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Quel avenir pour l’euro, par J.M. Daniel

 Quel avenir pour l’euro, par J.M. Daniel

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Rencontre du troisième type : l’Union Monétaire Européenne

Il existe aujourd’hui deux théories concurrentes du développement des zones monétaires :

– La première suggère que l’intensification des échanges de biens entre pays membres d’une union monétaire s’accompagne d’une spécialisation des économies qui rend leur cycle toujours moins similaire. Des pays qui remplissaient les critères d’appartenance à une union monétaire au moment de leur adhésion, peuvent ne plus les remplir quelques temps après.

 – La seconde postule au contraire que l’intensification des échanges de biens intra-zone fortifie nécessairement la corrélation des cycles. Le respect des critères d’appartenance à une union monétaire lors de l’adhésion n’est alors pas strictement nécessaire puisque la convergence des économies membres est endogène.

 Laquelle de ces deux théories s’applique à la zone euro ? Pour y répondre,regardons le sens de la relation qui prévaut entre corrélation des cycles et intensité commerciale pour les pays de l’UEM (modèle de Frankel/Rose). Les résultats sont surprenants, puisque si l’on observe bien sur la période 2000-2008 une plus forte corrélation des cycles économiques, leur convergence s’avère être inélastique à l’intensité des échanges de biens. L’UEM est donc une zone monétaire du troisième type. La plus forte corrélation des cycles de 2000 à 2008 a été le produit de la politique monétaire commune (moindre dispersion des inflations sous-jacentes nationales), pas celui de la politique fiscale commune (dispersion erratique des déficits publics structurels sur la période malgré le Pacte de Stabilité). Puisque les relations commerciales ne rapprochent pas les cycles économiques des pays membres de l’UEM, l’institutionnalisation de transferts fiscaux entre pays est indispensable en cas de chocs idiosyncrasiques violents, comme aujourd’hui sur l’Espagne, l’Irlande, la Grèce.

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Vers l’apparition de migrations entre les pays de la zone euro

Traditionnellement, les migrations entre les pays de la zone euro sont faibles, nettement plus faibles que les migrations à l’intérieur des Etats-Unis, ou entre les pays extérieurs à la zone euro et la zone euro. Mais, au lieu d’y avoir baisse générale du chômage dans tous les pays de la zone euro, il va y avoir maintenant divergence : des pays mal spécialisés et surendettés à taux de chômage structurellement élevés ; des pays bien spécialisés et peu endettés à taux de chômage faible. Même si les obstacles sont nombreux (langue, non portabilité des droits de Sécurité Sociale, illiquidité du marché immobilier…), il est possible que cette divergence des économies à l’intérieur de la zone euro fasse apparaître des flux migratoires beaucoup plus importants que dans le passé ; ce qui serait très stabilisant : réduction de l’écart de taux de chômage structurel entre le Nord et le Sud, compensation du vieillissement démographique dans le Nord.

Logiquement, il faudrait aujourd’hui inverser la stratégie de la plupart des grands pays

Depuis plus de 10 ans, un certain nombre de grands pays ont mené des politiques de l’offre : réduction des coûts, d’où gains de parts de marché avec l’amélioration de la compétitivité, mais faiblesse de la demande intérieure avec le freinage des salaires donc croissance tirée par les exportations (Allemagne, Japon, Chine).

 D’autres grands pays (Royaume-Uni, France, Espagne) ont au contraire mené des politiques de la demande : dans certains cas hausses assez rapides des salaires, dans tous les cas hausse de l’endettement du secteur privé, puis, avec la crise, du secteur public. Il serait optimal aujourd’hui pour l’économie mondiale qu’il y ait inversion complète de la stratégie de ces deux groupes de pays. Que les premiers, où les entreprises sont très profitables et où la compétitivité est forte, passent, ce qu’ils peuvent absolument se permettre, au soutien de la demande avec des hausses plus rapides des salaires. Que les seconds, où le soutien de la demande n’est plus (ou ne sera bientôt plus) possible, et qui ont connu désindustrialisation, pertes de parts de marché, passent à des politiques de soutien de l’offre. C’est déjà le cas au Royaume-Uni avec la politique économique du gouvernement conservateur, en Espagne avec le recul des coûts salariaux, pas en France ; en Allemagne et en Chine, avec les hausses de salaires plus rapides, pas au Japon. Les Etats-Unis sont dans une situation particulière, où, les politiques de l’offre (déformation du partage des revenus au détriment des salariés) ont contraint à mettre en place des politiques de soutien de la demande (crédit puis déficits publics). Il serait favorable aux Etats-Unis d’arrêter à la fois les politiques de soutien de l’offre. L’inversion nécessaire de l’orientation de la politique économique ne se produit donc ni en France, ni au Japon, ni aux Etats-Unis.

 source Natixis fev11

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