La subtile relation entre monnaie et pétrole par Andreas Höfert
La Fed n’est pas sans reproche. Elle pourrait générer un cercle vicieux similaire à celui des années 1970: hausse des prix du pétrole – politique monétaire laxiste – nouvelle hausse des prix du pétrole
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Le prix du pétrole atteint chaque jour de nouveaux sommets. Les causes de cette envolée sont connues: les bouleversements dans les pays arabes attisent les craintes de ruptures d’offre. Cet argument est pourtant trop simpliste; cela reviendrait à attribuer la hausse du prix du pétrole dans les années 1970 à la seule OPEP.
En fait, à la base de l’envolée des prix de l’or noir, on retrouve des politiques monétaires ultra-expansives. Ce fut le cas au début des années 1970, c’est à nouveau le cas aujourd’hui. La nouvelle hausse du prix du brut ne date pas d’hier. Depuis son plancher de décembre 2008, le pétrole exprimé en dollars avait déjà connu une augmentation de plus de 65% avant que les révoltes arabes éclatent.
De plus, selon la plupart des experts du Moyen-Orient, une des causes majeures des révoltes arabes a été l’envolée des prix des produits agricoles, elle-même provoquée par l’expansion monétaire qui a suivi la crise financière. La monnaie a donc eu un impact autant direct qu’indirect sur le pétrole.

Normalement, il est admis qu’une hausse de 10 dollars par baril de brut ampute de 0,3 à 0,5% la croissance dans les marchés développés suivant les pays et – on l’oublie parfois – selon la proportion dans laquelle la hausse du prix du brut reflète la dépréciation du dollar américain. La récente appréciation du franc face au billet vert a certainement atténué l’impact du pétrole en Suisse.
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«Hausse des prix du pétrole, croissance affaiblie, risque d’inflation, voire même de stagflation: que des mauvaises nouvelles pour l’économie», serait-on tenté de dire. C’est à la fois vrai et faux car, ici aussi, la politique monétaire joue un rôle majeur. Le problème est qu’il n’existe pas de règle qui établisse comment une banque centrale se doit de réagir face à la montée des cours de l’or noir.
Alors que la Banque centrale européenne (BCE) semble opter pour une hausse des taux en avril, cherchant à étouffer dans l’œuf des effets inflationnistes en aval d’une hausse des prix du pétrole, la Réserve fédérale américaine pourrait repousser une fois de plus un resserrement monétaire, voire même continuer l’assouplissement quantitatif dont le terme est prévu en juin. Ce serait un scénario plausible à la lumière d’une étude académique de Ben Bernanke qui date de 1997. L’actuel patron de la Fed y affirmait qu’une partie des effets récessionnistes des chocs pétroliers passés a été causée par des politiques monétaires trop restrictives.
Certes, la BCE risque une nouvelle récession en Europe, mais la Fed n’est pas sans reproche non plus. Elle pourrait générer un cercle vicieux similaire à celui des années 1970: hausse des prix du pétrole – politique monétaire laxiste – nouvelle hausse des prix du pétrole etc. La relation entre pétrole et monnaie est décidément plus subtile que jamais.
Andreas Höfert Chef économiste, UBS
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