Changes et Devises

De l’or, de l’or, pas Delors! Par Beat Kappeler

De l’or, de l’or, pas Delors! Par Beat Kappeler

Le continent court donc à sa dévaluation, à la fausse allocation des ressources, au pillage des épargnants, des pensions

Si l’on veut revenir à la sagesse monétaire, un jour, des mesures dramatiques s’imposeront. Pour récupérer la monnaie créée, la BCE devrait vendre les obligations achetées, et, pour y arriver, elle baisserait leurs prix, augmentant donc les taux d’intérêt

La corne d’abondance est à la portée de l’Europe. Il suffit que les dettes européennes soient achetées en grande quantité par la Banque centrale européenne (BCE). Les cours en bourse flamberont comme ils l’ont fait après le jet d’eau de liquidité en dollars lancé par les banques centrales cette semaine.

Après la bourse, la consommation – les pays du Sud européen auront de quoi dépenser, finies les cures d’amaigrissement trop dures. Les investissements reprendront en vue des dépenses soutenues, dorénavant, par les privés comme par les Etats. La baisse conjoncturelle annoncée s’estompera. Les autorités anglo-saxonnes, Obama et les Anglais, Nicolas Sarkozy poussent la BCE vers cette intervention massive, les analystes boursiers aussi, par un intérêt évident.

Pour l’instant, les Allemands et le chef de la BCE, Mario Draghi, s’y opposent encore. Mais on a de plus en plus l’impression qu’Angela Merkel n’attend plus que le sommet du 9 décembre, qui devrait entériner une coordination future des politiques fiscales, pour finalement céder. En plus, les faits poussent vers cette fulminante solution de la crise. La BCE tient pour 200 milliards de dettes du Sud dans ses coffres et elle en a placé d’autres, 300 à 400 milliards, dans les banques du Sud. Si un pépin arrive – la banqueroute ou une sortie de ces Etats de l’euro – la BCE est en faillite aussi. Les intérêts sont donc en place pour cette aventure monétaire.

Des économistes sérieux cependant dressent le chemin ultérieur de cet exploit. La manne monétaire ne sera plus basée sur l’extension du crédit privé qui, lui, reflète, en temps normaux, la construction de nouvelles capacités de production et d’entrepôts remplis. Non, la base de la monnaie sera les obligations des Etats du Sud, donc de la consommation publique passée. Et la monnaie sera abondante, inflationniste. L’euro se dévaluera par rapport aux autres monnaies, soutenant ainsi l’exportation et le boom intérieur.

Cet effet se fera sentir dans deux ans, et il sera difficile de contenir les taux d’inflation en dessous de 10% pour longtemps. A la sortie des usines, il est déjà de 5,5%. Le continent court donc à sa dévaluation, à la fausse allocation des ressources, au pillage des épargnants, des pensions.

Si l’on veut revenir à la sagesse monétaire, un jour, des mesures dramatiques s’imposeront. Pour récupérer la monnaie créée, la BCE devrait vendre les obligations achetées, et, pour y arriver, elle baisserait leurs prix, augmentant donc les taux d’intérêt. Elle ne renouvellerait plus les obligations arrivées à leur terme, forçant les Etats – alors plus endettés encore – à se refinancer sur les marchés à des taux exorbitants, causant leur banqueroute, qui n’est donc qu’ajournée. Le précédent d’une telle politique était mené par Paul Volcker, président de la banque centrale américaine entre 1979 et 1982. Il relevait les taux d’intérêt à 21%, causant la faillite en série de banques, d’entreprises et d’agriculteurs. Personne ne discute maintenant ces scénarios de sortie de la monétisation des dettes étatiques. La corne d’abondance sera bien desséchée.

En revanche, Jacques Delors, le responsable du Traité de Maastricht, donc de l’introduction de l’euro, mène une opération de diversion. Depuis l’automne, il pousse pour l’augmentation massive du budget de l’Union. Les pays membres doivent s’étrangler en économies forcées, mais leur super­structure pas du tout. Faire cette comparaison «est impossible et donc démagogique», dit Delors. Je ne comprendrai jamais ces gens, ni le vieux Delors, ni les faux-monnayeurs d’aujourd’hui.

Pour conclure, vouons donc une pensée tendre au préposé des statistiques de l’Etat grec. Il est accusé de haute trahison des intérêts du pays, parce qu’il livre les chiffres vrais, troublants, sur le déficit. Son accusateur est le prédécesseur, chassé pour ses mensonges par les experts allemands et américains. La cour – c’est sérieux – commence à enquêter. Jamais je ne comprendrai non plus ces Grecs.

source Le Temps dec11

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