ajoutée et pour attirer sur son sol des sociétés maîtrisant les technologiques de pointe. Une chose est sûre : la libération du capitaine du chalutier chinois ne suffira pas à elle seule à résoudre la problématique des terres rares.
source afp+jdf+le monde sep10
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