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La monnaie de banque centrale et ses mystères par Andreas Höfert

La monnaie de banque centrale et ses mystères par Andreas Höfert

L’économie est souvent comparée à un avion. Banques centrales et gouvernements le pilotent tandis que les statistiques économiques font office de voyants lumineux. 

Depuis quelques semaines, un nouveau voyant clignote au-dessus de l’épaule du pilote américain, mais il est difficile de discerner s’il est vert ou rouge. L’agrégat monétaire M2, publié chaque semaine par la Réserve fédérale américaine, s’envole vers de nouveaux sommets.

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Aux Etats-Unis, M2, défini comme l’argent physiquement détenu par le public, regroupe tous les comptes chèques et d’épargne, les dépôts à terme et les fonds de placement du marché monétaire détenus par des investisseurs individuels. Il s’agit de la plus vaste mesure de la masse monétaire depuis la suppression de l’agrégat supérieur M3 (M2 + fonds de placement institutionnels du marché monétaire, dépôts en eurodollars et mises en pension) en mars 2006.

La hausse de M2 a commencé la dernière semaine de juin et n’a cessé de s’accélérer depuis. En moins de deux mois, la masse monétaire est passée de 9 à 9,5 mille milliards de dollars (une hausse de 5,5%). Il faut remonter à 2008 et à la faillite de Lehman pour retrouver une hausse aussi abrupte, et à 1982-1983 pour en trouver une aussi importante en pourcentage. S’agit-il d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle?

Bon nombre d’économistes estiment que le triplement de la base monétaire (la monnaie de banque centrale) depuis 2008 n’a pas été très efficace car il ne s’est pas traduit dans les plus grands agrégats.

 L’argent imprimé par la Fed pour acheter des bons du Trésor dans le cadre de ses programmes d’assouplissement quantitatif s’est retrouvé dans les coffres-forts d’intermédiaires financiers et n’a pas atteint les entreprises ou les ménages. Jusqu’il y a peu, le multiplicateur monétaire (le ratio entre M2 et la base monétaire) reflétait cette situation et stagnait sur des bas historiques. Serait-il à l’origine de la hausse de M2? Les canaux de créations de crédit commenceraient-ils enfin à se déboucher? Malheureusement pas. Le multiplicateur n’est que faiblement remonté depuis un mois et pas de manière suffisante pour étayer le scénario d’un redémarrage du crédit.

Il se pourrait aussi que la situation actuelle ne soit qu’un remake à plus grande échelle des événements de 2008. A l’époque, le marché des emprunts commerciaux à court terme s’était paralysé après la faillite de Lehman. Le cours de certains fonds du marché monétaire était tombé sous le seuil symbolique du dollar, déclenchant un retrait massif des sommes investies au profit de comptes chèques et d’épargne, réputés sûrs et comptabilisés dans M2, à la différence des fonds. De même, la crise de la dette dans la zone euro et les tensions sur le marché interbancaire européen auraient abouti à une fuite des capitaux des banques européennes au profit des banques américaines. Aucune autre statistique ne vient toutefois appuyer cette analyse négative. L’agrégat M2 étendu, qui inclut les fonds institutionnels du marché monétaire, affiche une progression similaire à M2, quoique moins importante. Le déplacement massif de capitaux des banques européennes vers les banques américaines, s’il était réel, aurait dû se refléter dans le taux de change entre euro et dollar. Or, ce n’est pas du tout ce qui s’est produit, puisque ce taux est resté stable entre 1,40 et 1,45 ces dernières semaines.

D’où vient donc cette hausse?

 Une explication théorique, qui reste à confirmer par les faits, est que les investisseurs ont déposé les armes lors de la dernière tempête, liquidé leurs positions en actions et placé l’argent sur des comptes chèques et d’épargne. Dans ce cas, il s’agit d’une mauvaise nouvelle à court terme, car elle annonce des capitulations supplémentaires et des marchés des actions encore plus déprimés. Toutefois, si cette explication est la bonne et que nous sommes vraiment dans une situation similaire à 1982-1983, à savoir que le marché des actions forme un plancher en termes réels, alors cette situation pourrait être le prélude d’une hausse des actions à plus long terme. Pourquoi? Parce que l’abandon du marché en 1982-1983 a été suivi de presque vingt ans de hausse.

Devant la morosité générale et la grande majorité des voyants au rouge, un véritable signal positif mérite au moins notre attention.

Andreas Höfert Chef économiste UBS Wealth Management Research/aout11

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